Suppression de lignes sur le bulletin de salaire : ce qui devrait changer
On fait le point sur la réforme annoncée par le gouvernement avec Luc Petiteau, expert-comptable.

Le bulletin de salaire va passer « de plus de 50 lignes à une quinzaine » a annoncé Bruno Le Maire, sur son compte X, le 23 avril. Une mesure destinée à « améliorer sa lisibilité ». « Dans les faits, la moyenne est plutôt de 80 lignes sur une fiche de paie », commente Luc Petiteau, expert-comptable chez RSM.
Un document complexe à déchiffrer
D’où vient cette complexité du bulletin de salaire français ? « De la complexité législative de notre pays, répond l’expert en paie. Ce document doit obéir, à la fois, aux principes du Code du travail, du Code de la Sécurité sociale, des conventions collectives, des usages de l’entreprise… S’y ajoutent des nouvelles mesures législatives sans cesse, de nouvelles décisions du gouvernement. Cette instabilité législative pose problème aux gestionnaires de paie : les entreprises ont à peine le temps de mettre en place une réforme qu’une nouvelle entre en vigueur ! »
Après une première loi de simplification de la fiche de paie, en 2018, et l’instauration, en 2023, du montant net social (qui permet de connaître le salaire à déclarer pour bénéficier du RSA et de la prime d’activité), le gouvernement ouvre un nouveau chapitre. Mercredi 24 avril, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a présenté en conseil des ministres un plan d’action « simplification » visant à amenuiser les contraintes administratives pesant sur les entreprises. Un plan qui comprend, donc, une version allégée du bulletin de salaire. A quoi pourrait-il ressembler ?
Nous voulons simplifier le bulletin de paie pour améliorer sa lisibilité. Ma proposition est de passer de plus de 50 lignes et à une quinzaine. ↓
PS : l’intégralité des informations restera disponible sur demande par le salarié. pic.twitter.com/u9dKoxZfqS
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) April 23, 2024
Les informations qui vont rester sur le bulletin
Salaire de base, heures supplémentaires, primes, jours d’absence pour maladie, congés payés… Les composants de la rémunération brute figureront toujours sur cette nouvelle version de la fiche de paie. « C’est important que ces éléments restent détaillés, car c’est la première chose que le salarié regarde quand il reçoit sa fiche de paie », fait valoir Luc Petiteau.
Le document conservera également la mention du montant net social, du net fiscal, de l’impôt sur le revenu et du net à payer au salarié.
Les éléments qui vont être condensés
Toutes les lignes de cotisations sociales (santé, prévoyance, retraite, assurance chômage, CSG…) devraient être ramassées sur une seule ligne. « Ça va plutôt dans le bon sens, car la majorité des salariés ne s’intéressent pas au taux des cotisations maladie ou retraites. On aurait quand même pu conserver la distinction entre cotisations obligatoires et cotisations facultatives, qui montre l’effort supplémentaire que fait l’entreprise par rapport aux obligations légales », estime l’expert-comptable.
Enfin, tous les éléments qui concernent les indemnités, telles que les indemnités journalières versées par l’Assurance maladie ou les indemnités de licenciement, les frais de remboursement de transport, les chèques vacances, les tickets-restaurant, seront réunis au sein d’une même catégorie.
« C’est le changement le plus problématique, selon moi. Ce sont des informations pour lesquelles le salarié a besoin du détail », estime Luc Petiteau qui craint que « les gestionnaires de paie soient extrêmement sollicités pour expliciter cette partie-là ».
Le gouvernement a précisé que les informations supprimées du bulletin seraient toujours disponibles sur demande du salarié à son service RH.
Quel impact pour les gestionnaires de paie ?
Cette mesure, qui doit entrer en vigueur d’ici 2027, n’aura pas d’incidence directe sur la production des fiches de paie : « La mécanique restera la même, ce sont les éditeurs des logiciels de paie qui devront intégrer ces changements et ce sera assez transparent pour les services RH. »
En revanche, les gestionnaires de paie devront, sans doute, passer plus de temps à faire de la pédagogie auprès de leurs collaborateurs : « Pour éviter que leur charge de travail ne s’accroisse considérablement, je conseille aux RH d’anticiper en analysant la nature des informations qui figurent sur leurs bulletins de paie et en identifiant les éléments qui seront supprimés ou synthétisés à l’issue de cette réforme. Pour, ensuite, trouver un autre un moyen de communiquer ces informations aux salariés, en dehors du bulletin de salaire. A titre d’exemple, un remboursement de frais de transport pourra prendre la forme d’une annexe à la fiche de paie ou figurer sur un espace salarié en ligne. »
Quelles pistes pour simplifier la gestion de la paie ?
Luc Petiteau avance deux autres pistes qui pourraient simplifier davantage la gestion de la paie : « Créer une base unique de calcul pour les cotisations sociales et désigner un interlocuteur unique, par exemple l’Urssaf, pour collecter les déclarations de cotisation et les redistribuer ensuite aux différents acteurs concernés, comme c’est le cas, depuis 2022, pour les contributions de formation professionnelle et la taxe d’apprentissage. »