À quoi ressemblera le monde du travail en 2040 ?

Les prédictions de l’INRS se révèleront-elles exactes ?

L'essor des technologies aura un impact sur les compétences valorisées par les ressources humaines.
L'essor des technologies aura un impact sur les compétences valorisées par les ressources humaines. © Gorodenkoff/stock adobe.com

« Cycle² est une PME de 400 salariés, 700 en comptant les intérimaires, qui conçoit et produit des véhicules électriques […] Depuis 2035, et suite au déploiement des machines ‘’intelligentes’’, les travailleurs bénéficient de la semaine de 3 jours à 32 heures annualisées, ce qui permet de lisser la présence sur site en fonction du carnet de commandes. […] Les machines pouvant être opérées à distance, le télétravail est possible ponctuellement, mais il n’est pas privilégié à cause de la nécessité de vérifier régulièrement la qualité des pièces produites et de la présence physique requise aux réunions d’équipes. »

L’INRS (institut national de recherche et de sécurité) s’est livré à une analyse prospective sur le futur du travail à horizon 2040. Ce croisement d’enquêtes, d’entretiens avec des entreprises et des experts et d’ateliers de design fiction (s’appuyer sur des scénarii imaginaires pour explorer les futurs possibles) débouche sur un tableau du monde de travail de demain. En voici les grands traits.

Un rapport au travail de plus en plus individuel

Les systèmes d’évaluation individuelle, la diversification des statuts de travailleur, la personnalisation de la gestion des ressources humaines, le télétravail, la fragmentation des trajectoires pro… autant d’ingrédients qui font que l’individu continue de prendre une place de plus en plus grande au détriment du collectif de travail.

Plus que jamais, l’équilibre vie pro/vie perso a une grande influence dans les choix de carrière des jeunes générations. « On est moins comme les générations d’avant, témoigne une étudiante interrogée dans le cadre de l’enquête. On accorde beaucoup d’importance à l’équilibre de vie, à nos choix, et on se colle moins à une seule carrière. On bouge tous les 3-4 ans et ça nous fait du bien. On veut travailler, mais se respecter aussi, vivre maintenant et pas attendre notre retraite. »

Face à ce délitement du collectif, il devient de plus en plus difficile pour les employeurs de créer une culture de prévention efficace.

Un télétravail toujours très présent

Pérennisé après avoir été généralisé dans l’urgence pendant la crise sanitaire, le télétravail régulier a toujours la cote auprès des travailleurs de l’Hexagone. Leur rythme idéal : deux à trois jours de télétravail par semaine. Pour la plupart, pas question de faire la croix sur cet avantage.

Un boom du travail indépendant

Avides de liberté, les Français se tournent de plus en plus vers le statut d’indépendant. Bien que cet engouement soit freiné par un manque de protection sociale et des revenus irréguliers liés à ce statut. Les chercheurs redoutent que la coactivité entre travailleurs de statuts différents ne génèrent des niveaux de « professionnalité » et de connaissance des risques très variable.

Dans ce contexte, on pourrait voir émerger une hybridation des statuts d’indépendants et de salariés, c’est-à-dire un dispositif qui pourrait permettre d’exercer son activité d’auto-entrepreneur tout en bénéficiant d’une meilleure couverture sociale, dans l’esprit du contrat de « workers » mis en place chez Uber UK.

Du numérique à tous les étages

L’IA, les robots et les logiciels ont pris une place encore plus importante dans le quotidien des travailleurs. Si ces outils permettent de faciliter le travail et de le rendre moins pénible, ils peuvent avoir des effets délétères s’ils sont utilisés à mauvais escient (réduction et l’autonomie des salariés et renforcement de leur contrôle, substitution au manager…) et si les risques induits par ces nouvelles technologies (opacité de l’information, discriminations, biais…) ne sont pas pris en compte par les entreprises.

Les progrès de l’IA ont permis de transférer les tâches répétitives et physiques aux machines. Et les travailleurs, y compris les plus qualifiés, sont moins attendus sur leurs compétences métier et davantage valorisés pour leurs soft skills. « De la même façon que les entreprises s’attachent à développer leur ‘’marque employeur’’, les situations de travail à venir pourraient ainsi contraindre de plus en plus les travailleurs à soigner leur image et à développer leur ‘’marque travailleur’’ », notent les chercheurs.

Un management par le résultat

Les salariés ont davantage de latitude pour s’organiser comme ils le souhaitent pour atteindre leurs objectifs. Par conséquent, le manager a un œil porté vers les résultats plus que sur les moyens mis en œuvre pour les obtenir.

L’avènement du manager facilitateur

Au carrefour des nouvelles exigences des travailleurs et des objectifs fixés par la direction, le manager de proximité joue un rôle de facilitateur dans l’animation et la cohésion de l’équipe. Une fonction d’autant plus complexe à assurer à l’heure du travail à distance et de l’individualisation du rapport au travail.

« Les salariés sont à la recherche d’une plus grande autonomie dans le travail et d’une plus forte participation dans l’entreprise, ce qui ne signifie pas pour autant que les managers doivent les abandonner, voire carrément disparaître : les salariés sont en effet très demandeurs d’accompagnement, notamment les plus jeunes, mais aussi de soutien, et ce, à tous les âges », décrypte Suzy Canivenc, enseignante chercheuse associée à la chaire FIT (futur de l’industrie et du travail) de Mines Paris-PSL.

Des objectifs RSE de plus en plus ambitieux

Aux objectifs financiers s’ajoutent des enjeux de performance extra-financière, notamment en matière de RSE. Les entreprises doivent les intégrer totalement à leur stratégie et les répercutent sur les objectifs fixés aux collaborateurs.

Le développement d’organisations du temps de travail atypiques

À l’image de la semaine de quatre jours ou des journées de 12h de travail, les entreprises optent pour de nouvelles organisations du temps de travail, pour attirer et fidéliser les talents. Si ces formules présentent des bénéfices évidents pour l’équilibre pro/perso, elles ouvrent aussi la voie à l’essor de la pluriactivité. Ce qui contribue, à la fois, à allonger la durée effective du travail et à en intensifier le rythme. Les auteurs de la synthèse alertent sur cette densification du travail qui pourrait avoir des effets néfastes sur la santé des travailleurs.

Si ces évolutions sont plausibles, l’INRS met toutefois en garde : « La prospective n’est pas une prédiction de l’avenir. Elle n’est pas non plus une prévision qui serait le prolongement des tendances passées. La prospective prend en compte les tendances et les discontinuités pour décrire des futurs possibles et proposer une aide à la prise de décision. »

Bien s’équiper pour bien recruter