Le bien-être au travail rend les entreprises plus performantes
Le 28 avril c’était la journée mondiale de la sécurité et la santé au travail. L’occasion de revenir sur une notion qui a investi le monde de l’entreprise : le « bien-être au travail ». Aujourd’hui en effet, l’amélioration des conditions de travail se décline de plus en plus dans la recherche de ce bien-être et permet même d’améliorer la performance des entreprises. Quelles sont les différentes composantes de ce bien-être et comment faire pour l’améliorer grâce à la méthode du « slow management » ? Eléments de réponse avec Mireille Barthod-Prothade, Enseignant – chercheur en gestion des Ressources Humaines à l’ESC Chambéry.
Qu’est-ce que recouvre exactement la notion de bien-être au travail ?
Les composantes du bien-être sont au nombre de 5. Le bien-être vital (être en bonne santé). Le bien-être existentiel qui renvoie à la pyramide des besoins de Maslow. Le bien-être social et relationnel, c’est-à-dire le » bien vivre ensemble « , la qualité des relations interpersonnelles entre collègues, la reconnaissance du manager sur le travail des salariés, etc. Cette dimension inclut aussi le soutien et le partage social avec les moments de réunion pour annoncer des bonnes ou des mauvaises nouvelles.
Quatrième composante : le bien-être matériel, c’est la dimension ergonomique du poste de travail. Aujourd’hui, le travail consiste moins à exercer une force physique pour transformer des matières premières, on fait de plus en plus appel à son intelligence. Néanmoins, il y a des maladies nouvelles qui émergent, de la pénibilité liée à l’utilisation des technologies de l’information. C’est pourquoi le confort physique, comme l’ambiance, a son importance. Enfin, il y a le bien-être organisationnel, qui recouvre la situation de l’entreprise sur son marché, mais également la situation de l’individu dans sa carrière avec des outils qui lui permettent de savoir où il en est : fiche de poste, entretien d’évaluation, ses missions, ses horaires… La jeune génération est d’ailleurs très sensible à la souplesse dans les horaires, ce qui est difficile à prendre en compte pour une organisation très pyramidale.
Pour un chef d’entreprise, comment savoir s’il faut travailler sur le bien-être de ses salariés ?
C’est bien souvent le dirigeant d’entreprise lui-même qui se rend compte de la montée du mal-être. Cela se traduit par des conflits interpersonnels, des impayés, une baisse des ventes, etc. Et surtout, il peut l’observer quand les salariés ramènent du travail chez eux. Plus ils en emmènent en effet, plus ils ont du travail. C’est le signe d’un mal-être.
Remettre du bien-être au travail s’inscrit alors dans une perspective de respect de l’individu et d’efficacité économique. Le coût de l’absentéisme et de la démotivation est en effet facilement mesurable.
Comment faire pour améliorer le bien-être de ses salariés ?
Plutôt que de se focaliser sur le mal-être et la souffrance, qui sont souvent réels au travail, il faut essayer de construire un futur désirable et acceptable. Il vaut mieux se mettre dans une dynamique positive en impliquant les salariés et en leur demandant ce qu’il faudrait améliorer. A partir d’une liste de propositions, avec les managers et la direction, la faisabilité de ces actions peut ensuite être étudiée.
C’est là où intervient la notion de « slow management ». Ce courant qui s’est développé dans le courant du 20ème siècle aux Etats-Unis, consiste tout simplement à remettre les choses en place simplement. Par exemple, le manager, plutôt que de communiquer par mail ou par téléphone, fait la démarche d’aller vers les salariés. Ce qui est très difficile car les managers n’y sont pas forcément sensibilisés, ils ont parfois du mal à sortir de leur bureau.
Le manager est donc en première ligne quand on parle de bien-être, que doit-il faire concrètement ?
Il faut créer des temps de parole véridiques réguliers. Prévoir tous les jours dans son agenda de consacrer du temps à un service ou à une personne, pour écouter les problèmes que rencontrent les collaborateurs dans l’exercice de leur travail. Le slow management c’est gérer autrement : plutôt que d’animer des réunions sur le mode du charisme, aller au contact des salariés et essayer de comprendre leur situation. Mais ce n’est pas forcément simple pour le manager qui est lui aussi sous pression et pris dans le quotidien. D’où la nécessité d’interpeller le dirigeant. Dès lors, on peut entrer dans une perspective d’entreprise durable et de RSE.
Le dialogue c’est le point de départ indispensable…
Oui car souvent dans les entreprises, il y a peu de dialogue entre les managers et les services de ressources humaines. Quand on les mets autour d’une table et qu’ils dialoguent, ils parviennent mieux à comprendre les problèmes. Du coup, les RH sont plus parties prenantes du système et pas uniquement là pour pallier l’absence d’un collaborateur. Le manager peut alors se poser les bonnes questions sur la raison pour laquelle le collaborateur s’est démotivé ou retrouvé en position d’échec ou de burnout. Les RH doivent vraiment être au service de la production et des managers, pas l’inverse. C’est une révolution mentale qui reste à faire, notamment en amont dès la formation.
Que peut-on attendre de ce genre de démarche ?
Les effets sont immédiatement mesurables sur la performance économique. Avec fréquemment une amélioration rapide du suivi des ventes et de meilleurs retours au niveau de la satisfaction client.
Qu’est ce qui est le plus important si on veut vraiment que ça marche ?
Les micro-actions au quotidien peuvent vraiment faire évoluer les choses. A partir des différentes dimensions du bien-être on regarde dans chaque entreprise ce qu’il est possible de faire à court, moyen et long terme. Très concrètement pour que ça marche, il faut surtout un plan d’actions et des moyens. Même s’ils sont minimes, à partir du moment où tout est planifié on entre dans du bien-être. En revanche, si on est uniquement dans le discours, la situation ne fera qu’empirer. C’est pourquoi il ne faut pas oublier non plus d’associer les syndicats à la démarche. Quand on fait intervenir un consultant extérieur, il est important que tout se fasse en « co-construction ». Tout simplement pour que passée la phase d’audit, les différents acteurs soient autonomes dans la mise en place. C’est une démarche participative.
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