Le « reverse mentoring » : la valeur n’attend pas le nombre des années

Le mot RH de la semaine. Aurore Brostin-Soto, recruteuse au Mercato de l’Emploi, revient sur cette transmission des plus jeunes aux plus âgés.

Reverse mentoring mot RH de la semaine
« Le mentorat inversé peut être un excellent moyen de combler le fossé générationnel entre les collaborateurs de tous âges et de favoriser un transfert de compétences mutuellement bénéfique. » © Hellowork

« Lorsque nous pensons à un mentor, nous imaginons souvent une personne plus âgée et plus expérimentée que nous. Si cela peut être vrai, l’inverse peut l’être également. Ce mentorat “version junior” exige humilité et soif de connaissance pour les apprenants. »

Le mentorat inattendu

« Vous souvenez-vous du film Karate Kid, où le jeune protagoniste recevait les conseils pleins de sagesse de son maître japonais, fort du poids de ses années d’expérience ? Le mentorat inversé ou reverse mentoring vient remettre en cause cette image. Le mentorat inversé est un concept où des personnes plus jeunes ou moins expérimentées forment des individus plus âgés ou plus expérimentés, inversant ainsi la dynamique traditionnelle du mentorat. Il repose sur l’idée que les connaissances et les compétences ne sont pas uniquement déterminées par l’expérience ou l’âge, et que les jeunes générations peuvent aussi transmettre des savoirs à leurs aînés, comme de précieuses compétences numériques. En effet, avec l’explosion de l’IA et des réseaux sociaux, les jeunes ont une carte à jouer et un avantage comparatif face aux plus anciens. Leur agilité et leur statut de digital native sont convoités. Le mentorat inversé est de plus en plus utilisé en milieu professionnel pour combler les écarts générationnels, enrichir de nouvelles collaborations et tenir les professionnels chevronnés informés des tendances actuelles, comme les innovations technologiques ou les évolutions culturelles. »

Renforcer la collaboration intergénérationnelle

« Le mentorat inversé peut être un excellent moyen de combler le fossé générationnel entre les collaborateurs de tous âges et de favoriser un transfert de compétences mutuellement bénéfique. Par exemple, un employé de la génération Z peut guider un dirigeant de la génération X dans l’utilisation de l‘IA ou dans la compréhension des nouvelles tendances dans la société. Il s’agit moins de hiérarchie que d’apprentissage mutuel. Cela peut favoriser l’émulation et l’innovation dans les organisations, à condition que cela repose sur l’ouverture d’esprit des deux parties. Plusieurs entreprises ont tenté l’expérience. Medtronic France, leader mondial des technologies médicales, a mis en place cette solution de mentorat pour faciliter la collaboration intergénérationnelle et la gestion de début et de fin de carrière des membres de son équipe : des employés plus jeunes ont formé leurs collègues senior sur les outils numériques. Citibank a collaboré avec l’Université de Miami pour associer des étudiants à des cadres supérieurs. Ces mentors externes ont travaillé sur des projets spécifiques, comme les paiements mobiles et la communication avec la génération Y, apportant une vision extérieure et innovante par rapport à des mentors internes. »

Le mode d’emploi du reverse mentoring

« Mettre en place un programme de mentorat inversé en entreprise nécessite une approche structurée pour qu’il soit efficace et bien accueilli :

Définir les objectifs : pourquoi le faire ? Identifier ses objectifs : améliorer les compétences numériques des seniors, renforcer la collaboration intergénérationnelle, stimuler l’innovation ou soutenir la diversité ;

Obtenir l’adhésion de la direction : les cadres supérieurs doivent soutenir et participer au programme pour donner l’exemple. Leur implication montre que l’entreprise valorise l’apprentissage à tous les niveaux ;

Identifier les participants : les mentors (junior) doivent être des collaborateurs motivés, avec des compétences spécifiques (tech, tendances culturelles…) et une capacité à communiquer clairement. Les mentorés (senior) doivent être des leaders ou managers ouverts d’esprit, prêts à apprendre sans se sentir menacés par l’inversion des rôles. Il est pertinent de démarrer à petite échelle avec 10 ou 20 duos pour tester le dispositif avant de l’étendre ;

Structurer le programme en fixant une période (3 à 6 mois) avec des rencontres régulières (ex. : 1h par mois). Il est recommandé de privilégier des échanges informels (cafés, visios) ou des projets concrets (ex. : analyser une campagne Instagram ensemble) ;

Mesurer les résultats avec des indicateurs simples : taux de participation, compétences acquises (ex. : pourcentage de seniors utilisant un nouvel outil), ou taux de satisfaction des collaborateurs ;

Communiquer et célébrer : partagez les succès internes (newsletter, réunion) pour encourager une culture d’apprentissage continu et remerciez les participants (certificats, événements). »

« Le reverse mentoring donne une image moderne de l’entreprise et permet de décloisonner les générations et les services. De nouvelles idées peuvent émerger de ces collaborations inattendues. Cela faisant, pour réussir, un programme de mentorat inversé doit éviter les tensions hiérarchiques. Pour ce faire, il faut s’assurer que les seniors ne perçoivent pas cela comme une remise en question de leur autorité. Il est recommandé de varier les profils (âge, genre, services) pour refléter la diversité de l’entreprise. Enfin, chaque programme doit s’adapter à la culture et au pays où se situe l’entreprise. »

Bien s’équiper pour bien recruter