Ma victoire RH : « J’ai construit avec mes équipes une politique de rémunération transparente et équitable »

La série qui célèbre vos grands succès et vos petites victoires professionnelles. Rencontre avec Séverin Prats, président fondateur d’Ethi’Kdo.

Nous avons élaboré notre politique de transparence et d’équité salariale en partant d’une feuille blanche, avec l’idée de présenter nos avancées régulièrement au reste de l’équipe, afin que les salariés valident nos partis pris.
"Nous avons élaboré notre politique de transparence et d’équité salariale en partant d’une feuille blanche, avec l’idée de présenter nos avancées régulièrement au reste de l’équipe, afin que les salariés valident nos partis pris." © Ethi'Kdo

« Au moment où j’ai créé la coopérative Ethi’Kdo – qui commercialise des cartes cadeaux éthiques et multi-enseignes – en 2019, il n’y avait pas vraiment de politique de rémunération. Elle s’établissait en fonction de notre équilibre financier et de la capacité de négociation de la personne. Ce fonctionnement a duré jusqu’à ce que l’entreprise compte six salariés, aujourd’hui nous sommes une vingtaine. »

« Mon ignorance sur la structuration RH m’est revenue à la figure »

« Un jour, quelqu’un de l’équipe vient frapper à ma porte : ‘’Comment ça se fait qu’untel soit mieux payé que moi alors qu’on a le même diplôme et un poste similaire ? C’est parce que je suis une femme ?’’ Là, j’ai pris une énorme claque, je me demandais où j’avais failli. S’en est suivi une grosse remise en question. Au lancement d’une entreprise, il faut trouver des clients, lancer un produit, et on ne se pose pas ces questions de structuration RH. A ce moment-là, mon ignorance sur ces sujets m’est revenue à la figure. »

« J’ai donc décidé de me former, en me renseignant auprès de structures qui nous ressemblaient et qui avaient un engagement social et environnemental fort. J’ai notamment contacté l’entreprise makesense, la communauté Latitudes et l’association L214. »

La transparence et l’équité salariale : de réelles attentes pour les collaborateurs

« En parallèle, nous avons lancé un questionnaire RH, pour sonder les attentes générales de nos collaborateurs. C’était la première fois qu’on le faisait. Parmi les priorités citées, il y avait des besoins de formation, la création d’un règlement intérieur mais surtout la volonté de transparence et d’équité salariale. »

« Pour travailler sur ce sujet, nous avons constitué un groupe de travail composé de trois personnes aux profils variés, dont la commerciale qui m’avait alerté. Je ne voulais pas travailler dessus seul, mais plutôt être dans une co-construction. Nous avons élaboré notre politique de transparence et d’équité salariale en partant d’une feuille blanche, avec l’idée de présenter nos avancées régulièrement au reste de l’équipe, afin que les salariés valident nos partis pris. »

L’autonomie et la contribution au collectif comme critères

« Pour débuter, nous nous sommes demandé quels étaient les éléments fondamentaux d’une rémunération équitable. Nous avons proposé qu’il y ait un fixe pour tout le monde. Autrement dit, une base minimum qui soit supérieure au SMIC, car nous sommes basés à Paris et que les salariés sont tous détenteurs d’un Bac +5.  Les autres éléments pris en compte dans l’élaboration de cette politique de rémunération sont le degré d’autonomie de la personne et son niveau de contribution au collectif. »

« Nous avons ainsi imaginé une grille avec différents niveaux d’autonomie, de 1, un niveau attribué aux stagiaires, à 12, qui correspondrait à l’expert incontournable du sujet, en passant par divers degrés de maîtrise du poste et strates de management. »

« Quant au niveau de contribution au collectif, il s’évalue sur une échelle de 1 à 9 : l’objectif est de récompenser les éléments moteurs, ceux qui rendent l’équipe plus efficace, qui aident leurs collègues. Cette faculté a énormément de valeur mais elle est plus difficile à évaluer. En résumé, chaque salarié bénéficie d’un salaire de base, plus un bonus en fonction de son niveau d’autonomie et un autre en lien avec sa contribution au collectif, auxquels on ajoute 600 euros brut annuel par année d’ancienneté. »

