« Critiquer ses collègues est bon pour l’entreprise »

Laurence bourgeois1Et si râler contre son chef, ses collègues, la direction était un comportement utile à l’entreprise, voire un signe de performance au travail ? C’est le point de vue développé par Laurence Bourgeois dans son ouvrage Éloge de la critique et des jeux de pouvoir en entreprise. Contre toute attente, elle estime que les salariés les plus virulents sont aussi les plus impliqués au sein de leur société et les plus créatifs. Plutôt que de chercher à contraindre ces personnalités, les managers auraient ainsi tout intérêt à laisser prospérer les rumeurs et autres ragots, nous explique l’auteur de cet ouvrage détonnant.

Selon vous, chacun d’entre nous présente deux faces : l’une souriante, l’autre beaucoup plus critique…

Elogecritique En effet, nous évoluons tous sur deux scènes bien distinctes, selon que nous sommes face à un public ou non. Devant le public, nous agissons de manière à nous faire bien voir, à être bien évalués. L’autre face est une personnalité totalement inverse. C’est un peu comme lorsqu’en croisant notre chef dans le couloir, nous le gratifions d’un large sourire superficiel pour le critiquer de plus belle dès qu’il a le dos tourné.

C’est particulièrement vrai dans le monde du travail…

L’entreprise est un milieu où la culture de la performance est toujours plus marquée et ce quel que soit le domaine d’activités dans lequel nous travaillons. Pour se valoriser, les individus ont alors tendance à rabaisser l’autre. Cela a aussi une fonction cathartique : c’est une source de satisfaction qui permet de libérer du stress et de l’énergie. Faire du mal à l’autre, que cela soit conscient ou non, est une manière de prendre du plaisir. Individuellement, cela permet également de se protéger : en critiquant autrui on évite de parler de soi, de se découvrir. Et puis, la critique crée du lien en entreprise, on se retrouve à la machine à café pour partager les dernières rumeurs et potins…

Vous expliquez également que la critique est un facteur de performance au travail, pourquoi ?

A mon sens, les personnes les plus critiques sont aussi celles qui sont le plus impliquées dans l’entreprise. Que l’on dénigre son chef, les décisions prises par la direction ou encore les tenues vestimentaires de ses collègues prouve un fort intérêt pour son environnement de travail. Ensuite, les collaborateurs les plus virulents sont aussi souvent des personnes intelligentes, qui décèlent finement les jeux de pouvoir. Le plus souvent, ils sont dans la course à la performance et mettent autant d’énergie dans la critique que dans leur travail. Ce sont également des individus créatifs qui osent sortir du cadre et sont capables de remettre en cause la culture des entreprises, notamment celle prônant l’esprit de groupe, la bienveillance. Autant de valeurs qui enferment les collaborateurs dans des modes de pensée standards et stéréotypés. Les personnes critiques sont, elles, « out of the box ».

Par rapport à ces comportements, comment la direction doit-elle réagir ?

S’il y a trop de vers critiques, ils finissent par pourrir le fruit, donc ça n’est pas constructif. Mais dans le fond, plutôt que de penser que ces attitudes sont délétères, les managers auraient au contraire intérêt à en tirer bénéfice, d’autant que ces comportements permettent au final de construire un lien social que les entreprises peinent de plus en plus à assurer.

 »Éloge de la critique et des jeux de pouvoir en entreprise », Editions Eyrolles, 144 pages, 19 euros.

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