Pénurie des talents, transparence des salaires : « 2025 va être une année charnière »
François Leverger, directeur général d’Hellowork group, dresse un tour d’horizon des sujets qui vont compter en 2025 en matière de recrutement.
Quel va être l’enjeu numéro un en matière de recrutement en 2025 ?
La gestion de la pénurie des talents va rester la première problématique des entreprises en 2025, et ce quel que soit le contexte économique. Depuis la sortie de la crise covid, nous assistons à une vraie accélération du nombre de postes à pourvoir, liée à la création de postes mais surtout au turnover dans les entreprises. La raison est en partie conjoncturelle mais aussi structurelle. Pendant très longtemps, on disait qu’il fallait 1% de croissance pour que le marché de l’emploi soit dynamique. Aujourd’hui, le marché est structurellement pénurique, ce qui fait que la croissance a moins d’influence. On voit qu’un certain nombre de secteurs d’activité souffrent. Mais la pénurie des talents est un problème plus large lié au fait qu’il y a plus de personnes qui partent à la retraite que de gens qui sont sur le marché sur ces métiers. En parallèle, il y a une inadéquation entre la main d’œuvre à disposition sur le marché et les emplois à pourvoir.
Comment les entreprises peuvent-elles faire face à cette pénurie des talents ?
Dans ce contexte, les RH peuvent vite se sentir démunis si on leur enlève des moyens. Pourtant, la ressource humaine reste, pour moi, le premier moteur de développement d’une entreprise. Il ne faut donc surtout pas couper leurs budgets. En Allemagne, les moyens alloués au recrutement par les entreprises sont à peu près deux fois supérieurs à ceux alloués en France, pour le même nombre d’actifs. Même si les sommes mobilisées ont augmenté en France ces dernières années, elles restent encore très très loin de celles allouées dans les autres pays européens.
Doivent-elles aussi travailler leur marque employeur ?
Face aux difficultés de recrutement, les entreprises doivent aussi s’atteler à la rétention de leurs collaborateurs. Cela doit d’abord passer par la création d’un cadre de travail qui est à la fois stimulant et aussi agréable que possible, puis par sa promotion à l’extérieur. C’est ce que j’appelle la réalité employeur, plus que la marque employeur, qui est pour moi très marketing, pas toujours construite sur des bases réelles.
Ne pas former ses collaborateurs aux métiers de demain, c’est s’exposer à des départs.
C’est aussi notre rôle d’inventer des solutions pour aider les entreprises à formaliser cette réalité et à en faire la promotion à l’extérieur. Nous proposons déjà aux candidats une immersion au sein des entreprises au travers des photos, des vidéos. Nous réfléchissons à aller plus loin avec des avis de collaborateurs. Par ailleurs, nous permettons aux salariés de devenir de véritables ambassadeurs pour leur entreprise au travers de notre solution de cooptation Basile.
Dans la rétention des collaborateurs, la formation est également un élément très important. C’est encore plus vrai avec les plus jeunes générations, qui ont un rapport différent au travail. Ne pas former ses collaborateurs aux métiers de demain, ne pas imaginer des parcours, c’est s’exposer à des départs.
Enfin, en 2025, si la conjoncture devait commencer à se tendre, les entreprises devront aussi se montrer rassurantes vis-à-vis de leurs collaborateurs, les aider à sentir que les entreprises sont gérées. Il n’y a rien de pire pour la motivation des équipes que l’incertitude sur leur avenir professionnel.
L’intégration du digital dans les processus de recrutement est-il aussi un enjeu pour 2025 ?
Il y a de grandes inégalités entre les entreprises sur ces sujets. L’un des moyens de réduire ces inégalités, c’est de proposer des solutions permettant la digitalisation d’un certain nombre de processus liés au recrutement à toutes les entreprises, depuis la TPE jusqu’au CAC 40 en passant par les ETI. C’est le rôle d’Hellowork recruteur.
C’est d’autant plus primordial que tous les jours, les consommateurs utilisent des outils numériques qui leur permettent de commander en ligne ou de se divertir, et ces jeunes générations attendent exactement la même chose dans un processus de recrutement que ce qu’ils vivent au quotidien avec leur téléphone. Les techniques marketing s’appliquent de plus en plus aux RH, que ce soit en externe ou en interne. Ça permet de cibler plus précisément, de concentrer ses moyens sur les cibles qu’on vise. Les entreprises doivent se les approprier si elles veulent attirer ces jeunes générations.
Nous avons un rôle de rééquilibrage pour rendre le recrutement égalitaire.
Et c’est à des acteurs comme nous de jouer ce rôle d’intermédiaire entre des candidats et des recruteurs en construisant des outils – par exemple pour construire une campagne de recrutement destinée aux réseaux sociaux – qu’un certain nombre d’entreprises n’ont pas les moyens de construire elles-mêmes. Nous avons un rôle de rééquilibrage pour rendre le recrutement égalitaire.
Et l’intelligence artificielle ?
L’IA va permettre aux recruteurs et aux RH d’automatiser un certain nombre de tâches à faible valeur ajoutée, pour qu’ils se concentrent sur ce qui a de la vraie valeur, c’est-à-dire les candidats et les collaborateurs. Que ce soit pour les réponses négatives aux candidats, les préparations d’entretien, les générations d’offres, l’IA va être utilisée par un certain nombre d’outils qui visent à faciliter la vie des recruteurs pour leur permettre de se concentrer sur le cœur de leur métier. Mais nous ne pensons pas, nous n’espérons pas, que l’IA remplace un jour l’évaluation humaine. Elle donnera aux RH la possibilité d’y consacrer plus de temps.
En juin 2026, la directive européenne sur la transparence des salaires va entrer en application. Les entreprises sont-elles prêtes ?
La transparence est une tendance de fond qui dépasse le seul cadre de la transparence salariale. Cela vient notamment d’un rapport au travail qui a beaucoup évolué depuis la crise sanitaire, pour toutes les générations, pas seulement pour les plus jeunes. Les entreprises qui ne seront pas transparentes perdront leurs collaborateurs.
La transparence des salaires fait partie du sujet, même si on a déjà bien avancé sur ce point ces dernières années. 2025 va être une année charnière, mais on y est presque : aujourd’hui, 56% des offres publiées sur Hellowork indiquent le salaire, un chiffre qui monte à 81,5% si l’on y ajoute nos estimations. C’est ce qu’on dit aux entreprises qui travaillent avec nous : on ne peut plus laisser un candidat face à une offre d’emploi sans lui dire à combien ce poste est rémunéré. Mais aujourd’hui, je ne rencontre plus tellement de freins idéologiques sur ce sujet-là. Nous sommes davantage face à des difficultés de mise en œuvre.
Quel conseil donneriez-vous aux entreprises pour 2025 en matière de recrutement ?
Je leur dirais de mettre les RH au centre de la stratégie de l’entreprise et de leur donner des moyens. Le recrutement, c’est un investissement, ce n’est pas une charge.