Arrêt maladie : 5 questions sur le projet d’augmentation du délai de carence

Pour réaliser des économies, l’exécutif songe à allonger le délai de carence pour les salariés du privé en arrêt maladie. Explications.

La piste d'un allongement du délai de carence pour les salariés du privé est étudiée par le gouvernement.
La piste d'un allongement du délai de carence pour les salariés du privé est étudiée par le gouvernement. © OceanProd/stock adobe.com

Quelle est la règle aujourd’hui ?

Dans le secteur privé, les salariés sont généralement soumis à un délai de carence de trois jours en cas d’arrêt de travail. Durant ce laps de temps, ils ne sont pas indemnisés par l’Assurance maladie, qui ne verse les indemnités journalières qu’à partir du quatrième jour d’arrêt de travail.

Néanmoins, l’employeur peut décider de souscrire à un contrat de prévoyance qui permet de maintenir à 100% la rémunération de leurs collaborateurs pendant les premiers jours de leur absence pour cause de maladie ou d’accident.

Quel est le projet du gouvernement ?

Selon une information de la Tribune Dimanche, le gouvernement envisage de revoir le nombre de jours de carence à la hausse : le versement des indemnités journalières par la Sécurité sociale pourrait ainsi être repoussé « au 5e, au 6e voire au 8e jour d’arrêt ».

Dans une interview à Ouest France, le 31 mars, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire a confirmé son intention de réformer les indemnités journalière. « Les arrêts maladie ont augmenté de 10% depuis le Covid », a-t-il rappelé, ajoutant vouloir ouvrir le débat « dès cette année afin de lutter contre les abus ».

Comment les entreprises réagissent-elles ?

La mesure a été très mal accueillie par les employeurs, qui craignent de devoir compenser en cas de retardement du versement des indemnités journalières. « Si on allonge les jours de carence, évidemment les cotisations à la prévoyance augmenteront pour les entreprises et ça peut faire des factures très lourdes, avance Eric Chevée, vice-président de la CPME, au micro de Franceinfo. On parle là de dépasser le milliard d’euros. »

Le patronat plaide plutôt pour la mise en place de jours de carence « d’ordre public », c’est-à-dire des jours de carence qui ne pourraient être indemnisés ni par l’Assurance maladie ni par l’employeur. A l’image de ce qui existe dans la fonction publique, où les agents en arrêt maladie se voient imposer un jour de carence non rémunéré.

Quels impacts potentiels pour les salariés ?

Dans les cas où l’entreprise prend le relais de l’Assurance maladie dans le cadre d’un contrat de prévoyance, l’allongement du délai de carence serait indolore pour les salariés.

En revanche, pour les collaborateurs non indemnisés durant les trois jours de carence, cette mesure s’annonce bien plus pénalisante. Selon la CPME, « deux millions de salariés sur les près de 20 millions que compte le secteur privé ne sont pas couverts par ce type de contrat de prévoyance ». Le manque à gagner serait donc accru pour ces salariés, travaillant majoritairement dans des petites et moyennes entreprises, si le nombre de jours de carence passe à quatre, cinq, six ou sept.

Cette mesure serait-elle efficace pour réduire le déficit public ?

L’objectif affiché est de réaliser des économies, alors que les dépenses liées aux indemnités journalières représentaient 16 milliards d’euros en 2022 et augmentent de 6% par an. D’après une étude de l’Insee datant de 2018, l’augmentation de ces dépenses est due, à la fois, au développement de maladies liées au vieillissement de la population et au contexte d’augmentation du nombre de personnes en emploi et des salaires.

« Selon les scénarios, les économies estimées [permises par la réforme] pourraient aller jusqu’à un milliard d’euros », d’après le journal économique. Mais est-ce suffisant ? Plusieurs études (DREES, Insee) mettent en évidence que l’allongement des délais de carence a un double impact : réduction du nombre d’arrêts de travail de courte durée (de moins d’un mois) et hausse du nombre d’arrêt maladie de longue durée. Or, selon la Caisse nationale d’Assurance maladie, les arrêts de courte durée ne représentaient en 2017, que 17,6% des dépenses d’indemnités journalières de l’Assurance maladie, ce qui représente 1,3 milliard d’euros. Des données qui conduisaient la Cour des Comptes à écrire, dans un rapport d’octobre 2019 : « Ainsi, un enjeu déterminant de maîtrise des dépenses d’indemnisation concerne les arrêts de plus de six mois. »

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