Semaine de 4 jours : quelles formes prend-elle dans les entreprises françaises qui l’ont adoptée ?
Le CEET a passé au peigne fin les 150 accords d’entreprise signés en 2023 au sujet de la mise en œuvre de la semaine de quatre jours.
La semaine de quatre jours n’a pas fini de faire parler d’elle. Entre 2020 et 2023, le nombre d’accords d’entreprise évoquant le sujet est passé de 80 à 459. Certes, cela reste marginal par rapport aux 17 000 accords conclus chaque année sur la question du temps de travail, mais l’évolution est néanmoins significative.
Pour quelles raisons certaines entreprises françaises ont-elles décidé de passer à la semaine de quatre jours ? Cette transition s’est-elle accompagnée ou non d’une réduction du temps de travail ? C’est ce qu’a cherché à savoir Pauline Grimaud, docteure en sociologie au Centre d’étude de l’emploi et du travail (CEET) du Cnam, en analysant les 150 accords d’entreprise, signés en 2023, qui actent le passage à la semaine de quatre jours.
Au nom du bien-être mais au service de la compétitivité
Pour quoi les entreprises franchissent-elles le pas ? Elles font d’abord valoir leur volonté de renforcer le « bien-être au travail », une notion qui revient dans 49,3% des accords mettant en place la semaine de quatre jours. Cette logique est souvent couplée à un impératif de rentabilité économique de l’entreprise, souligne la chercheuse : la semaine de quatre jours permettrait de concilier « bien-être au travail des salariés et compétitivité des entreprises (…) Plus précisément, le bien-être au travail serait même ce qui permettrait aux entreprises d’améliorer leur compétitivité, car il est appréhendé comme un ressort de mobilisation des salariés pour être plus productifs. »
Les autres raisons invoquées sont la nécessité de faire fluctuer l’activité en cours d’année (pour 14% des entreprises), d’assurer la continuité de l’activité sur des plages horaires étendues (pour 6%), de réaliser des économies de frais et d’énergie (pour 6%) et de renforcer l’attractivité des emplois (pour 4,7%).
Peu de réduction du temps de travail hebdomadaire
89% des entreprises ayant mis en place ce rythme de travail ont choisi de ne pas réduire le temps de travail hebdomadaire et ont maintenu les niveaux de rémunération de leurs collaborateurs.
10% des entreprises ont, quant à elles, fait le choix de réduire la durée de travail hebdomadaire, sans perte de rémunération associée. « Parmi celles-ci, il faut distinguer les textes dans lesquels la durée hebdomadaire de travail reste supérieure ou égale à 35 heures d’une part et celles où elle est fixée en deçà de 35 heures. Car, pour les premiers, la baisse de la durée hebdomadaire du travail (qui passe par exemple de 39 à 35 heures) est souvent accompagnée d’une perte de jours de RTT. Et dans ce cas, cette formule ne diminue donc pas (ou peu) la durée de travail sur l’année », précise Pauline Grimaud.
Enfin, 1% des entreprises ont mis en place une réduction du nombre d’heures de travail par semaine conjuguée avec une baisse de la rémunération, ce qui équivaut à un passage à temps partiel.
Autre point notable : aucun accord ne fait état d’une diminution de la charge de travail qui est, au choix, inchangée ou intensifiée. « C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi aucun accord ne propose de créer des emplois : l’objectif du dispositif en 4 jours est bien de produire autant ou plus sans employer de salariés supplémentaires », commente la chercheuse, qui alerte sur une possible dégradation d’un travail « compressé » et une vision « très paradoxale du bien-être au travail qui reposerait avant tout sur le hors-travail ».
Des disparités liées au secteur d’activité
Deux tiers des entreprises ont opté pour une semaine de quatre jours sur cinq, particulièrement adaptée aux emplois de bureau et de l’industrie. Il s’agit, soit d’instaurer un jour non-travaillé collectif, si l’activité le permet, soit de permettre aux salariés de le prendre individuellement (un jour fixe ou via un système de roulement).
Pour les entreprises soumises à une forte saisonnalité ou variabilité des commandes, la semaine de quatre jours est un instrument de flexibilité. 20% des entreprises, principalement dans l’industrie et les services, ont adopté une semaine de quatre jours modulée, avec des semaines de 30 ou 32h durant les périodes basses d’activité, et des semaines de 5 ou 6 jours à 40h pendant les pics d’activité.
Enfin, la semaine de quatre jours peut être organisée sur six ou sept jours dans les secteurs qui doivent assurer une continuité de service, comme la santé, le commerce ou le tourisme. 16% du panel étudié fonctionne selon ce rythme.