Harris ou Trump : pourquoi les entreprises françaises s’engagent-elles moins que leurs homologues américaines lors des élections ?
Quelques heures avant de connaître le nom du 47e président américain, retour sur les stratégies bien différentes des entreprises françaises et américaines en matière de politique.
Rarement le résultat à une élection présidentielle américaine n’aura été aussi incertain. Au coude à coude dans la dernière ligne droite, Kamala Harris et Donald Trump peuvent notamment compter sur les prises de position de chefs d’entreprise influents pour faire la différence. Car, à l’image de certaines stars du show business, la voix de ces PDG a une influence auprès des électeurs. Au point de faire basculer l’élection ?
La tech et la banque votent Kamala Harris
Le camp de l’actuelle vice-présidente peut se targuer du soutien de 88 chefs d’entreprise qui ont clairement affiché leur soutien dans une lettre publiée par la chaîne CNBC. Parmi les signataires, le cofondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, le directeur général d’OpenAI, Sam Altman, ou encore la directrice générale de la société d’investissement EL Rothschild LLC, Lynn Forester. Selon eux, « Kamala Harris continuerait à promouvoir des politiques justes et prévisibles qui soutiennent l’état de droit, la stabilité et un environnement commercial sain », expliquent-ils dans la lettre.
La liste des principaux donateurs pour financer la campagne confirme l’engagement des grandes entreprises de la tech en faveur de la candidate démocrate. On y retrouve, entre autres, Google, Microsoft, Apple, Accenture, Amazon ou Facebook. Kamala Harris a pu également compter sur la générosité de géants de la banque et de l’assurance, tels que Morgan Stanley, JP Morgan ou l’assureur Brown & Brown.
Elon Musk en meeting avec Donald Trump
De son côté, Donald Trump a été soutenu, financièrement et médiatiquement, par le milliardaire Elon Musk, à la tête de Tesla, SpaceX et X, mais aussi par Peter Thiel, cofondateur (avec Musk) de PayPal, aujourd’hui à la tête de l’entreprise de services et de logiciels Palantir Technologies.
La campagne de l’ex-président américain a été financée par d’importantes contributions d’entreprises du secteur aérien, dont American Airlines, Boeing ou United Airlines, le géant de la grande distribution Walmart ou encore l’industrie de défense et de sécurité Lockheed Martin.
Si le soutien des grandes fortunes américaines aux candidats à l’élection américaine s’inscrit dans une tradition historique, « ce qu’on observe de nouveau ici, c’est l’implication, en particulier celle de Musk, qui va bien au-delà de la simple donation, estime Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’Université libre de Bruxelles et codirecteur d’AmericaS, le centre interdisciplinaires d’études sur les Amériques, interviewé par le média belge l’Echo. Des personnalités comme Ford et Rockfeller souhaitaient intervenir et étaient proches d’élus, mais Musk va un pas plus loin en faisant meeting pour un candidat. »
En France, la discrétion prévaut
A l’inverse, en France, le soutien des chefs d’entreprise à un homme ou une femme politique en campagne électorale se fait plus discret. Lors de la dernière élection présidentielle, en 2022, peu de dirigeants ont ouvertement affiché leur position en faveur de l’un ou l’autre des candidats. Par crainte de se mettre à dos leurs employés, mais aussi leurs clients ou leurs partenaires en cas de divergences de sensibilité politique.
« Ce n’est pas respecter ses salariés que d’essayer de les influencer, défend Estelle Sommer, coach de dirigeants d’entreprise, dans les colonnes du Monde. Dire qu’un candidat est dangereux, c’est une forme d’infantilisation qui exacerberait l’opposition entre patron et employés. »
Certains dirigeants en ont d’ailleurs fait les frais : après avoir organisé un dîner de levée de fonds pour financer la campagne d’Eric Zemmour, candidat à l’élection présidentielle de 2022, Olivier de Panafieu, Managing Partner au sein du cabinet Roland Berger, avait été suspendu de ses fonctions. Plus tôt, en 2017, l’appel du fondateur des boulangeries Paul, Francis Holder, à voter François Fillon, « en tant qu’ambassadeur des 14 000 personnes que forme l’entreprise », avait suscité la collègue des salariés et des syndicats.
Par ailleurs, l’article L.106 du Code électoral rappelle qu’un employeur ne peut en aucun cas tenter d’orienter le vote d’un salarié : toute personne essayant d’influencer le vote d’un ou plusieurs électeurs ou de les convaincre de s’abstenir « par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois publics ou privées ou d’autres avantages particuliers » sera punie de deux ans d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.
Des règles de financement de campagne plus strictes dans l’Hexagone
Quant aux règles de financement des campagnes électorales en France, elles sont strictes : depuis 1995, les personnes morales ne peuvent plus financer les partis politiques, qu’il s’agisse de dons ou d’avantages en nature. Les dons émanant de personnes physiques sont autorisés, mais dans la limite de 4 600€ par personne, par élection et pour l’ensemble des candidats à celle-ci.
Outre-Atlantique, il existe un plafond pour les citoyens qui versent une contribution via un comité de campagne au candidat : il est de 3 300 dollars par élection. Les prétendants à la Maison Blanche peuvent aussi s’appuyer sur les PAC, des comités politiques nationaux qui, eux, peuvent verser jusqu’à 5 000 dollars par élection. Enfin, ils peuvent toucher des fonds via les SuperPAC, un dispositif mis en place par la Cour Suprême en 2010, qui permet aux entreprises, syndicats et associations d’effectuer des dons sans limite de montant.