« En 2026, la marque recruteur deviendra un incontournable »
Séduire les talents ne doit plus seulement passer par de beaux discours, mais par des preuves visibles, humaines et incarnées. Florent Letourneur, CEO de We Feel Good, nous parle de la marque recruteur.
En 2026, dans un contexte de stabilisation du marché du travail, la marque employeur gardera-t-elle toute sa pertinence dans les stratégies de recrutement ?
Florent Letourneur : La marque employeur demeure d’une grande pertinence, mais elle change de nature. Aujourd’hui, avec la stabilisation du marché du travail, la bataille ne se joue plus sur le volume de CV reçus, car il est désormais plus facile d’en recevoir, mais sur la confiance que l’employeur parvient à générer.
Les candidats continuent de mettre les entreprises au défi sur des sujets essentiels tels que la transparence, la cohérence entre les discours et les actions, ou encore la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). En résumé, ce qui les intéresse, c’est la crédibilité. C’est précisément pour cette raison que la marque employeur reste pertinente, parce qu’elle représente un levier de confiance et d’alignement entre ce que perçoivent les candidats, l’expérience vécue par les collaborateurs et ce que l’entreprise revendique. Les candidats attendent une cohérence totale, du premier contact jusqu’à l’onboarding. La marque employeur ne doit pas être un vernis marketing. Ce principe est valable en 2025, tout comme il l’était en 2022, et le sera encore en 2030.
De plus, une marque employeur cohérente permet de réduire le coût par embauche en jouant un rôle de protection réputationnelle. Elle facilite l’acceptation des offres, parfois même avant leur publication, car les candidats aspirent à rejoindre cette entreprise. En somme, indépendamment des fluctuations du marché de l’emploi, elle permet de contrôler les risques associés aux narratifs externes (comme les avis ou commentaires en ligne). La nature ayant horreur du vide, si l’entreprise ne travaille pas sa marque employeur et ne garde pas le contrôle sur son récit, d’autres le feront pour elle.
Cette interview est extraite du livre blanc « 10 tendances qui vont changer le recrutement en 2026 »
Mais la marque employeur est-elle suffisante pour attirer les talents ?
F.L. : Si elle se limite à des promesses génériques telles que la « bienveillance », l’« excellence », l’« impact », cela ne fonctionne pas. Ce sont des mots interchangeables d’une entreprise à une autre, qui manquent de preuves concrètes. Tout le monde recherche de l’authenticité, pas du marketing de façade. Avoir une marque employeur forte est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant.
Que ce soit dans l’offre d’emploi ou au cours des entretiens, les candidats veulent des éléments tangibles : dans quel contexte vais-je travailler ? Quelles seront mes missions réelles ? Quels seront mes projets ? Quels outils vais-je avoir à ma disposition ? Est-ce qu’il y a une grille salariale lisible et transparente ? Est-ce qu’on va me faire des retours constructifs et structurés ?
De plus, la marque employeur doit vivre au quotidien, jusque dans les pratiques managériales. C’est pourquoi certaines entreprises intègrent un module « marque employeur » dans l’onboarding des managers : pour les aligner dès le départ sur ce que la marque promet et sur les postures attendues.
Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de « marque recruteur ». En quoi se distingue-t-elle de la marque employeur ?
F.L. : Ce sont deux concepts différents mais liés. La marque recruteur est une évolution naturelle de la marque employeur, pas une rupture. La marque employeur fixe le cadre collectif, la promesse globale. La marque recruteur l’incarne au quotidien, à travers un individu identifié qui devient le premier contact des candidats.
La force de cette approche, c’est l’humanisation de la promesse employeur. La limite, c’est le facteur humain, parce qu’un recruteur demeure une personne, avec ses aléas de vie, ses humeurs. Il n’est pas toujours en mesure d’être, à chaque instant, à 100% de ses capacités. Mais ça reste une opportunité : le recruteur devient une voix crédible, plus personnalisée que la communication corporate parfois un peu trop lisse ou distante. En ce sens, le recruteur devient presque un « influenceur RH ».
Comment les entreprises peuvent-elles aider les recruteurs à prendre la parole de façon efficace et alignée avec leur stratégie, tout en évitant les risques d’une communication inappropriée ?
