Travailleurs indépendants : les premières élections professionnelles font polémique

Les livreurs de repas à domicile et les chauffeurs de VTC ont jusqu’au 16 mai pour élire leurs représentants lors des premières élections professionnelles organisées pour les travailleurs indépendants des plateformes.

Les premières élections professionnelles des travailleurs des plateformes se déroulent jusque le 16 mai.
Les premières élections professionnelles des travailleurs des plateformes se déroulent jusque le 16 mai. © AA+W/stock adobe.com

« Un rendez-vous historique qui permettra d’améliorer les conditions des travailleurs tout en respectant leur statut d’indépendant » pour la ministre du Travail, Elisabeth Borne. Une élection « aux bases malsaines qui exclut de fait la requalification en salariat revendiquée » pour Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat des chauffeurs indépendants. Les premières élections professionnelles organisées pour les travailleurs des plateformes se sont ouvertes lundi 9 mai sur fond de controverse.

120 000 travailleurs indépendants (39 000 chauffeurs et 84 000 livreurs) des plateformes de mise en relation de type Uber ou Deliveroo vont pouvoir choisir leurs représentants par vote électronique, d’ici le 16 mai.

Un moyen de réguler les conditions de travail des indépendants ?

Sept organisations et syndicats se sont portés candidats côté VTC et neuf côté livreurs. Les listes qui auront obtenu au moins 5 % des suffrages lors de ce premier scrutin à tour unique pourront désigner chacune trois membres qui siégeront lors des réunions de négociation.

Le gouvernement voit dans ce vote historique un moyen de réguler les conditions de travail de ces indépendants, dans un contexte où Deliveroo France vient d’être condamné à une amende record pour travail dissimulé.

Le rôle de ces représentants sera de s’asseoir à la table des négociations, à côté des plateformes, pour discuter des conditions de travail, de la rémunération, de la formation, de la protection sociale des travailleurs mais aussi des conditions de rupture des relations commerciales avec leur employeur.

De leur côté, l’intersyndicale nationale VTC (INV), le syndicat des chauffeurs privés (SCP) et le Clap (Collectif des Livreurs autonomes parisiens) ont purement et simplement décidé de boycotter l’élection. Interviewé par L’Obs, Brahim Ben Ali regrette que le lien de subordination entre les plateformes et les livreurs, qui justifierait une requalification en salariat, ne soit pas reconnu : « Le statut d’indépendant du conducteur est totalement fictif. La plateforme assure que les chauffeurs sont libres de choisir leurs créneaux par exemple, mais certains horaires sont bonifiés. Tout le monde travaille sur ces horaires, c’est comme s’ils étaient imposés. »

Accès limité au vote et faible participation annoncée

Autre point qui fait débat : un accès limité aux votes. De nombreux travailleurs ne peuvent pas prendre part au scrutin, soit parce qu’ils sont sans-papiers, soit parce qu’ils n’ont pas effectué au moins 5 prestations entre juillet et décembre 2021, soit parce qu’ils sous-louent leur compte et que leur nom n’apparaît pas sur la plateforme, souligne Ludovic Rioux, de la CGT Livreurs dans les colonnes de Challenges.

Enfin, le taux de participation devrait être faible, ce qui pose la question de la représentativité des élus. « On sait qu’elle ne sera pas massive, on l’espère la plus satisfaisante possible », confie aux Echos Bruno Mettling, président de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe), chargé de veiller au bon déroulement du scrutin. « La France est le premier pays qui aura ainsi mis en place un processus public, encadré par des textes, qui permet à des travailleurs indépendants de désigner leurs représentants », s’est-il également félicité.

Un troisième statut à mi-chemin entre l’indépendance et le salariat, qui n’est pas au goût de tous les syndicats, et va à l’encontre de la législation européenne qui semble évoluer vers une extension du salariat aux travailleurs des plateformes.

Bien s’équiper pour bien recruter