Projet de loi immigration : ces mesures sur le travail jugées constitutionnelles

Le Conseil constitutionnel a validé, le 25 janvier 2024, la quasi-totalité des mesures liées au travail du projet de loi immigration.

Parmi ces mesures, la sanction des employeurs de travailleurs sans-papiers.
Parmi ces mesures, la sanction des employeurs de travailleurs sans-papiers. © UlyssePixel/stock adobe.com

Les Sages ont rendu publique leur décision le 25 janvier 2024. Depuis près d’un an et sa présentation en Conseil des ministres en février 2023 par les ministres de l’Intérieur et du Travail Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, le projet de loi immigration aura fait débat. Adopté définitivement au Parlement au mois de décembre, le contenu du texte était étudié, depuis, par le Conseil constitutionnel, saisi par le chef d’Etat, la présidente de l’Assemblée nationale et les députés de gauche.

32 des 86 articles du textes ont été censurés par les Sages qui ont, en revanche, validé la quasi-totalité des mesures liées au travail. Voici les principales concernées :

L’accès au parcours d’intégration républicaine durci

De nouveau décrit dans l’article 20 du projet de loi, le parcours d’intégration républicaine commence, en France, par la signature du Contrat d’intégration républicaine (CIR). Ce contrat, d’une durée de cinq ans, est entré en vigueur le 1er juillet 2016, dans le cadre de la loi du 7 mars 2016, relative au droit des étrangers en France. Cette dernière réformait le dispositif d’accueil et d’intégration des étrangers accédant pour la première fois au séjour en France et désireux de s’y installer durablement.

Le parcours d’intégration républicaine a pour objectifs, via un conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser l’insertion professionnelle, la compréhension par l’étranger primo-arrivant (hors UE) des valeurs et des principes de la République, l’apprentissage du français, l’intégration sociale et professionnelle et l’accès à l’autonomie. Ce dispositif est désormais subordonné à l’assiduité de la personne concernée et au sérieux de sa participation à la formation civique et linguistique.

Les salariés allophones formés à la langue française

L’article 23 du texte, également conservé, prévoit qu’un employeur puisse proposer à ses salariés allophones (*) des formations visant à atteindre une connaissance du français au moins égale à un niveau déterminé par décret. Seront également concernés les salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager, et les assistants maternels.

Pour les salariés allophones signataires du CIR, et donc déjà engagés dans un parcours d’intégration républicaine, la formation linguistique sera considérée comme du temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret, et donnera lieu au maintien de la rémunération par l’employeur pendant sa réalisation. Cette formation pourra être financée par le CPF (compte personnel de formation) et réalisée, en totalité ou en partie, durant le temps de travail.

Un titre de séjour pour les métiers en tension

Cette mesure, portée par le gouvernement, entend répondre aux besoins de recrutement dans des secteurs où la main-d’oeuvre fait défaut, comme le BTP ou la restauration. L’article 27 prévoit ainsi la création, à titre expérimental, d’un titre de séjour permettant de régulariser les salariés sans-papiers travaillant dans des métiers en tension.

Jusqu’au 31 décembre 2026, un étranger pourra donc se voir délivrer, par le préfet, une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié ». Les conditions d’attribution seront les suivantes :

  • Avoir exercé une activité salariée figurant sur la liste des métiers et zones géographiques en tension durant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois. Selon l’article 28, la liste des métiers et zones en tension sera établie par l’autorité administrative. Elle sera actualisée, une fois par an, après consultation des partenaires sociaux ;
  • Occuper un emploi relevant de ces métiers et zones au moment de la demande ;
  • Justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au mois trois années en France.

A noter que ce titre de séjour vaudra permis de travail et prendra la forme d’un document sécurisé, selon le texte. Une fois délivré, le préfet vérifiera « par tout moyen la réalité de l’activité » des travailleurs concernés.

Le « passeport talent » devient un « titre de séjour talent »

Le « passeport talent », est entré en vigueur le 1er mai 2021, conformément à l’article 20 de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, portant sur la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Via ce dispositif, un étranger « qui justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public » se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » d’une durée maximale de quatre ans. Selon le gouvernement, « cette carte permet l’exercice d’une activité commerciale en lien avec le projet économique innovant ayant justifié sa délivrance ».

L’article 30 du projet de loi Immigration prévoit sa transformation en un « titre de séjour talent » pluriannuel destiné aux étrangers non communautaires ayant obtenu en France un diplôme de niveau master ou ayant un contrat de travail de plus de trois mois qui prévoit une rémunération brute annuelle supérieure ou égale à 41 933 euros.

Les employeurs de travailleurs sans-papiers sanctionnés

L’article 34 du projet de loi instaure la mise en place d’une amende administrative pour les employeurs embauchant des travailleurs étrangers sans-papiers, directement ou par personne interposée, conservant à leur service ou employant un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Ces sanctions concernent également un employeur qui aurait recours sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler.

Le montant de cette amende pourra atteindre jusqu’à 5 000 fois le taux horaire du salaire minimum garanti et pourra être majoré, en cas de réitération, jusqu’à 15 000 fois ce même taux. Elle sera également appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés. Cette dernière sera prononcée par le ministre chargé de l’Immigration, qui devra prendre en compte, pour déterminer le montant de l’amende, les capacités financières de l’auteur, le degré d’intentionnalité, de gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière.

Le texte prévoit également un durcissement du volet pénal. En effet, toute personne, directement ou par personne interposée, qui embauche, conserve à son service ou emploie un étranger non autorisé à travailler en France, sera désormais punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros, contre 15 000 précédemment. Lorsque l’infraction est commise en bande organisée, ces peines seront portées à dix ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende, contre 100 000 précédemment.

* Un allophone est une personne qui, dans un territoire donné, a pour langue première une autre que la langue officielle.

Bien s’équiper pour bien recruter