Les lettres de démotivation vengeresses de Sara Fistole
Elle a fait le bonheur de milliers de candidats blasés par des offres d’emploi toujours plus exigeantes. Comme eux, Sara Fistole a connu les refus plus ou moins polis d’employeurs à ses lettres de motivation. Jusqu’à l’écoeurement. « Un jour, je me suis dit : vous allez voir ce que vous allez voir ! » Son premier site, Les lettres de Sara Fistole, aujourd’hui hébergé en tant que blog sur le site Rue89, était né.
Avec un style bien à elle, Sara prend alors la plume pour répondre, cette fois avec humour, à des offres d’emploi. « Lorsque j’ai démarré Les Lettres, je souhaitais simplement renvoyer les choses comme un boomerang à la face des recruteurs. Ça m’exaspérait tellement de voir que nous étions des milliers de candidats pour le moindre petit job, à multiplier les entretiens d’embauche pour un même stage », se souvient Sara. Sa dernière lettre, en réponse à une offre pour un emploi d’assistante administrative/ Mannequin cabine, est représentative de la patte Fistole :
« Aujourd’hui, le CPE paraîtrait génial »
Elle aurait pu jouer les porte-étendards de sa génération ou encore se servir de la notoriété acquise grâce à son blog pour trouver un emploi. Mais « ça aurait été trahir mes idéaux que de surfer sur cette médiatisation. Je ne voulais pas trouver un travail grâce à mon blog mais vraiment dénoncer l’absurdité du système ». A 20 ans, elle suivait les nombreux débats autour du Contrat première embauche (CPE) introduit par le gouvernement du Premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin, puis retiré face à la pression de la rue. « A l’époque, tous les jeunes étaient survoltés. Aujourd’hui, la précarisation des jeunes semble totalement acceptée, tout le monde lutte pour obtenir un stage comme si cela était normal. Je suis certaine que le CPE paraîtrait même génial maintenant », déplore Sara.
« Ni journaliste, ni sociologue », elle s’attaque à sa façon, « quand l’envie lui prend, quand elle en a le temps », à ces offres d’emploi et/ou de stage requérant un niveau Bac +5 minimum et de parler couramment « quatre langues ». Comme à cette proposition de stage chez JeunesDip.com :
Ses lecteurs lui disent : « Merci »
Son ton fait mouche. Enfin, côté candidats. Car les recruteurs, eux, auraient plutôt tendance à la prendre, la mouche. Si elle a été une seule fois mise en garde d’être pénalement attaquée, les employeurs ont le plus souvent du mal à comprendre son humour. « Certains amorcent un semblant de débat, les autres m’écrivent des réponses plutôt violentes voire ridicules m’expliquant même que Jean-Luc Mélenchon ne changera rien à la situation… ». Les candidats sont bien évidemment plus réceptifs aux Lettres de Sara. « Les gens me disent : merci. Pour eux, j’ai mis des mots sur leur situation. Je reçois des lettres pleines de désespoir et en même temps porteuses d’enthousiasme. Cela permet des échanges constructifs ».
De son côté, Sara est passée à autre chose. Elle a fait une croix sur la vie de bureau classique, privilégiant ses projets professionnels personnels : écriture de scénarios, de pièces de théâtre, photographie. Et si pour l’instant, ça ne décolle guère, Sara ne semble pas franchement désespérée. « Si j’avais trouvé un emploi au moment de commencer Les lettres, les choses seraient probablement différentes aujourd’hui. Mais je ne peux plus revenir en arrière et franchement, je m’en fiche ! »
Au début des années 2000, l’artiste Julien Prévieux publiait ses premières lettres de non-motivation. Un exercice de style lui permettant d’expliquer « avec un humour parfois non décelé les raisons qui le poussent à ne pas se présenter pour le poste proposé par ces annonces », peut-on lire sur la page Wikipédia qui lui est consacrée. Retrouvez ici une sélection de ses meilleures lettres.