22% d’écart salarial femmes-hommes : quels leviers pour les RH ?
En 2025, les femmes françaises gagnent encore 22,2% de moins que les hommes. Quels moyens d’action les RH ont-ils pour combler durablement cet écart ?
A partir du 10 novembre 2025, 11h31, les femmes travailleront « gratuitement » jusqu’à la fin de l’année, selon le décompte réalisé par le collectif Les Glorieuses chaque année. Cette date matérialise l’écart de 22,2% qui subsiste encore lorsque l’on compare le revenu salarial moyen des femmes et à celui des hommes en France, d’après les derniers chiffres de l’Insee.
En 2016, cette date symbolique était fixée au 7 novembre, soit une réduction de l’écart salarial de 0,8% en 9 ans. Comment expliquer que l’on ne parvienne pas à réduire significativement ces inégalités liées au genre et quelles actions engager, en tant que RH, pour inverser la tendance ? Marie Donzel, directrice associée du cabinet AlterNego, nous éclaire.
Des progrès sur le rattrapage salarial à travail égal
« Ce que les entreprises parviennent assez bien à réduire, c’est la part inexpliquée, ou discriminatoire, de ces inégalités salariales, c’est-à-dire celle qui subsiste lorsqu’on fait abstraction des différences de temps de travail et de représentation des femmes et des hommes au sein de chaque corps de métier. Ces inégalités inexpliquées comptent pour 4% des écarts salariaux liés au genre », détaille-t-elle.
Chez les cadres, l’Apec recense 7% de différence entre le salaire médian des hommes et celui des femmes, à poste et temps de travail équivalents. Un déséquilibre qui s’accentue avec l’âge : les femmes de plus de 55 ans gagnent 11% de moins que les hommes du même âge.
Les RH activent différents leviers pour remédier à ces différences et garantir un salaire égal à travail égal. Elles prévoient notamment des enveloppes de rattrapage salarial pour gommer les différences de salaire négocié à l’embauche ou qui se sont créées au fil de la carrière entre femmes et hommes occupant un même poste.
Elles sont également attentives au respect des quotas fixées par les lois Rixain (au moins 30% de femmes au sein des instances dirigeantes à partir de mars 2026, puis 40% à partir de mars 2029) et Copé-Zimmermann (au moins 40% de femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises). « Les entreprises ont compris que respecter ces quotas était une étape transitoire mais nécessaire pour faire advenir l’égalité réelle », note l’experte.
Comment s’attaquer aux inégalités systémiques
En revanche, « peu d’entre elles s’attaquent aux inégalités systémiques, alors que la société est structurellement marquée par des biais de genre : différence d’orientation dès l’école entre les garçons et les filles, tâches domestiques encore largement assumées par les femmes, durée d’ancienneté dans l’entreprise inférieure chez les femmes par rapport aux hommes (elles partent plus rapidement soit parce qu’elles se heurtent au plafond de verre, soit parce qu’elles suivent leur conjoint sur une mobilité, soit parce qu’elles sont victimes de sexisme ou de harcèlement). »
« Néanmoins, de plus en plus d’entreprises comprennent qu’elles sont des acteurs de la société et qu’elles ont un rôle à jouer », constate Marie Donzel. Des initiatives ont germé au fil des années pour s’attaquer à ces inégalités profondément ancrées dans la société :
- encourager la mixité des métiers: intervention dans les lycées et les écoles, objectifs chiffrés de recrutement de femmes dans certaines filières, comme le BTP ;
- adaptation des conditions de travail pour favoriser l’inclusion des femmes : « Ça a commencé avec les factrices pendant la Première Guerre mondiale. Elles ne pouvaient pas porter les lourdes sacoches de lettres qui leur lacéraient la poitrine, et on leur a fourni des chariots à roulettes. Cet équipement a ensuite été utilisé par tous les facteurs, hommes comme femmes, ce qui a soulagé les travailleurs », illustre la directrice associée d’AlterNego ;
- dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (procédure de signalement, hotline, référents au sein de l’entreprise…) ;
- accompagnement à la parentalité : financement de solutions de garde d’enfants, congé maternité ou second parent plus avantageux que le congé légal…
La loi sur la transparence des salaires : une opportunité inédite pour l’égalité des genres
« Toutes ces actions sont vertueuses mais doivent être intégrées à une politique globale de réduction des inégalités, qui s’attaque à la racine du problème. La première action à mener est de mieux payer les femmes », affirme Marie Donzel. D’après elle, la loi sur la transparence des salaires constitue une opportunité inédite d’accélérer le mouvement, car elle contraindra les entreprises à publier un reporting de leurs écarts salariaux femmes-hommes et dotera les salariés d’un droit à l’information sur les salaires médians et moyens, ventilés par sexe, de leur catégorie.
« Le premier gros chantier pour les RH est de redéfinir des cotations de poste sur la base d’une cartographie fine des compétences. Cette classification pourra être un formidable outil de dialogue social de qualité », estime-t-elle.
L’étape suivante sera de combler les écarts de rémunération non justifiés. La loi imposera d’ailleurs aux employeurs de mettre en place un plan de correction pour tout écart égal ou supérieur à 5% entre deux postes équivalents. « Pour combler ces écarts, les RH devront être attentives à trois éléments :
- Négocier avec leurs IRP (institution représentative du personnel) un échéancier de rattrapage salarial financièrement soutenable pour l’entreprise ;
- Anticiper le probable tassement des rémunérations des hommes en jouant à fond la carte du partage de la valeur en s’adossant à la loi, pour que les collaborateurs masculins gardent le sentiment que leurs efforts sont récompensés ;
- Mettre en place des outils de pilotage pour s’assurer que les écarts réduits ne réapparaissent pas plus tard. »
« Les RH doivent anticiper que ces actions de rééquilibrage ne seront pas forcément bien comprises de tous les collaborateurs. Elles devront garder une main de fer dans un gant de velours, rester intransigeantes sur leurs objectifs tout en faisant preuve de souplesse et de pédagogie. Dans notre contexte, l’entreprise est le lieu de la société le plus sécurisant et le plus cadrant pour de nombreuses personnes. Il ne faut pas qu’elle donne le sentiment qu’elle rejette certains collaborateurs, mais que les mesures qu’elle prend bénéficieront, in fine, à tous », conclut-elle.