Quand la politique s’invite au travail : mode d’emploi pour des échanges apaisés
Si tu veux la paix, prépare… la paix !

Au lendemain de la chute du gouvernement Bayrou et alors que plusieurs mouvements sociaux se préparent, l’actualité politique et sociale est plus que jamais présente dans les conversations au travail.
Environ 6 Français sur 10 parlent politique au travail, selon divers sondages. Rien d’étonnant à cela, pour Angelica Barrero Guinand, psychologue chez ifeel : « La politique fait partie de nos vies, elle affecte notre quotidien à différents titres et c’est donc naturel qu’elle s’invite au travail, l’endroit où l’on passe 8 heures par jour ! »
« Au travail, on n’hésite plus à affirmer sa personnalité »
Afficher ses opinions politiques au travail n’est plus si tabou, constate l’experte : « Les salariés partagent de plus en plus d’informations sur leur vie privée au travail, y compris sur des sujets personnels comme leur couple, leur famille, leurs goûts, leurs loisirs, leurs opinions. C’est un lieu où on n’hésite plus à affirmer sa personnalité quand on s’y sent en sécurité. »
Si c’est plutôt une bonne nouvelle pour les employeurs dont l’entreprise est perçue comme un lieu où l’on peut exprimer librement ses idées et être pleinement soi, gare aux possibilités d’escalade du conflit.
Distinguer la personne de ses idées
« Nos convictions politiques sont en lien avec notre identité, c’est pourquoi les débats politiques peuvent être si passionnés, décrypte Angelica Barrero Guinand. Or, l’erreur classique est de considérer qu’une personne qui ne partage pas les mêmes idées que nous est différente de nous, alors que ce sont ces idées qui sont en conflit avec les nôtres. Personne ne doit être puni ou stigmatisé au simple motif que ses idées ne plaisent pas à tout le monde ! »
« L’humain privilégie toujours le scénario du pire »
Il est d’autant plus difficile de faire la part des choses quand l’issue des échéances électorales est incertaine, renchérit-elle : « Ne pas avoir de cap clair génère chez certaines personnes beaucoup d’anxiété, qui peut déboucher sur de la peur et, éventuellement, nous rendre agressifs et irrationnels. Le cerveau humain a toujours tendance à privilégier le scénario du pire et à anticiper la catastrophe. Je fais souvent le parallèle avec les achats irraisonnés qui ont précédé les confinements, pendant la crise sanitaire, les gens ont agi sur le coup de l’émotion, ils faisaient des stocks démesurés de pâtes, de papier toilette. On est aussi dans le registre de l’émotion en politique. Et quand la peur ou la colère nous submergent, la violence verbale, voire physique, est proche. »
Ne pas juger, temporiser, écouter
Dès lors, comment réagir, en tant que RH ou manager, si la situation s’envenime entre deux collègues ou groupes de collègues ? D’abord en affichant une posture de neutralité absolue, car « prendre parti donnerait lieu à un sentiment de favoritisme qui renforcerait l’impression d’injustice ». « Il faut ensuite séparer les personnes en conflit pour permettre à leurs émotions de se réguler, recommande Angelica Barrero Guinand. Une fois la tension retombée, le manager doit parler à chacune des personnes impliquées pour connaître leur ressenti, entendre leurs arguments, mieux comprendre leur comportement. »
S’ancrer dans le présent et dans le sens de son travail
Elle suggère également de les aider à adopter un autre état d’esprit, en effectuant deux exercices mentaux :
- Revenir au présent : « Pousser notre cerveau à s’ancrer dans le présent nous permet d’éviter de catastrophiser l’avenir. Bien sûr, c’est plus difficile de ne pas l’anticiper si on travaille dans un secteur, comme la fonction publique, très dépendant de la majorité qui gouvernera le pays. Mais, dans ce cas, on peut esquisser plusieurs scénarios possibles, avec son manager, voir les opportunités et les difficultés que soulève chacun d’entre eux. Pour identifier ensuite des solutions. »
- Revenir à la valeur de notre travail : « Se recentrer sur ses propres valeurs au travail et le sens de sa mission. Qu’est-ce que je suis en train de faire, pour qui et pour quoi je le fais ? »
Créer un environnement de sécurité psychologique
A l’échelle de l’entreprise, il est également important de créer un environnement de sécurité psychologique et d’inclusion pour faciliter les échanges d’idées féconds : « Les discussions politiques peuvent être enrichissantes, si l’on commence à écouter l’autre pour le comprendre et non pas pour lui répondre, distingue Angelica Barrero Guinand. Pour ce faire, la direction et les RH ont plusieurs clés : une communication transparente, une culture du feedback, bon comme mauvais, mais aussi une condamnation ferme des discriminations. »
Former les managers à la gestion des conflits et des émotions
Enfin, la psychologue juge essentiel d’outiller les managers pour dénouer ces situations potentiellement explosives : « Il faut les former en gestion du conflit, en escalade du conflit mais aussi en malaise psychologique. Cela leur permettra aussi de mieux connaître les personnes de leur équipe et leurs réactions propres. Pour finir, le manager doit également être formé à la gestion de ses propres émotions désagréables lorsqu’il se trouve impliqué ou arbitre de ce genre de situation. »