RH : comment réagir si un collaborateur vous fait part de son mal-être ?

On se penche sur six situations auxquelles vous pouvez être confronté.

"Pratiquer l’écoute active, c’est apprendre à ne pas avoir peur des silences, à reformuler, demander à détailler."
"Pratiquer l’écoute active, c’est apprendre à ne pas avoir peur des silences, à reformuler, demander à détailler." © Maëliss Hennetier/HelloWork

Un collaborateur vient vous trouver dans votre bureau ou vous interpelle dans un couloir pour vous faire part d’une situation difficile à vivre ? Vous pouvez vous sentir pris au dépourvu, notamment si vous étiez concentré sur une autre tâche ou en pleine discussion avec un collègue. Comment vous montrer disponible pour ce salarié qui a besoin d’une oreille attentive ?

Dans tous les cas, le premier réflexe est d’adopter une posture d’écoute active, conseille la psychologue Delphine Py : « Tout être humain éprouve des difficultés à faire face aux émotions désagréables des gens. Et quand on a du mal à accueillir ces émotions, on peut vite tomber dans la positivité toxique, soit en minimisant (‘’Mais non, c’est pas grave, tu vas voir, ça va aller’’), soit en donnant des conseils du type ‘’Va boire un verre d’eau’’. Si on ne sait pas quoi dire, il vaut mieux se taire, écouter l’autre, recevoir son message, puis valider ses émotions (‘’Je comprends’’, ‘‘ça doit être difficile’). Pratiquer l’écoute active, c’est apprendre à ne pas avoir peur des silences, à reformuler, demander à détailler. Alors la personne se sentira soutenue et considérée. »

Quelle réponse apporter ensuite au salarié ? Delphine Py revient sur diverses formes de mal-être auxquelles vous pouvez être confronté.

« Je ne suis plus motivé par ce que je fais »

Après l’avoir écouté, il faut aider votre interlocuteur à identifier à quel besoin renvoient ses émotions. « Vous pouvez le faire en lui posant des questions ouvertes, socratiques, du type ‘’qu’est-ce qui te dérange le plus dans ton poste ? À quel moment de la journée te sens-tu le moins motivé ? En présence de qui ? »

Une fois que vous avez recueilli le besoin, vous pouvez explorer ensemble toutes les solutions possibles. « Y compris les plus farfelues, souligne Delphine Py. Ça permet de libérer la créativité et de faire émerger des solutions auxquelles on n’aurait pas pensé seul. Ensuite on peut voir lesquelles sont les plus réalistes et les plus stimulantes. » Par exemple, dans ce cas, varier les tâches du collaborateur, lui confier un nouveau projet, lui proposer une formation, le faire interagir avec d’autres équipes…

Les RH peuvent également profiter des moments informels pour détecter les premiers signaux d’une baisse de motivation au travail : « Il ne faut surtout pas avoir peur de poser des mots sur une situation. Parfois, quand on voit quelqu’un qui souffre, on se dit qu’on ne doit pas s’en mêler. Au contraire, mieux vaut aller le voir, lui dire ‘’J’ai l’impression que tu te sens moins bien en ce moment, n’hésite pas, je suis là si tu as besoin de parler’’ sans trop insister bien sûr !  Ouvrir simplement le dialogue suffit parfois à éviter qu’une situation dégénère. »

« Je me sens très stressé en ce moment »

La bonne réponse est d’informer sur les signes avant-coureurs de l’épuisement professionnel, sur les étapes conduisant au burn out, pour la psychologue. « Il faut aussi oser dire que l’on s’inquiète pour la personne, pas dans une logique de culpabilisation, mais d’accompagnement. Il faut lui rappeler qu’on est dans une relation humaine avant d’être dans une relation de travail. »

Vous pouvez également faire intervenir dans l’entreprise un expert en prévention des risques psychosociaux pour sensibiliser les collaborateurs qui le souhaitent. De plus en plus d’entreprises organisent des ateliers et des conférences au sujet de l’équilibre vie pro et perso, de la gestion du stress, car elles ont compris que la santé mentale était une pierre angulaire du bien-être au travail de leurs salariés.