Des salaires plafonnés par la rémunération du dirigeant

« On s’est ensuite posé la question des métiers en tension, car certains profils sont beaucoup plus difficiles à recruter que d’autres. En prenant en compte ce paramètre, on a mis en place des coefficients. Par exemple, sur le salaire de base (1,2 fois le SMIC), on applique un coefficient de 1,3 pour les postes tech et de 1,12 pour les commerciaux. »

« Dans le même temps, on s’est posé la question de la rémunération du dirigeant. C’est une décision importante, car elle sert aussi de plafond à la grille. Concrètement, quelqu’un qui se situerait à l’échelon maximal ne pourrait pas être payé plus de 90 % du montant du salaire du dirigeant. C’est un choix que nous avons fait, car le dirigeant détient la responsabilité pénale de sa fonction et qu’il n’a pas droit au chômage. Il assume un risque supplémentaire, donc il semblait normal à tous qu’il soit payé plus. »

Le dialogue et les compromis au fondement des décisions

« Pour parvenir à ces compromis, les discussions ont été longues, les débats nombreux, nous avons beaucoup échangé, mais nous étions tous d’accord sur les objectifs. En parallèle, nous avons suivi des formations autour de la communication non-violente, pour que les salariés puissent exprimer leurs frustrations ».

« Chez d’Ethi’Kdo, les salariés sont sensibles à la justice sociale et à l’équité. Nous avons donc avancé en gardant ces valeurs en tête, avec le groupe de travail. A la fin, la grille a été adoptée à l’unanimité. Cette dernière est partagée en interne, mais elle est aussi communiquée aux candidats au cours du processus de recrutement. »

Des retombées positives en interne comme en externe

« Au total, il s’est passé un an entre les premières discussions du groupe de travail et la finalisation de la grille. Aujourd’hui, cela fait neuf mois que toutes les rémunérations sont alignées sur cette même grille salariale. Chaque salarié sait, à présent, où il se situe mais aussi comment faire pour passer au niveau suivant. Ce système offre des perspectives d’évolution accessibles, avec une large marge de progression. »

« En interne, la perception par les collaborateurs et les retours ont été très positifs. J’ai senti une fierté des équipes. J’ai l’impression que le fait d’avoir un dirigeant qui dit : « Je vous confie les clés du camion » démontre une capacité à se remettre en question. Je me suis aussi rendu compte que, dans les profils que nous avons recrutés récemment, certaines personnes, qui étaient mieux payées avant, acceptaient d’être moins payées, car elles nous rejoignent pour d’autres raisons que le salaire. »

« Une fois que tout a été finalisé, j’ai ressenti un mélange de soulagement et de fierté. »

« Je pense que la mise en place de cette politique de rémunération éthique, transparente et innovante a aussi bénéficié à la notoriété d’Ethi’Kdo et de sa marque employeur. Cette initiative peut aussi intéresser nos clients, qui sont parfois des CSE, et qui travaillent aussi sur ces sujets-là. Il faut voir ce sujet comme une opportunité. Pour la génération Z, l’iniquité des salaires et le manque de transparence sont anormales. Si on veut recruter ces profils, il faut prendre ce virage. D’ailleurs, les candidats qui sont intéressés peuvent découvrir sur notre site carrière, ce en quoi nous croyons, et comment cela se matérialise sur la grille de rémunération. »

« Une fois que tout a été finalisé, j’ai ressenti un mélange de soulagement et de fierté. En sachant, quand même, que rien n’est figé dans le temps. Dans les améliorations futures, nous réfléchissons à instaurer une prime fixe pour tous les salariés, l’idée étant d’augmenter plus les bas salaires que les hauts salaires. Cette dernière viendrait remplacer la prime de participation ou d’intéressement, qui n’existe pas chez Ethi’Kdo, car tous les bénéfices sont réinjectés dans la société. »

Séverin Prats a commencé sa carrière par des études de commerce, avec une spécialisation en management et développement durable en étant, en parallèle, joueur de rugby professionnel. Après avoir travaillé dix ans dans le secteur du recyclage, il a eu l’idée de créer la coopérative Ethi’Kdo. Son entreprise commercialise une carte cadeau solidaire multi-enseignes éco-responsable et équitable pour les entreprises, les CSE, les particuliers souhaitant offrir des chèques cadeau.

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Bien s’équiper pour bien recruter