F.L. : Le cas extrême, c’est celui d’un recruteur qui critique un client publiquement. Là, on est hors des clous : ça relève du bon sens. Mais globalement, pour activer une marque recruteur efficace, il faut : former et accompagner les recruteurs à la prise de parole digitale ; définir un territoire et des règles du jeu, c’est-à-dire de quoi parler ou ne pas parler, avec quel ton… ; et enfin, encourager et responsabiliser plutôt que sanctionner. Cela peut passer par des comités éditoriaux, des calendriers de publication, des binômes avec la communication experte en prise de parole…
Mais selon moi, le plus grand risque n’est pas qu’un recruteur s’exprime et commette une erreur, c’est qu’il se taise. Car si les recruteurs ne parlent pas, d’autres le feront à leur place, souvent au détriment de l’entreprise.
En 2026, un recruteur doit-il avant tout être un candidate magnet avant d’être un technicien du recrutement ?
F.L. : Il doit être les deux. Le métier de recruteur est un métier de relationnel, ce n’est pas un scoop. Donc il doit savoir rédiger des offres, trier, évaluer… mais aussi savoir chasser, approcher, attirer, animer des viviers, fidéliser des candidats, parce qu’un candidat refusé aujourd’hui peut devenir un bon profil demain.
Je pense qu’aujourd’hui, une entreprise doit avoir autour d’elle des hommes et des femmes recruteurs qui prennent la parole, mais aussi qui soient accessibles. Si un candidat a une question, il doit avoir un moyen de contacter facilement la bonne personne, que ce soit par téléphone, mail, WhatsApp, les réseaux professionnels ou autre. Mais dans trop d’entreprises, les candidats ont l’impression d’écrire à des boîtes noires, sans savoir humainement qui se cache derrière, qui a la responsabilité de ce recrutement.
Dans cette logique, le recruteur de 2026 doit-il aussi être formé aux techniques de communication et de marketing ?
F.L. : Oui, et certaines entreprises accompagnent déjà leurs recruteurs : media training, prise de parole sur les réseaux sociaux, playbooks de communication, relations écoles… Il peut aussi y avoir des partages de bonnes pratiques : ce qui a fonctionné ou non, par exemple. Cela demande des outils et de la synchronisation avec la communication corporate.
Par contre, je pense qu’il vaut mieux 2 ou 3 recruteurs volontaires, bien formés et crédibles, que toute une équipe qui communique de façon dissonante. Dans tous les cas, l’entreprise doit être facilitatrice : former, accompagner, encourager. Elle a tout intérêt à ce que ses recruteurs prennent la parole, simplement parce que la parole d’un recruteur a souvent plus de poids que celle de la marque elle-même.
Existe-t-il aujourd’hui des indicateurs tangibles pour mesurer l’efficacité de l’influence d’un recruteur sur les candidatures ?
F.L. : Il y a des choses qui sont facilement mesurables. Par exemple, le taux d’engagement des posts, le nombre de commentaires ou de partages. Est-ce qu’il y a des prises de contacts directes générées et plus si affinités ? Est-ce qu’il y a du trafic redirigé vers un site carrière ou une offre d’emploi ? Il est aussi possible de mesurer la croissance d’abonnés qualifiés, parce que dans une logique de marque recruteur, le recruteur doit prendre le temps d’identifier et de se connecter aux profils qui travaillent chez un concurrent par exemple. De cette façon, le jour où il fait un post, il va être visible par les bonnes cibles.
D’autres indicateurs sont plus difficiles à mesurer, parce que le recruteur va y contribuer en partie, autant que ses collègues. Notamment, la vitesse de recrutement, le ratio nombre d’entretiens par offre, le taux de qualification des candidats, de fidélisation à 6 ou 12 mois. Ce qui peut être pertinent pour mesurer l’impact d’un recruteur, c’est de mettre en place un Net Promoter Score (NPS), pour mesurer la satisfaction des candidats à la fin du processus.
Pour 2026, faut-il mieux investir dans la marque employeur ou dans la marque recruteur ?
F.L. : Il ne faut pas choisir : les deux sont complémentaires. La marque employeur crée le récit, la marque recruteur lui donne un visage. Et on peut aller plus loin avec la marque dirigeant ou le leader advocacy : quand les dirigeants eux-mêmes prennent la parole, cela engage et fidélise encore davantage.
La marque employeur reste le socle, un travail de fond, permanent. La marque recruteur et la marque dirigeant en sont des déclinaisons humaines et incarnées.
Envie de découvrir les autres tendances qui vont marquer le recrutement en 2026 ?