Travail de nuit : ce que dit la loi

Rémunération, temps de repos, obligations de l’employeur… On vous dit tout sur ce que le travail de nuit implique.

Engineer worker watching work monitor on laptop and checking for quality control at construction site of petroleumchemical industry or refinery oil plant factory overtime at night
Dans le BTP, les heures effectuées entre 21 heures et 6 heures sont majorées de 25% seulement dans le cas d’une intervention programmée. © winnievinzence / Stock.adobe.com

Chaque nuit, tandis que des millions de Français sont plongés dans leur sommeil, des dizaines voire des centaines de milliers de salariés travaillent, qu’ils soient préparateurs de commande, pompiers, médecins, journalistes ou agents de sécurité. Selon la Dares, 11,1% des personnes en emploi ont travaillé, en 2023, au moins une fois de nuit sur une période d’observation de quatre semaines consécutives. C’est 0,8 point de moins qu’en 2019.

C’est dans le secteur de la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac que ce taux est le plus élevé (27,6%), suivi par les secteurs du transport et entreposage (26,6 %), de la santé humaine (19,2 %) ou encore de l’hébergement et de la restauration (17,9 %). Les hommes sont plus nombreux que les femmes à travailler sur des horaires de nuit : 15,1% pour les premiers contre 7% pour les secondes.

Comment définir le travail de nuit ?

Selon l’article L. 3122-2 du Code du travail, « tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit ». Le travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et se termine au plus tard à 7 heures du matin.

Certaines conventions ou accords collectifs fixent des horaires qui peuvent varier. Par exemple, dans le secteur de la production rédactionnelle et industrielle de presse et de radio, est considéré comme du travail de nuit le travail accompli entre minuit et 7 heures.

Pour être considéré comme travailleur de nuit, il faut travailler avec une certaine régularité durant ces périodes avec un horaire atypique. Concrètement, voici les conditions pour être considéré comme travailleur de nuit :

  • Travailler de nuit sur une durée d’au moins trois heures deux fois par semaine ;
  • Travailler 270 heures de nuit sur une période de référence de 12 mois consécutifs ;
  • Une convention ou un accord collectif de travail étendu peut fixer des modalités différentes.

Ce statut ouvre au salarié un certain nombre de droits et de garanties, comme la limitation de la durée du travail, le repos obligatoire ou des compensations financières, qui varient selon la convention collective dont il dépend.

Qui a le droit de travailler de nuit ?

Tous les salariés peuvent travailler de nuit, qu’ils soient des hommes ou des femmes. En revanche, les moins de 18 ans n’ont pas le droit de travailler la nuit, quelle qu’en soit la durée. Les moins de 16 ans n’ont pas le droit de travailler entre 20 heures et 6 heures, les jeunes de 16 à 18 ans, entre 22 heures et 6 heures. Il existe toutefois des exceptions.

Des dérogations à l’interdiction du travail nocturne des mineurs peuvent être accordées par l’inspection du travail pour une durée d’un an maximum renouvelable. Les entreprises qui en font la demande doivent appartenir aux secteurs suivants : la boulangerie, la pâtisserie, la restauration, l’hôtellerie, les spectacles et les courses hippiques. Des secteurs d’activité où les horaires atypiques sont fréquents.

Quelles sont les obligations de l’employeur ?

Caractère exceptionnel du travail de nuit

Selon un arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2014, « le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale ; il en résulte que le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal du travail au sein d’une entreprise et ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable à son fonctionnement ».

Accord du salarié

Un accord collectif doit être conclu pour la mise en place du travail de nuit au sein d’une entreprise. A défaut, l’inspection du travail doit donner son accord pour qu’un ou plusieurs salariés soient affectés à des postes de nuit. Dans le cas où le salarié travaillait jusque-là le jour, si son employeur souhaite qu’il passe sur un poste avec un horaire atypique de nuit, cette modification du contrat de travail doit être acceptée par le travailleur.

Durée limitée du travail de nuit

En raison de son impact sur la santé des salariés, le travail de nuit est très encadré et sa durée est limitée. Sauf exception, il n’est légalement pas possible de travailler de nuit plus de 8 heures par jour. Sur une période de 12 semaines consécutives, il n’est pas non plus autorisé de travailler de nuit plus de 40 heures par semaine.

Comme tout salarié, les travailleurs de nuit doivent bénéficier d’un repos de 11 heures avant de pouvoir repartir sur une journée de travail. Il peut toutefois y avoir des exceptions dans certains cas bien précis ou secteurs d’activité.

Quelles sont les contreparties au travail de nuit ?

Travailler sur des horaires de nuit est difficile physiquement, psychologiquement mais aussi socialement. Cela mérite donc des compensations. Le Code du travail fixe un certain nombre de règles en la matière, que ce soit en termes de repos compensateur ou de priorité du salarié pour repasser sur un poste de jour.

Repos compensateur

Les contreparties qui s’appliquent en cas de travail de nuit sont fixées par un accord d’entreprise ou d’établissement. S’il n’y en a pas, c’est la convention ou l’accord collectif de branche qui s’applique. Dans tous les cas, le travail de nuit donne droit à un repos compensateur, qui est intégralement rémunéré. Une compensation salariale peut également le compléter mais en aucun cas venir se substituer au repos compensateur.

Dans le secteur de la restauration par exemple, la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants fixe le repos compensateur à 1% de repos par heure de travail effectuée entre 22 heures et 7 heures. Pour un salarié qui travaille à temps plein à l’année, ce repos compensateur est fixé à 2 jours par an.

