Semaine en 4 jours dans la fonction publique : les conseils de ceux qui l’ont déjà testée

Dix administrations livrent les facteurs de réussite et d’échec de la mise en place de la semaine en quatre jours.

La métropole de Lyon expérimente la semaine de 4 jours depuis septembre 2023.
La métropole de Lyon expérimente la semaine de 4 jours depuis septembre 2023. © Song_about_summer/stock adobe.com

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, Gabriel Attal, a appelé tous les ministres à mettre en place dans leurs administrations centrales et déconcentrées la semaine en quatre jours. C’est-à-dire une concentration du temps de travail hebdomadaire sur quatre jours, car le cadre législatif du service public ne permet pas de réduction du temps de travail. Au total, 655 000 fonctionnaires pourront donc bientôt adopter ce rythme de travail.

Avant de déployer cette organisation dans votre administration, découvrez les retours d’expérience de dix acteurs de la fonction publique qui l’ont déjà mise en place.

Où a-t-elle déjà été expérimentée et comment ?

La plateforme de recrutement Profil Public a recueilli les témoignages de dix institutions du service public qui ont testé la semaine de jours : Grand Lieu Communauté, Urssaf Picardie, la ville de Neuilly-sur-Marne, la ville de Saint-Étienne-du-Rouvray, Cergy-Pontoise Agglo, Grenoble Alpes Métropole, la métropole de Lyon, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), la communauté de communes Terroir de Caux, la région Hauts-de-France.

Cette synthèse, publiée le 12 février 2024, nous apprend que ces expériences ont pris différentes formes, en fonction des administrations : avec un volume d’heures hebdomadaires oscillant entre 35h et 39h, réparties sur 4 jours ou 4 jours et demi.

À titre d’exemple, Grand Lieu Communauté a opté pour une organisation souple : « Pour arriver à une semaine de 4 jours et demi, nos collaborateurs peuvent soit avoir une demi-journée de libre dans la semaine, soit faire une semaine sur 4 jours et la suivante sur 5 jours », développe la directrice générale des services, Hélène Savina.

Quels étaient les objectifs poursuivis ?

Le premier enjeu RH est lié à l’attractivité des postes dans la fonction publique : « Nous souhaitons montrer l’esprit novateur de notre collectivité et dépoussiérer l’image de la fonction publique en nous inspirant de ce qui se fait dans le privé », avance Frédéryque Cottard, responsable administration générale, RH et juridique au sein de la communauté de communes Terroir de Caux.

Cette formule offre également le double avantage de favoriser l’équilibre de vie des agents tout en améliorant la qualité du service rendu aux usagers, souligne Coralie Delfosse, directrice développement et transformation RH à la Cnav : « La semaine de 4 jours répond à un enjeu de personnalisation de l’expérience de travail dans un contexte d’attentes grandissantes, tant de la part de nos collaborateurs en matière de flexibilité et d’équilibre des temps de vie que de nos assurés en matière de performance du service public. »

Cette innovation est aussi perçue comme une solution pour composer avec le dérèglement climatique (hausse des températures dans les bureaux, pénibilité des conditions de travail des agents travaillant en extérieur…).

Enfin, cette organisation augmente la satisfaction de nombreux agents, en particulier ceux qui ne sont pas éligibles au télétravail et ceux qui étaient à temps partiel et peuvent désormais être rémunérés au titre d’un temps plein tout en continuant à travailler quatre jours par semaine.

Quels sont les premiers résultats ?

Les points positifs

  • La semaine de 4 jours est un argument qui séduit les candidats
  • Elle fait évoluer la culture de travail vers un management par objectifs
  • Elle a un impact positif sur l’équilibre vie pro-vie perso
  • Elle offre une option de flexibilité grandement appréciée par les agents

Les points négatifs

  • Cette organisation a un impact sur la collaboration avec les autres services : l’absence d’un maillon en cours de semaine peut créer une rupture dans la chaîne.
  • Dans les faits, peu d’agents à temps partiel choisissent de passer à temps plein, souvent pour des raisons de contraintes familiales peu compatibles avec des journées à rallonge.
  • Ce nouveau rythme nécessite un temps d’adaptation et la mise en place de nouveaux rituels (se lever plus tôt, réduire les temps de pause…).

4 conseils avant de se lancer

1.      Communiquer avant l’été pour un début d’expérimentation en septembre

« En termes de calendrier, nous avons lancé l’expérimentation en début d’année civile, rapporte Anne-Sophie Rousseau, directrice adjointe de l’Urssaf Picardie. Or, que nous ayons des enfants ou pas, notre organisation personnelle se dessine autour de l’année scolaire. Pour bien faire, je pense qu’il est judicieux de commencer à communiquer en juin pour une mise en place effective en septembre de façon à permettre aux collaborateurs de se projeter dans leur nouvelle organisation. »

Pour embarquer les équipes, Frédéryque Cottard de la communauté de Communes Terroir de Caux conseille de bien « anticiper la mise e place du dispositif en prenant la température auprès des équipes. Pour cela, les boîtes à idées et les temps d’échange conviviaux sont de bons outils. »

2.      Proposer l’expérience sur la base du volontariat et permettre un retour en arrière

Pour Coralie Delfosse de la Cnav, « des ajustements doivent être permis : c’est le cas pour deux collaborateurs, par exemple, qui ont choisir d’arrêter l’expérimentation en cours de route pour des raisons personnelles. Deux autres ont démarré avec la formule de 37 heures hebdomadaires puis ont basculé sur la formule de 35h. Expérimenter, c’est fournir un cadre et l’ajuster en fonction de la réalité vécue. »

3.      Limiter les risques de surcharge de travail, de fatigue et de stress

Clémence Cerclé, responsable RH de Grand Lieu Communauté est d’avis qu’il est « risqué de dépasser les 36h30 de travail par semaine. 39h sur 4 jours et demi nous paraît même contre-productif. »

De son côté, Hélène Crouzet, directrice adjointe RH à la région Hauts-de-France, conseille « de diversifier les formules pour s’adapter aux différentes situations des agents » et d’être « attentif à ce que la durée journalière du travail soit soutenable ».

4.      Instaurer un climat de confiance et autonomiser les équipes

Pour Delphine Tranchant, directrice générale adjointe ressources de la ville de Neuilly-sur-Marne, « nous devons faire confiance a priori, donner de la capacité à agir et de l’autonomie à nos équipes. Si ça ne marche pas, on ajuste dans un second temps. »

Bien s’équiper pour bien recruter