Pouvez-vous licencier un salarié qui divulgue son salaire sur les réseaux sociaux ?

Une salariée américaine a été licenciée après avoir posté plusieurs vidéos sur TikTok, mentionnant notamment son niveau de salaire. Une procédure légale ?

Un salarié a-t-il le droit de divulguer son salaire ?
Un salarié a-t-il le droit de divulguer son salaire ? © PrettyVectors/stock adobe.com

La scène se déroule aux Etats-Unis : une employée vient de décrocher un nouveau job dans une entreprise IT et se réjouit de passer d’un salaire annuel de 70 000 à 90 000 dollars sur son compte TikTok. Elle poste ensuite d’autres vidéos expliquant notamment comment elle a pu obtenir ce job.

En découvrant le compte de sa collaboratrice, son employeur lui fait part de son mécontentement et finit par la licencier. Le contrat de la salariée ne comprenait pourtant aucune clause relative à la confidentialité de sa rémunération. De plus, le National Labor Relation Act, une loi fédérale défendant les droits syndicaux des salariés du secteur privé, stipule que les employés ont le droit de communiquer librement leur salaire auprès de n’importe qui.

Communiquer son salaire relève de la liberté d’expression de chacun

La divulgation du salaire ne peut donc constituer en soi une cause de licenciement aux Etats-Unis. Mais la collaboratrice a-t-elle dû quitter son poste pour ce motif ? Selon ses dires, dans une autre vidéo TiKTok, son employeur lui a fait valoir que « ce compte présentait une menace pour la sécurité de l’entreprise car [elle] pouvai[t] y publier des données confidentielles ».

De l’avis de l’avocat Matthew Bergman, interrogé par USA Today, ce licenciement repose sur un jugement particulièrement sévère. Selon lui, si la collaboratrice avait décidé de porter plainte, elle aurait certainement eu gain de cause.

Même si, en France, on parle moins librement d’argent qu’outre-Atlantique, de la même manière, dévoiler son salaire relève de la liberté individuelle de chacun et ne peut pas constituer une cause de licenciement. Tout salarié a le droit de montrer son bulletin de paie et d’indiquer, à l’écrit ou à l’oral, le montant de sa rémunération.

Une limite : l’obligation de confidentialité

Il existe en revanche des exceptions à cette liberté d’expression : la présence d’une clause de confidentialité (aussi appelée clause de discrétion), dans le contrat de travail, qui peut obliger le salarié à garder le secret sur son niveau de rémunération et l’expose à une sanction disciplinaire en cas de non-respect. Le Code du travail précise que cette restriction doit être « justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché » (art. L1121-1).

Qu’en est-il si un collaborateur divulgue le salaire d’un collègue ? La jurisprudence distingue deux scenarii :

  • Si la personne qui communique l’information ne dispose pas, dans le cadre de ses fonctions, d’un accès direct aux données de paie, elle ne peut pas, en pratique, détenir des informations fiables sur les rémunérations des uns et des autres. Elle ne peut donc pas être sanctionnée.
  • Si, en revanche, le collaborateur à l’origine de la fuite d’informations, a directement accès aux fiches de paie, car il fait partie du service RH, comptabilité ou de la direction, il est tenu à la plus stricte confidentialité, car la rémunération d’un salarié est une information privée. Dans ce cas précis, divulguer le salaire d’un collaborateur constitue donc une faute disciplinaire et l’employeur peut décider d’engager une procédure pouvant aller jusqu’à un licenciement pour faute grave, si la divulgation des salaires était volontaire.

En 2017, la Cour de cassation a jugé qu’en révélant à plusieurs collègues les salaires perçus par les deux salariés les mieux payés de l’entreprise et une prime versée à un autre salarié, une responsable administrative, licenciée pour faute grave, avait « manqué aux règles de confidentialité lui incombant au regard des fonctions exercées », un comportement de nature « à créer des difficultés au sein de l’entreprise ».

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Vers une transparence totale des salaires dans l’UE ?

Une question qui ne se pose pas dans la poignée d’entreprises françaises qui ont opté pour la transparence totale des salaires. Cette pratique pourrait néanmoins prendre de l’ampleur dans l’Union européenne. Le Parlement européen a récemment adopté un texte visant à transposer dans le droit communautaire l’obligation pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés d’instaurer la transparence des salaires.

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