Vie de RH : « Le jour où j’ai recruté deux pédiatres ukrainiennes réfugiées en France »
Quand un recrutement soulage un service hospitalier en manque de bras et permet à des réfugiées de retrouver un emploi : c’est la belle histoire que nous raconte Eva Galmar.

« Je ne sais pas s’il y a un métier plus beau que celui-ci : aider une personne à trouver un emploi qui a du sens pour elle, dans une entreprise dans laquelle elle pourra s’épanouir. Je le pense depuis que je suis devenue recruteuse, mais mon métier a pris encore plus de sens il y a quelques mois. »
« En avril dernier, ma collègue Joanna de Monplanet, très investie dans une association qui essaie de désengorger la Pologne en faisant venir des réfugiés ukrainiens en France, m’informe que deux pédiatres arrivent dans notre département, en Charente. Je fais rapidement le rapprochement avec les besoins du centre hospitalier d’Angoulême, confronté à de grandes difficultés de recrutement. Je décide de rencontrer ces deux femmes médecins, tout en sachant qu’elles ne parlent pas un mot de français. »
« Elles n’aspiraient qu’à retrouver le métier qu’elles avaient quitté avec leur pays »
« On sait tous que cette horrible guerre en Ukraine fait fuir beaucoup de personnes qui n’ont d’autre choix que de partir loin de chez elles, sans rien. Ce contexte donne à mes entretiens d’embauche une tonalité particulière. A certains moments, j’ai la chance d’être assistée par une interprète ukrainienne, mais, parfois, je dois me contenter d’une application de traduction en simultané. Reformuler, faire répéter pour être bien certaine de ne passer à côté d’aucune information importante. En parallèle, je prends contact avec le centre hospitalier pour savoir s’ils sont partants pour les embaucher. Ils acceptent tout de suite. »
« D’un côté, j’avais deux médecins affichant vingt ans d’expérience qui n’aspiraient qu’à une chose : retrouver le métier qu’elles avaient quitté avec leur pays, et non pas trouver un boulot alimentaire, comme certaines personnes leur ont suggéré. De l’autre, un gros besoin dans un hôpital qui manquait cruellement de personnel. En comblant ces deux attentes, j’ai éprouvé beaucoup de fierté et un sentiment profond d’avoir été utile. »
« Pour tout recrutement, c’est la personne dans sa globalité qui importe »
« Ces deux pédiatres sont en poste depuis le 1er juin et au moins jusqu’à la fin de l’année. J’échange régulièrement avec elles et avec l’hôpital et les premiers échos sont positifs. Je ne dis pas que ça a été facile. Nous les avons accompagnées pour leur recherche de logement, leurs démarches administratives. Nous avons dû trouver des solutions pour surmonter la barrière de la langue : elles prennent des cours de français et consultent en binôme avec un médecin jusqu’à ce que leur maîtrise de la langue soit satisfaisante. Leurs diplômes sont également en cours de traduction, un préalable nécessaire à l’obtention d’équivalences et à leur inscription à l’Ordre des médecins, ce qui leur permettra d’exercer en totale autonomie. »
« Cette expérience prouve qu’en recrutement, il ne faut pas s’arrêter aux a priori (elles ne parlent pas français, elles viennent d’un pays très différent, elles ne connaissent pas les pratiques médicales françaises…). En vérité, on s’occupe d’un bébé de la même manière, quel que soit le pays dans lequel on est né. Pour tout recrutement, c’est la personne dans sa globalité qui importe : ses compétences, sa personnalité, son envie… Bien plus que les différents obstacles liés, par exemple, à la langue ou à la culture. »
« Être prêt à recevoir les candidats avec leurs traumatismes »
« Cela m’incite à dire aux entreprises qu’elles doivent s’ouvrir si elles veulent trouver du personnel. Si nos vieilles recettes ne fonctionnent plus, on doit faire autrement. Ouvrir la porte à des candidats réfugiés suppose d’adapter notre posture de recruteur, d’être prêt à les recevoir avec leurs traumatismes. Il faut accepter que certains s’expriment avec retenue, par peur de l’inconnu, que certaines de vos questions restent sans réponses, car elles font référence à des souvenirs douloureux. Le monde du travail bouge et on peut faire en sorte qu’il bouge dans le bon sens tous ensemble. »
Eva Galmar est consultante indépendante en recrutement depuis 3 ans pour le Mercato de l’emploi après avoir travaillé quinze ans en tant que commerciale dans les secteurs de l’export et de la santé.