Télétravail : 3 arguments en faveur du retour au bureau balayés par la science
Les raisons invoquées par les employeurs pour faire revenir leurs collaborateurs au bureau sont-elles fondées ?

Comment trouver l’équilibre idéal entre travail à distance et au bureau ? L’équation n’est pas si simple à résoudre pour les entreprises, qui se posent la question du modèle à adopter pour concilier bien-être de leurs collaborateurs et performance collective. Tout cela dans un contexte de tensions sur le marché du recrutement, où le télétravail demeure un argument de choix aux yeux des candidats.
Ainsi, 46% des Français seraient prêts à démissionner si leur employeur décidait de supprimer le télétravail, confirme une enquête YouGov pour le Huffington Post publiée le 25 octobre 2024. De manière générale, 41% des salariés français déclarent qu’ils opteraient pour un mode hybride de travail s’ils avaient le choix, contre 29% pour un format 100% présentiel et 15% pour du 100% télétravail, selon un sondage YouGov Surveys publié en février 2024.
La popularité de ce mode d’organisation du travail ne se dément pas dans l’Hexagone, malgré le mouvement de retour au bureau qui s’opère aux Etats-Unis et, à la marge, dans certaines entreprises françaises, comme Ubisoft. Pour quelles raisons ces entreprises décident-elles de faire machine arrière ? Et les arguments qu’elles avancent sont-ils scientifiquement prouvés ?
« Les salariés sont moins productifs en télétravail »
De Google à Amazon en passant par Meta, de nombreuses entreprises de la Silicon Valley rappellent leurs employés sur site, au moins quelques jours par semaine, au nom d’une amélioration de la productivité. Or, comme le résume un article du Fonds monétaire international (FMI) publié en septembre 2024, « le modèle de travail hybride associant télétravail et présence au bureau n’aurait aucun effet net sur la productivité ». De la même manière, « le modèle de télétravail exclusif a sans doute un effet neutre sur la productivité des entreprises, car les sociétés n’ont tendance à l’adopter que lorsqu’il est adapté à leurs activités ; souvent, il s’agit de tâches de programmation ou de soutien informatique, effectuées par des employés qualifiés dans un environnement contrôlé ».
Une étude réalisée par l’OCDE et publiée en juillet 2023 va davantage dans le détail, en aboutissant à la conclusion suivante : si la productivité augmente dans les premiers jours de télétravail, elle a tendance à baisser au-delà de deux jours de travail à distance par semaine. « Le maximum de productivité du travail correspond aux entreprises accordant, en moyenne, un à deux jours de télétravail par semaine », notent les auteurs de l’étude.
« Le télétravail créé des inégalités de rémunération entre travailleurs »
C’est l’un des arguments avancés par Elon Musk, parmi les opposants les plus notoires au télétravail. Selon le patron de Tesla, il s’agit d’un avantage qui crée des inégalités entre travailleurs : les personnes travaillant à distance auraient tendance à occuper des postes plus qualifiés et à haute responsabilité, associés à une meilleure rémunération, que ceux des employés qui n’ont pas la possibilité de télétravailler.
Une étude, menée conjointement par les universités de Nottingham, Sheffield, Birmingham, Kent et le King’s College de Londres, vient nuancer cette version. Si elle confirme que les personnes en télétravail gagnent, en moyenne, plus que les salariés qui ne sont pas éligibles au télétravail, cet écart ne serait pas dû au télétravail en lui-même, mais aux différences de qualifications des deux panels. « Le passage au travail à distance n’a pas entraîné de changement significatif dans l’inégalité globale », observent les universitaires.
Si le télétravail ne vient pas creuser les inégalités de rémunération, il peut, dans certains cas, accentuer les inégalités hommes-femmes, soulignent d’autres travaux de recherche. Une publication du centre Aubertine-Auclert datant de 2022 prouve qu’hommes et femmes ne sont pas égaux face au télétravail : les premiers sont plus nombreux à disposer d’une pièce dédiée au travail et de matériel informatique adapté que les secondes ; les premiers sont moins exposés aux risques d’hyper-connectivité que les secondes. « Elles sont plus nombreuses à déclarer devoir répondre directement aux sollicitations et moins nombreuses à voir respecté leur droit à la déconnexion, des constats à mettre en lien avec une suspicion de leur hiérarchie qu’elles profiteraient du télétravail pour moins travailler », notent les chercheurs.
« Le télétravail affecte la performance économique des entreprises »
Pour la plupart des géants américains de la tech, travailler à distance affecte, à terme, la performance économique des entreprises, notamment en entravant la capacité à innover et à collaborer efficacement. Pourtant, plusieurs travaux de recherche tendent à prouver que les entreprises pratiquant le télétravail ne sont pas moins compétitives que les autres. Bien au contraire.
D’après une étude réalisée par la start-up Scoop sur la base des données du Flex Index concernant 554 entreprises cotées en Bourse, les entreprises qui laissent à leurs collaborateurs le choix de leur lieu de travail affichaient une croissance moyenne de 21% entre 2020 et 2022, contre 5% pour celles imposant un retour partiel ou total au bureau. Pour Debbie Lovich, Senior Partner au Boston Consulting Group, il ne faut pas voir dans ces résultats l’impact seul d’une politique flexible de télétravail. Mais cette souplesse témoigne d’une confiance de l’employeur vis-à-vis de ses employés, au service de la compétitivité de l’entreprise : « Une entreprise à la politique de télétravail moins restrictive est souvent plus innovante, plus constructive et plus stimulante. »