Priorité des salariés pour passer de jour

Conformément au Code du travail, les salariés qui travaillent de nuit sont prioritaires s’ils souhaitent un jour revenir sur un poste en journée au sein de la même entreprise. Cela vaut pour un emploi équivalent ou au sein d’une même catégorie professionnelle.

Il est aussi possible de demander à repasser sur un poste de jour lorsque le travail de nuit devient incompatible avec ses obligations familiales impérieuses, par exemple si cela concerne la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante. Pour les mêmes raisons, un salarié peut refuser un poste de nuit sans que cela puisse être considéré comme une faute ou un motif de licenciement.

Dans le cas d’une salariée enceinte qui travaillerait la nuit, l’employeur ne peut pas refuser si elle demande à être transférée sur un poste de jour jusqu’au début de son congé prénatal.

Quel salaire pour un travail de nuit ?

Contrairement aux idées reçues, le travail de nuit n’est pas toujours payé plus. Le Code du travail impose un repos compensateur mais pas de compensation salariale. Tout dépend de ce que dit l’accord d’entreprise ou la convention collective à laquelle est rattaché le salarié. Certaines prévoient une majoration du salaire, un versement d’indemnités ou une prime de nuit, mais pas toutes.

Par exemple, la convention collective nationale de l’industrie et des services nautiques fixe à 15% la majoration du salaire pour les heures de nuit. Dans le BTP, les heures effectuées entre 21 heures et 6 heures sont majorées de 25% seulement dans le cas d’une intervention programmée. Dans la fonction publique hospitalière, les heures de nuit sont, quant à elles, majorées de 25%.

Dans le cas où une convention collective ne fixe pas de majoration des heures effectuées la nuit, celles-ci sont donc payées au même taux que le travail de jour.

Quel est l’impact du travail de nuit sur la santé ?

Toutes ces règles fixées par le Code du travail visent à encadrer le travail de nuit afin de limiter les abus mais aussi préserver la santé des travailleurs. En effet, le travail de nuit, qui plus est lorsqu’il est effectué ainsi sur la durée, n’est pas sans conséquences sur la santé des salariés ; il comporte même de nombreux risques. Selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), publié en 2016, le travail de nuit, avec ses horaires atypiques, aurait des effets à trois niveaux :

  • un effet avéré sur le sommeil, la somnolence et le syndrome métabolique ;
  • des effets probables sur la survenue de cancer (cancer du sein et de la prostate), la santé psychique (irritabilité, anxiété, dépression), les performances cognitives, l’obésité et la prise de poids, le diabète de type 2 et les maladies coronariennes (ischémie coronaire et infarctus du myocarde) ;
  • des effets possibles sur les dyslipidémies (concentrations trop élevées de certains lipides dans le sang), l’hypertension artérielle et l’accident vasculaire cérébral ischémique.

Pour tous ces risques sur la santé du travailleur, qu’ils soient avérés, probables ou possibles, l’Anses, dans son rapport de 2016, recommande donc de limiter le recours au travail de nuit et appelle à un meilleur encadrement pour minimiser ses impacts.

Comment prévenir ces risques ?

Du fait de ces risques pour la santé des salariés amenés à travailler sur des horaires de nuit, le Code du travail fixe donc un certain nombre d’obligations pour l’employeur en termes de suivi médical à des fins de prévention. L’article L. 4624-1 du Code du travail prévoit qu’avant toute affectation à un poste de nuit, un travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention auprès d’un médecin du travail. Ce rendez-vous vise à l’informer des risques du travail de nuit, que ce soit sur sa santé ou sa sécurité.

Par la suite, un suivi régulier devra être effectué, à une fréquence qui sera fixée lors de la visite d’information et de prévention, et qui ne pourra pas excéder trois ans. En cas de besoin, le médecin du travail pourra prescrire, lors de ces suivis, des examens spécialisés complémentaires, qui seront à la charge de l’employeur.

En résumé

  • Le Code du travail considère comme du travail de nuit tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives entre minuit et 5 heures.
  • Le travail de nuit débute au plus tôt à 21 heures et se termine au plus tard à 7 heures du matin.
  • Les moins de 18 ans ne peuvent pas travailler de nuit, sauf exception.
  • Il n’est légalement pas possible de travailler plus de 8 heures par jour, ni plus de 40 heures par semaine sur une période de 12 semaines consécutives.
  • Le travail de nuit donne droit à un repos compensateur, défini par un accord d’entreprise ou d’établissement, ou la convention ou l’accord collectif de branche.
  • En revanche, les heures effectuées de nuit ne sont pas obligatoirement payées plus sauf si cela est prévu dans la convention collective dont dépend le salarié.
  • Le travail de nuit a des conséquences indéniables sur la santé des travailleurs, que ce soit sur leur sommeil ou sur leur santé physique ou psychique. Il a aussi des effets probables sur la survenue de cancer ou sur les performances cognitives des salariés concernés.
  • Pour limiter ces risques, un suivi par un médecin du travail encadre le travail de nuit et des actions de prévention sont prévues par le Code du travail.
  • En 2023, un peu plus de 10% des personnes en emploi ont travaillé au moins une fois de nuit sur une période d’observation de quatre semaines consécutives.
  • La fabrication de denrées alimentaires, les transports, la santé ou encore l’hébergement et la restauration sont les secteurs les plus concernés par le travail de nuit.
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