Revenu minimum pour les chauffeurs VTC : vers de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes ?

Cet accord marque-t-il une première étape vers un meilleur encadrement juridique du statut des travailleurs de plateforme ?

Les chauffeurs VTC toucheront désormais au minimum 7,65€ par course.
Les chauffeurs VTC toucheront désormais au minimum 7,65€ par course. © Proxima Studio/stock adobe.com

Un accord inédit, conclu mercredi 18 janvier, entre les syndicats et les plateformes de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur) instaure un revenu minimum à partir du 1er février. Il sera de 7,65€ par course (contre aujourd’hui 6€ chez Uber, par exemple), ce qui fixe le tarif minimum à 10,20€ pour le client.

Une augmentation significative du revenu minimum

Signataires de l’accord, l’Association VTC de France (AVF), la Fédération nationale des autoentrepreneurs et micro-entrepreneurs (FNAE), la CFTC et l’Unsa ont salué un texte qui « permettra une augmentation de plus de 27% par rapport au plus bas revenu minimum net actuel ».

Mais, pour les trois autres syndicats représentatifs du secteur (Union, l’association des chauffeurs indépendants lyonnais et FO), le compte n’y est pas. Selon Union (affilié à la CFDT), ce revenu minimum ne changera rien aux pratiques déjà à l’œuvre : « La plupart des VTC n’acceptent pas les « petites courses’’ jugées non rentables face à l’augmentation des prix du carburant et aux conditions de circulation. »

Vers un revenu à l’heure ou au kilomètre ?

L’organisation syndicale appelle de ses vœux la création d’un revenu minimum à l’heure ou au kilomètre qui permettrait, entre autres, de rémunérer les temps d’approche, soit le temps que met le chauffeur pour rejoindre le client au point de rendez-vous.

Le débat reste ouvert, alors que l’accord prévoit la tenue, en 2023, de négociations sectorielles sur le thème des revenus. De l’avis d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, « cet accord est une première étape et un signal très positif pour la dynamique de négociation engagée afin d’améliorer les droits sociaux des travailleurs de ce secteur d’activité ».

Travailleur indépendant ou salarié ?

C’est pour faciliter le dialogue social entre travailleurs indépendants et plateformes de mise en relation que l’Autorité de régulation des plateformes d’emploi (Arpe) a vu le jour, en avril dernier. En dépit du faible taux de participation aux premières élections professionnelles organisées au printemps 2022 (seuls 1,83% de mobilisation côté livreurs et 3,91% côté chauffeurs VTC), l’Arpe entend faire émerger des règles collectives visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes.

Souvent décriées pour leur manque de respect des droits des travailleurs (absence de couverture maladie, accès limité aux indemnités de chômage…), les plateformes pourraient être amenées à revoir leurs pratiques, si le statut professionnel de ces travailleurs est précisé. La difficulté tient à trouver un juste équilibre entre la liberté d’organisation du travail, permise par le statut d’indépendant, et la protection sociale garantie par le salariat.

Une présomption légale de salariat

C’est pour combiner les deux avantages que le Royaume-Uni a opté, début 2021, pour un modèle hybride : celui du travailleur salarié. Les chauffeurs Uber bénéficient désormais outre-Manche d’un salaire minimum, de congés payés et d’un plan épargne-retraite. Sans pour autant renoncer à la flexibilité de leurs conditions de travail.

De son côté, la Commission de l’Emploi du Parlement européen s’est prononcée, fin 2022, en faveur d’une directive de la Commission européenne proposant une présomption légale de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques.

La directive liste cinq critères permettant de d’affirmer que la plateforme est employeur d’un salarié :

  • Elle détermine le niveau de rémunération ou en fixe les plafonds ;
  • Elle exige du travailleur qu’il respecte des règles en termes d’apparence, de conduite ou d’exécution du travail ;
  • Elle supervise l’exécution du travail ou vérifie la qualité des résultats du travail ;
  • Elle limite, notamment au moyen de sanctions, la liberté de la personne en matière de choix des horaires de travail, de périodes d’absence, d’appel à des sous-traitants ou à des remplaçants…
  • Elle limite la possibilité de la personne de se constituer une clientèle ou d’exécuter un travail pour un tiers.

Cette directive doit, à présent, être transposée dans la législation nationale de chaque État membre de l’Union européenne. En France, le Sénat estime « nécessaire d’encadrer juridiquement à l’échelle européenne ce modèle économique innovant, sans en freiner le développement », mais juge essentiel de « clarifier le texte en distinguant mieux les dispositions applicables aux « travailleurs de plateforme’’ (travailleurs salariés et les dispositions applicables aux « personnes exécutant un travail via une plateforme’’ (travailleurs indépendants) ».

Selon les chiffres du Conseil européen, plus de 28 millions de personnes dans l’Union européenne travaillent par l’intermédiaire d’une plateforme numérique. Un chiffre qui pourrait s’élever à 43 millions de travailleurs dès 2025. Parmi les 28 millions de travailleurs, les autorités européennes estiment à 5,5 millions le nombre de ceux qui sont considérés à tort comme des travailleurs indépendants et devraient bénéficier du statut de salarié. A plusieurs reprises, la jurisprudence a d’ailleurs donné raison aux travailleurs attaquant Deliveroo ou Uber pour « travail dissimulé ».

Bien s’équiper pour bien recruter