Le smartphone, outil à double tranchant pour le salarié
« Les smartphones, gadgets indispensables ou forme d’esclavage moderne ? », c’est le titre d’une dépêche AFP tombée ce midi, qui relance le débat sur les fameux téléphones multifonctions. En novembre dernier, des salariés américains le lançaient justement en demandant à ce que « le temps passé à répondre aux messages sur leur smartphone soit comptabilisé en heures supplémentaires. » Aujourd’hui, l’outil soi-disant indispensable commence tout de même à échauffer quelques oreilles en France et à faire réagir les experts du travail. 28% des cadres disposent d’un smartphone et si les trois quarts d’entre-eux l’éteignent pendant leurs congés, cela est moins évident le week-end ou en soirée… Alors quand l’entreprise entre insidieusement à la maison, doit-on la laisser faire ?
Un outil ambivalent
Avec le smartphone dont sont équipés de plus en plus de salariés et notamment les cadres qui ont déjà une forte amplitude horaire, la frontière entre travail et vie privée est devenue floue, très floue. Tellement poreuse, que si 70% des cadres (sur 28% d’utilisateurs) disent bénéficier « d’un droit » à la déconnexion lorsqu’ils sont en congé, ce chiffre passe à 64% en week-end et 58% en soirée… Selon Nicole Turbé-Suetens, experte télétravail (que nous avions interviewée en juin 2010), « les smartphones sont une arme à double tranchant ». En effet, tout en offrant liberté et mobilité, ils instaurent une dépendance et une mise en à disposition du salarié qui menace la vie privée. Et le manager peut être tenté d’abuser de cette disponibilité permanente du salarié.
Une sorte de « laisse » électronique ?
Thierry Venin, chercheur au CNRS, va plus loin et agite le drapeau rouge en faisant clairement le lien entre le stress et les smartphones (dans sa thèse « Stress au travail et TIC »). Pour lui, le problème est que ce genre d’outil devrait justement avoir l’effet contraire et permettre au salarié de disposer de plus de temps libre et de mieux s’organiser. Parmi les vices cachés du smartphone, le chercheur pointe également du doigt le fait qu’ils peuvent « être détournés par certains employeurs qui en font une sorte de laisse électronique, utilisant la fonction GPS pour traquer leurs salariés » (chauffeurs-livreurs, VRP…).
S’il est peu probable que tous les employeurs aillent jusqu’à ces extrêmes, l’image de « la laisse » à de quoi faire peur. Aux salariés de faire valoir leurs droits et de ne pas se laisser déborder par leur travail lorsqu’ils n’y sont plus. Mais il se pourrait bien qu’il soit nécessaire d’ajuster le code du travail lui-même à l’avenir, sous peine d’abus.
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