Rupture conventionnelle : quelles nouveautés en 2024 ?

Me Olivier Picquerey nous éclaire sur la nouvelle jurisprudence en matière de rupture conventionnelle.

Le point sur la nouvelle jurisprudence.
Le point sur la nouvelle jurisprudence. © Drazen/stock adobe.com

Créée en 2008 pour faciliter la rupture d’un contrat de travail d’un commun accord entre le salarié et son employeur, la rupture conventionnelle s’applique uniquement aux collaborateurs en CDI. Sa popularité ne se dément pas : au premier trimestre 2024, la Dares avait enregistré 132 500 ruptures conventionnelles (hors agriculture et particuliers employeurs), soit 2,3% de hausse par rapport au dernier trimestre 2023.

« Cet engouement croissant et constant touche principalement le secteur tertiaire, note Me Olivier Picquerey, avocat associé en droit social au sein du cabinet A&O Shearman. C’est une manière simple de mettre fin à la collaboration sans heurts et sans affrontements. Sous réserve de trouver un accord entre les parties, la rupture conventionnelle est potentiellement moins longue et moins coûteuse qu’un licenciement, elle ouvre le droit aux allocations chômage pour l’ancien salarié et peut être conclue sans motif. »

Quelles sont les conditions de validité d’une convention de rupture conventionnelle ?

« Elles sont d’abord d’ordre procédurale, souligne Olivier Picquerey. Avant la signature du formulaire de rupture conventionnelle, l’employeur doit organiser au moins un entretien dont les conditions (date, heure, lieu) sont précisées à l’avance. Le formulaire de rupture conventionnelle doit être signé en trois exemplaires et un certain nombre de délais doivent être respectés :

  • Au lendemain de la signature de la convention de rupture, qui doit être signée en trois exemplaires dont un obligatoirement remis au salarié, l’employeur et le salarié disposent d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation ;
  • En l’absence de rétractation, un exemplaire de la convention de rupture doit être envoyé, via le téléservice TéléRC, à la DREETS pour obtenir sa validation. Cette dernière dispose ensuite d’un délai de 15 jours ouvrables à compter du lendemain du jour de réception de la demande pour vérifier la validité de la convention. A défaut de réponse dans ce délai, la convention est automatiquement homologuée. »

Les éléments qui doivent obligatoirement figurer sur le formulaire de rupture conventionnelle sont :

  • La date de fin du délai de rétractation
  • La date de rupture du contrat de travail, fixée au plus tôt le lendemain du jour de l’homologation de la convention
  • Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qui ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

« Enfin, la validité dépend également du contexte de la négociation, poursuit l’avocat. La jurisprudence a récemment élargi cette possibilité aux situations suivantes : arrêt maladie, congé maternité ou parental et congé sabbatique. L’important est que le consentement de chacun soit libre et éclairé au moment de conclure une rupture conventionnelle. »

Si un vice du consentement est révélé dans les 12 mois qui suivent l’homologation de la rupture conventionnelle, celle-ci est entachée de nullité. Trois types de vices du consentement sont définis par le Code civil :

  • L’erreur, c’est-à-dire le fait que l’une des parties n’ait pas eu connaissance de la réalité
  • La violence, qui se caractérise par des pressions exercées sur l’une des parties
  • Le dol, qui consiste à mentir ou à manipuler dans le but d’obtenir le consentement d’une partie.

Que change l’arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2024 ?

« Traditionnellement, c’était le consentement du salarié qui était vicié et l’annulation de la rupture conventionnelle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais, pour la première fois, la Cour de cassation a constaté que le consentement de l’employeur pouvait être également vicié, dans un arrêt du 19 juin 2024 », explique Olivier Picquerey.

Les faits concernaient un responsable commercial qui avait demandé une rupture conventionnelle sous prétexte de réaliser une reconversion professionnelle vers le management, sans autre précision. En réalité, il avait ensuite créé une entreprise concurrente de celle de son précédent employeur et débauché deux de ses anciens collègues. « L’employeur s’est senti floué et a pu prouver, grâce à une correspondance écrite et une analyse des emails du salarié, que ce dernier avait ce projet de création d’entreprise avant son départ. La Cour de cassation a estimé que le salarié s’était rendu coupable d’une tromperie et que la nullité de la rupture conventionnelle produisait les effets d’une démission. Elle a donc condamné le collaborateur à reverser l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et payer l’indemnité compensatrice de préavis à son employeur. »

Quels points de vigilance pour un employeur dans le cadre d’une rupture conventionnelle ?

Pour s’assurer que le consentement des parties n’est pas vicié, Me Olivier Picquerey recommande de :

  • « Laisser du temps au salarié pour prendre sa décision et pouvoir, si besoin, contacter France Travail ou un avocat ;
  • S’assurer de la réalité des motivations du salarié en lui demandant, par exemple, de reformuler le motif de son départ par écrit ;
  • Soigner sa communication avec le salarié lors de l’entretien précédant la signature de la convention : rappeler à la personne qu’elle a le choix, qu’elle peut prendre son temps, veiller à être bienveillant. Il ne faut pas oublier que le salarié peut vous enregistrer à votre insu et que les enregistrements clandestins sont aujourd’hui acceptés comme preuves par le conseil de prud’hommes, s’il n’existe pas d’autres preuves possibles et qu’il n’y ait pas d’atteinte disproportionnée à la vie privée de la personne enregistrée. »
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