Vie de RH : « Le jour où j’ai licencié un collaborateur pour consommation de drogue au travail »

Bleuenn Passelande nous raconte un épisode de licenciement éprouvant, vécu alors qu’elle n’était encore que recruteuse en alternance.

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"J’ai encore plus compris l’importance, quand on est RH, de laisser sa porte ouverte, de traîner à la machine à café, de prendre le temps de sortir de son bureau."

« Alternante de 22 ans, j’ai dû licencier un collègue de 27 ans »

« Je suis devenue RH après plusieurs expériences dans le secteur du commerce. Ça a été assez difficile de trouver mon premier emploi dans le cadre de cette reconversion, mais à 22 ans, je suis arrivée en tant qu’alternante dans une entreprise qui était en train d’ouvrir son service RH. J’étais donc la seule au sein de ce service, appuyée par la direction des affaires financières et la directrice. Responsable RH du Grand Ouest, en charge de 4 plateformes logistiques et de 250 collaborateurs, je m’occupais des recrutements et des licenciements. »

« C’est à ce poste que j’ai dû licencier un collaborateur de 27 ans, qui travaillait depuis 8 ans dans l’entreprise. La direction avait des doutes sur certains employés qui travaillaient, de nuit, dans les entrepôts. Elle avait entendu dire qu’ils consommaient de la drogue et de l’alcool durant leurs pauses. On m’a demandé d’aller voir sur le terrain si les faits étaient avérés et c’était le cas. »

« C’est très dur de rester imperméable alors que tu as envie de t’effondrer »

« J’ai convoqué ce collègue à un entretien préalable au licenciement. Cela faisait un an que je le connaissais et je m’entendais bien avec lui, comme avec toute l’équipe. Ce qui a rendu l’annonce d’autant plus difficile : il a essayé de me prendre par les sentiments, en me disant qu’il avait un jeune enfant, qu’il venait d’acheter une maison avec sa femme… Mais je n’avais pas le choix, le fait de conduire des engins sous substances mettait en danger la vie d’autrui, j’ai dû le licencier pour faute grave. »

« C’est dur de rester neutre et imperméable à ce moment-là, alors que tu as juste envie de t’effondrer et de lui dire ‘’je suis désolée, on fait table rase et je te laisse une seconde chance’’. Tu écoutes et tu lui dis que tu ne peux pas faire autrement, qu’il y a des eu des campagnes de rappel d’interdiction, des avertissements. Il a très mal supporté son licenciement, il m’a envoyé des messages de menaces. »

« J’ai compris l’importance de laisser sa porte ouverte ou de traîner à la machine à café »

« Cet épisode a modifié mon rapport aux autres. J’ai encore plus compris l’importance, quand on est RH, de laisser sa porte ouverte, de traîner à la machine à café, de prendre le temps de sortir de son bureau. Faire ces gestes, qui peuvent sembler anodins, montre aux personnes que tu es proche d’elles. Je pense que c’est ce genre de comportement qui a incité des salariés à venir, par la suite, se confier à moi de situations de harcèlement moral ou sexuel au travail, alors que je n’étais pas nécessairement référente pour ces sujets-là. C’est important de prendre le temps de laisser la place aux collaborateurs de s’ouvrir à toi, que ce soit pour désamorcer des conflits ou prévenir un risque. »

« Ensuite, il faut apprendre à placer le curseur au bon endroit : malgré l’empathie dont tu dois faire preuve, il faut garder une certaine posture professionnelle, ta casquette de RH. Le bon discours, c’est : ‘’J’entends ton souci, voilà comment je peux t’accompagner et voilà les interlocuteurs compétents vers lesquels tu peux te tourner.’’ »

Après une première vie professionnelle en tant que commerciale dans la grande distribution et dans la mécanique, Bleuenn Passelande est arrivée au recrutement à la suite d’une reconversion professionnelle. Elle a d’abord occupé les postes d’assistante RH et de responsable RH dans différentes entreprises avant de rejoindre HelloWork, en 2021, en tant que chargée de recrutement.

Bien s’équiper pour bien recruter