Et si l’IA vous conduisait à recruter de moins bons candidats ?

Les CV dopés à l’IA vous font-ils recruter de moins bons candidats ? Selon des économistes américains, l’utilisation de l’IA par les candidats porterait préjudice aux meilleurs d’entre eux.

etude americaine cv IA
L'avènement de l'IA générative grand public rebat les cartes de la sélection de candidats. © Alina/stock adobe.com

L’IA vous aide-t-elle toujours à recruter les meilleurs candidats ? L’utilisation de ChatGPT et consorts par les candidats pour rédiger CV et lettres de motivation semble rebattre les cartes de la sélection par les recruteurs. C’est ce que nous apprend une étude réalisée par Anaïs Galdin, économiste et professeur à la Tuck School of Business de l’université de Dartmouth, et Jesse Silbert, doctorant en économie à l’université de Princeton, publiée le 13 novembre 2025.

Les meilleurs candidats pénalisés par le recours à l’IA

L’étude se base sur 2,7 millions de candidatures et 61 000 offres d’emploi dans le secteur IT postées sur la plateforme américaine freelancer.com, entre le 1er janvier 2021 (avant l’adoption massive des LLM) et le 26 juillet 2024 (après l’introduction de l’outil d’écriture IA intégré à la plateforme en avril 2023).

Ces travaux révèlent que le recours à l’IA générative par les candidats a un impact majeur sur la qualité des candidats recrutés. En clair, les meilleurs candidats ont 19% moins de chances d’être recrutés que s’ils n’utilisaient pas de LLM (large language model) dans le cadre de leur candidature. Inversement, les moins bons sont 14% plus souvent embauchés que s’ils n’avaient pas eu recours à l’IA pour postuler.

Comment expliquer cela ?

Avant l’adoption massive de l’IA par le grand public, les recruteurs valorisaient la qualité (personnalisation, créativité, rigueur, singularité…) du CV et de la lettre de motivation comme gage de succès futur du collaborateur à son poste. Car ils estimaient que l’effort et le temps passé par le candidat à lire l’offre et à rédiger et mettre en forme un CV et une lettre de motivation en disaient long sur son investissement, sa motivation et ses capacités.

Or, les LLM ont fait chuter le « coût » de production de ces textes, expliquent les auteurs de l’étude. Désormais, au bout de quelques itérations, chaque candidat peut obtenir un CV et une lettre de motivation adaptés à l’offre d’emploi, sans faute d’orthographe et de bonne facture. Et ils ne s’en privent pas : selon une enquête Hellowork parue le 18 novembre 2025, un candidat sur deux utilise l’IA générative dans le cadre de sa recherche d’emploi, un chiffre qui progresse de 7 points en un an. Parmi eux, 73% s’en servent pour rédiger une lettre de motivation et 37% pour réaliser des CV.

Des décisions d’embauche qui reposent davantage sur la compétition salariale

Il devient donc plus difficile pour un recruteur d’opérer un premier filtre en triant les candidats par la qualité de leurs écrits. Conséquence de cette perte de repères, « les décisions d’embauche reposent davantage sur la compétition salariale », notent les auteurs. Ce qui signifie que les recruteurs vont privilégier les candidats aux prétentions salariales les plus basses. « Étant donné que les travailleurs les plus compétents ont tendance à avoir des coûts d’entreprise plus élevés, ils sont moins capables de rivaliser uniquement sur les salaires par rapport aux travailleurs moins compétents, ce qui conduit à des résultats d’embauche moins méritocratiques », poursuit l’étude.

Face à cette moindre pertinence de l’écrit, quelle réaction adopter, en tant que recruteur, pour identifier les candidats qui ont le plus de chances de répondre au besoin ?

Les chercheurs américains recommandent notamment de déplacer l’effort d’évaluation vers des méthodes de sélection que l’IA ne peut pas fausser (comme des tests techniques où les recruteurs interdisent le recours à l’IA et sont en mesure de vérifier que l’interdiction a bien été respectée).

Un autre moyen de s’assurer des aptitudes et de la motivation réelles du candidat est de systématiser les entretiens physiques et de les organiser si possible assez tôt au cours du processus de recrutement. Enfin, s’appuyer davantage sur les candidats cooptés par vos collaborateurs est une bonne manière de vous rassurer sur leurs compétences.

Visuel promo

Bien s’équiper pour bien recruter