« À cet égard, les RH doivent être en dialogue constant avec les managers afin de prévenir les risques. Ils sont les mieux placés pour les alerter de tout changement brutal de comportement de la part d’un collaborateur. »

« J’ai du mal à reprendre mes marques après mon congé maternité »

Si un salarié a des appréhensions à reprendre le travail après une longue absence (congé maladie, maternité, paternité, parental…), proposez-lui de lister tout ce qui lui fait peur ou lui pose problème : est-ce de ne pas retrouver sa place face à de nouveaux collègues ? D’avoir une charge de travail trop importante ? De ne pas réussir à concilier son nouveau mode de vie avec son activité professionnelle ?

« En accord avec son manager, vous pouvez convenir d’un plan de reprise progressive, proposer une remise à niveau ou une formation à un nouvel outil ou bien adapter les tâches si l’état de santé du collaborateur le nécessite. L’idée étant que la personne puisse se sentir bien et que l’entreprise puisse profiter de l’énergie et de la motivation de cette personne dans une relation gagnant-gagnant. »

« Je me suis pris la tête avec mon manager »

L’impartialité doit être votre principal souci. « C’est indispensable d’écouter les deux parties, d’organiser autant de tête-à-tête qu’il y a de personnes impliquées dans le conflit, sans porter de jugement et en ne remettant pas en question la parole de quiconque. En parlant avec les deux personnes concernées, on peut se mettre à la place de l’autre, mieux comprendre l’origine du problème et mieux le résoudre. »

« S’il y a incompatibilité de personnalité, il n’y a pas grand-chose à faire, à part encourager chacun à développer l’acceptation et la tolérance de l’autre. On peut travailler ensemble sans être amis. Mais, si c’est lié à quelque chose de concret, on peut encourager la communication ouverte et respectueuse entre ces deux personnes, c’est-à-dire d’être moins dans l’accusation et plus dans l’expression de son ressenti propre. »

Les formations d’affirmation de soi et de gestion des conflits nous enseignent, entre autres, qu’il faut s’appuyer sur des faits et non émettre des jugements. Au lieu de dire : « Tu es en retard », privilégier cette formule : « Nous avions rendez-vous à 10h et tu es arrivé à 10h30 ». Puis embrayer sur les conséquences émotionnelles et matérielles que ce retard a sur nous : « ça m’ennuie parce que ça va me mettre en retard pour ma prochaine réunion » et, enfin, ouvrir le dialogue : « Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour éviter que ça ne se reproduise ? »

« J’ai été victime d’une discrimination »

En matière de discrimination, « il ne faut rien laisser passer et mener systématiquement une enquête à la moindre alerte », recommande Delphine Py. Ces témoignages doivent également déboucher sur un renforcement de vos politiques anti-discrimination et promotion de l’égalité des chances de l’entreprise, et notamment de la formation et de la sensibilisation des équipes RH et de l’ensemble des collaborateurs.

« Je me suis fait harceler par un collègue »

Là aussi, il faut immédiatement diligenter une enquête interne, voire accompagner le collaborateur s’il souhaite engager une action en justice, en fonction de la gravité des faits. « Les RH doivent agir le plus rapidement possible, assurer tout de suite les victimes leur soutien et ne jamais remettre en doute leur parole. »

Dans tous les cas, la création d’un environnement sécurisant est un préalable indispensable pour libérer la parole, souligne Delphine Py : « Les RH ont la responsabilité de créer cet espace safe, en étant présents dans les moments informels, en participant à la vie de l’entreprise au quotidien et en prenant garde à toujours respecter la confidentialité des informations pour ne pas rompre la confiance avec l’ensemble des collaborateurs. Un autre moyen de montrer que vous êtes attentifs à ces sujets est d’organiser des ateliers, des conférences, des formations sur l’affirmation de soi, la gestion des émotions, le conflit. Et d’y participer vous aussi ! »

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Bien s’équiper pour bien recruter