Le «breadcrumbing» : quand l’employeur entretient le flou

Le mot RH de la semaine. L’éclairage de Charlène Chirouze, experte en recrutement au Mercato de l’Emploi, sur cette pratique.

Méfiez-vous des fausses promesses !
Méfiez-vous des fausses promesses ! © kulkann/stock adobe.com

« Quand un employeur reste flou sur une promesse d’évolution ou n’est pas clair sur un choix de recrutement vis-à-vis d’un candidat… Tel est le principe du breadcrumbing. Problème : rester dans l’expectative ou dans une “zone grise” pour un candidat ou un collaborateur n’est pas sans conséquences… »

Un flou « professionnel »

« Le breadcrumbing (miettes de pain en anglais) consiste à susciter l’espoir auprès de sa cible sans le concrétiser dans les faits. Illustration : un séducteur envoie quelques messages de compliments tels des “miettes de pain” puis fait silence… Puis réapparaît pour garder le lien. Ce travers, observé dans le monde des rencontres amoureuses, se décline dans l’univers professionnel. En effet, certains employeurs et recruteurs peuvent faire miroiter des opportunités qui ne verront jamais le jour et laisser les candidats dans l’attente, frustrés, voire désorientés. Intentionnel ou pas, le breadcrumbing se produit lorsqu’une entreprise fait “tourner en bourrique” un candidat dans un processus d’entretien interminable, l’obligeant à rencontrer de nombreux interlocuteurs sans aucune issue. Par ailleurs, cela se produit également lorsque un manager promet une augmentation, une promotion, un nouveau projet excitant, une prime ou une mutation interne, qui tarde à arriver pour diverses raisons… »

Quelles formes ?

  • « Promesses vagues : Des engagements flous sur des promotions ou augmentations qui ne se concrétisent jamais.
  • Entretiens sans suite : Maintenir un candidat « en attente » après plusieurs échanges, sans réelle intention de le recruter.
  • Projets fictifs : Impliquer un collaborateur dans des projets qui n’aboutissent pas, uniquement pour maintenir son engagement.

Ces “montagnes russes” émotionnelles infligées aux candidats ou aux collaborateurs détruisent le lien de confiance et font du mal à la marque employeur. »

Une pratique qui laisse des traces

  • « Elle détériore la marque employeur : perte de confiance pour les candidats et les collaborateurs
  • Elle crée frustration et démotivation : les attentes non satisfaites peuvent altérer la confiance et l’estime de soi chez le candidat
  • Une perte de temps : les candidats ou collaborateurs investissent énergie et ressources dans des opportunités inexistantes. C’est aussi contre-productif pour l’entreprise.
  • Un turnover accru : Les employés désabusés cherchent d’autres opportunités, augmentant le coût de recrutement pour l’entreprise. »

Pourquoi cette pratique persiste-t-elle ?

« Certaines entreprises utilisent cette stratégie pour garder un vivier de talents ou éviter des départs massifs. Pour ce faire, elles utilisent aussi la technique des “emplois fantômes” avec des annonces d’emploi fictives. Ce manque de transparence peut aussi apparaître dans un contexte de pression concurrentielle. En effet, dans un marché tendu, il peut s’agir d’une tactique pour gagner du temps face à la pénurie de talents. Par ailleurs, il ne faut pas omettre le manque de professionnalisme. De manière non intentionnelle, certains recruteurs font “tirer la langue” aux candidats car ils manquent de méthodologie et de rigueur dans leurs méthodes de recrutement. »

Comment y remédier ?

  1. « Transparence accrue : Les entreprises doivent clarifier leurs intentions dès le départ. Dans le processus de recrutement, tout doit être codifié et verbalisé avec des échéances claires et des engagements du recruteur.
  2. Engagements concrets : Fixer des délais réalistes pour les promotions ou les recrutements. La politique de mobilité interne doit être ancrée dans le marbre de l’entreprise avec des durées d’occupation de poste.
  3. Formation des managers : Sensibiliser aux impacts négatifs du breadcrumbing sur la marque employeur. Alerter les managers sur les défauts de communication et les fausses promesses aux effets dévastateurs pour la performance de chaque collaborateur. »

Informer est primordial

« Le breadcrumbing reste une pratique à proscrire pour toute entreprise souhaitant bâtir une culture RH éthique et durable. Un employeur ou un recruteur ne peut tenir un candidat en haleine pendant des semaines avec des promesses vagues et des communications sporadiques. Il faut indiquer clairement et rapidement son intention d’embaucher. La confiance et la transparence ne se décrètent pas et se construisent dans chaque interaction professionnelle. Elles restent les piliers essentiels d’une relation saine entre employeurs, collaborateurs et candidats. »

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Bien s’équiper pour bien recruter