Rupture conventionnelle à l’initiative de l’employeur : que dit la loi ?

Me Amélie d’Heilly, avocate associée spécialisée en droit du travail, précise le cadre légal et la jurisprudence relative aux ruptures conventionnelles à l’initiative de l’employeur.

rupture conventionnelle à l'initiative de l'employeur
Pour Me d'Heilly, réformer la rupture conventionnelle ne serait sans doute pas un pari gagnant pour les finances publiques. © Hellowork

514 627 ruptures conventionnelles ont été enregistrées par la Dares en 2024, un chiffre qui a doublé en l’espace de 15 ans. Le succès de ce mode de séparation à l’amiable entre un salarié et son employeur ne s’est jamais démenti depuis sa création, en 2008, car les deux parties y trouvent généralement leur compte.

Un dispositif simple et souple

« La rupture conventionnelle a été pensée par le législateur comme une procédure très souple, destinée à fluidifier les relations de travail entre l’employeur et le salarié. C’est pourquoi elle est très peu encadrée par la loi », précise Me Amélie d’Heilly, avocate associée spécialisée en droit du travail au sein du cabinet Advant Altana et présidente d’AvoSial, le syndicat des avocats d’entreprise en droit social.

Les seules obligations légales qui la régissent sont :

  • D’organiser au moins un entretien avant de signer la convention de rupture conventionnelle ;
  • De prévoir un délai de rétractation des deux parties (employeur et salarié) de 15 jours à compter de cette signature ;
  • De verser des indemnités au moins égales à l’indemnité légale ou conventionnelle d’un licenciement, en fonction de qui est le plus avantageux pour le salarié.

« En revanche, la loi ne précise aucun délai de convocation pour cet entretien ni contrainte de formalisme. Le salarié peut s’y présenter seul ou accompagné d’un membre de l’entreprise. La loi n’impose pas non plus de forme spécifique pour cet échange, qui peut avoir lieu, par exemple, en visio », explique l’avocate. Celle-ci conseille néanmoins à ses clients de respecter un délai minimum de 5 jours entre la convocation du salarié et l’entretien en lui-même.

A l’expiration du délai de rétractation, si les parties sont toujours d’accord, l’employeur demande l’homologation de la rupture conventionnelle en ligne. « L’administration vérifie notamment que le montant de l’indemnité versée est bien égal ou supérieur à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, en fonction de ce qui est le plus favorable pour le salarié, et que le calendrier a bien été respecté. Elle est également attentive au nombre de ruptures conventionnelles émanant de la même entreprise, car en aucun cas la rupture conventionnelle ne doit venir remplacer un plan de licenciement économique collectif, ce qui priverait les salariés des droits qu’ils peuvent tirer de ce type de licenciement spécifique… » Elle a 15 jours ouvrables pour se prononcer. Passé ce laps de temps, en l’absence de retour, la demande est considérée comme validée.

Un principe fondamental : la volonté réciproque

L’instauration de la rupture conventionnelle, en 2008, avait ouvert la voie à de nouveaux types de contentieux : un employeur a-t-il le droit de proposer une rupture conventionnelle à un salarié protégé, à une collaboratrice en congé maternité ou à son retour de congé maternité, à une femme enceinte, à un collaborateur en arrêt maladie ou à un salarié victime de harcèlement ? « Dans ces différents cas, les salariés pouvaient mettre en avant un vice du consentement, en prétendant que leur choix n’était pas libre et éclairé », retrace Me d’Heilly.

La position de la jurisprudence est aujourd’hui claire à ce sujet : « Elle a ouvert largement la possibilité de recourir à une rupture conventionnelle, y compris si le salarié se trouve dans l’une des situations précitées. Car on voit bien que dans ces cas de figure, le consentement du salarié n’est pas aboli. Le juge se fonde avant tout sur la volonté réciproque : à partir du moment où les deux parties s’accordent pour mettre fin au contrat de travail, pourquoi empêcher cette rupture ? »

Dans une affaire récente, s’est posée la question de la validité d’une rupture conventionnelle d’un salarié qui avait commis une faute grave pendant que l’administration était en train d’homologuer cette rupture. L’employeur souhaitait la requalifier en licenciement pour faute grave, ce qui lui permettrait de ne pas verser d’indemnités au collaborateur. « La Cour de cassation a déterminé qu’à partir du moment où l’on engage une rupture conventionnelle et que le délai de rétractation est passé, l’employeur doit verser au moins l’indemnité qui était prévue dans la rupture conventionnelle. Ce qui est intéressant, c’est de voir que tout en restant simple et flexible, c’est un dispositif qui est fermement cadré par la jurisprudence », souligne l’experte.

Au-delà de ces cas spécifiques, les contentieux en matière de rupture conventionnelle qui subsistent sont ceux qui portent, notamment, sur le non-versement d’heures supplémentaires, d’une partie du salaire ou bien sur le non-paiement des congés payés.

Vers une réforme de la rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle fera-t-elle les frais de la prochaine lloi de financement de la Sécurité sociale 2026 ? Dans une version préparée par le gouvernement Bayrou cet été, le texte prévoyait, en effet, de réformer le dispositif afin de limiter son recours. Parmi les pistes envisagées : faire passer de 30 à 40% la contribution patronale spécifique sur les indemnités versées aux salariés ou encore augmenter le délai de carence pour toucher les allocations chômage après une rupture conventionnelle. Pour l’heure, cette réforme est suspendue au dénouement de la crise politique actuelle.

Pour l’avocate, « que cette réforme ait lieu ou non, les employeurs n’arrêteront pas de se séparer de certains salariés et les salariés n’arrêteront pas de quitter leur entreprise s’ils le souhaitent. Seulement, si on taxe davantage les ruptures conventionnelles, on verra augmenter le nombre de licenciements, ce qui ne sera pas forcément un pari gagnant pour les finances publiques. Mieux vaut conserver un système qui a fait ses preuves et dont salariés comme employeurs sont satisfaits. »

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