Des paroles aux actes : comment mieux inclure les personnes en situation de handicap dans votre entreprise
Recrutement, onboarding, aménagements de poste… On fait le tour des solutions qui ont fait leurs preuves pour faciliter le quotidien de vos collaborateurs en situation de handicap.

La handicap n’est pas toujours un sujet avec lequel les employeurs sont très à l’aise. Méconnaissance de certaines pathologies, idées préconçues, crainte de ne pas savoir réagir en cas d’accident… Les employeurs sont parfois frileux à évoquer le sujet. Nous avons demandé à quatre entreprises inclusives de nous partager leurs bonnes pratiques pour attirer et intégrer durablement les collaborateurs en situation de handicap.
Recrutement
Le message doit être clair dès la lecture de votre offre d’emploi : « Nous indiquons systématiquement que tous nos postes (chargés d’écoute et d’assistance, techniciens installateurs, agents logistiques…) sont ouverts aux personnes en situation de handicap. On a un accord d’entreprise en la matière et on travaille en partenariat avec l’Agefiph, Cap Emploi et les Missions locales. Notre métier est d’œuvrer pour le maintien à domicile de personnes en perte d’autonomie. Ne pas œuvrer pour l’emploi de personne en situation de handicap ne serait pas aligné avec notre ADN », précise Camille Siraud, DRH chez Tunstall, leader de la téléassistance, qui compte 200 collaborateurs, dont 10% de travailleurs en situation de handicap.
« Cette ouverture d’esprit doit être mise en avant dans les offres d’emploi, par le champ lexical choisi, en expliquant que vous êtes ouverts à tout type de diversité », confirme Pierre-Arnaud Bouyer, DEI et Senior Talent Acquisition Manager chez Platform.sh, une plateforme cloud unifiée, embauchant 400 collaborateurs.
« On veut montrer à tous que handicap, entrepreneuriat, rentabilité et performance sont tout à fait compatibles ! »
Chez Informa Truck, camion-atelier de vente et de réparation de matériel informatique comptant six collaborateurs, le fondateur, Cyril Noury, ne recrute que des personnes en situation de handicap : « Dès la genèse du projet, l’idée était d’adapter le camion à son conducteur. Notre solution a pour ambition d’inclure les personnes en situation de handicap dans la lutte contre l’exclusion numérique. On combat donc la fracture numérique en se rendant avec nos camions dans les zones rurales. » Pour donner à ses collaborateurs de l’autonomie, Cyril Noury a choisi d’opter pour un modèle de franchise : « On souhaite faire germer une génération d’handi-preneurs. On veut montrer à tous que handicap, entrepreneuriat, rentabilité et performance sont tout à fait compatibles ! »
Concernant la sélection des profils, tous s’accordent sur le fait qu’il faut former les recruteurs afin qu’ils abandonnent leurs biais : « On les incite à ne pas s’arrêter aux trous sur le CV, à s’intéresser d’abord à la compétence et au savoir-être », souligne Margaux Court, chargée de Mission Handicap Groupe chez Nestlé, qui compte 10 000 collaborateurs en France, dont 6,34% en situation de handicap. « Dans le cadre de nos engagements en matière de diversité, d’égalité et d’inclusion, on fixe également à nos recruteurs des objectifs de recrutements pérennes, en CDI et en alternance, de personnes en situation de handicap. »
Pierre-Arnaud Bouyer conseille également au recruteur ou au hiring manager d’aborder le sujet durant l’entretien d’embauche : « Il faut donner au candidat les informations générales sur la politique handicap de l’entreprise afin de permettre à la personne de parler de son handicap, si elle le souhaite. Il faut avoir en tête que le sujet peut être difficile à aborder en fonction du degré d’acceptation de son handicap. La solution est de poser une question bienveillante comme « Est-ce que tu vois des situations qui pourraient avoir un impact négatif sur ta performance ? ». »
Onboarding
Le premier réflexe est d’organiser un temps d’échange, en amont de la prise de poste, avec le nouveau collaborateur, pour savoir s’il a besoin d’aménagements spécifiques : « J’appelle chaque candidat pour me présenter, l’informer de notre politique handicap, le questionner sur ses besoins d’aménagements, développe la chargée de Mission Handicap de Nestlé. On anticipe au maximum la mise en place des logiciels et du mobilier pour que tout soit prêt le jour de la prise de poste. Si le collaborateur est d’accord, on peut également sensibiliser le manager et l’équipe. »
Pierre-Arnaud Bouyer confirme qu’il est important d’initier ce dialogue très tôt afin d’éviter les points de blocage par la suite : « Si on donne, par exemple, à une personne dyslexique un rapport de plusieurs pages à lire quelques minutes avant une intervention, elle ne sera sans doute pas à l’aise. Tandis que si on est au courant, on pourra réfléchir avec elles à d’autres solutions pour lui apporter l’information. De la même manière, dans le cas d’une personne sourde, on peut lui proposer d’échanger via Google Meet pour les réunions en visio, car l’outil permet de sous-titrer les discussions en temps réel. »
« Les personnes en situation de handicap ne se cachent pas derrière leur maladie, leur déficience, pour en faire moins, c’est tout l’inverse ! »
Si le parcours d’onboarding est souvent commun à tous, des aménagements peuvent être proposés au cas par cas, comme chez Tunstall : « Sur prescription du médecin du travail, nous pouvons adapter la durée et les horaires des formations. » Ou encore chez Nestlé : « En fonction des besoins, nous pouvons assurer les formations en langue des signes ou en format individuel. »
Chez Informa Truck, Cyril Noury propose à tous ses nouveaux franchisés de rencontrer un coach de confiance en soi. L’entreprise prend en charge les dix premières séances : « Les résultats sont fabuleux ! Le premier technicien que j’ai recruté était renfermé, négligé, n’avait pas confiance en lui, n’était pas souriant. Aujourd’hui, il rit, il raconte des blagues aux clients, il est avenant, ouvert. Il est bien dans sa peau et ça se voit. Redonnez à ces personnes l’estime d’elles-mêmes et elles vous le rendront au centuple ! La plupart du temps, elles ont essuyé tellement de refus, qu’elles sont bien plus reconnaissantes que la moyenne quand on leur tend la main. Ce ne sont pas des gens qui se cachent derrière leur maladie, leur déficience, pour en faire moins, c’est tout l’inverse ! »
Aménagements de poste
Horaires et temps de travail
La fidélisation du collaborateur passe également par une adaptation constante à l’évolution de ses besoins. Avec des aménagements sur mesure, comme l’explique Camille Siraud : « Au sein du centre d’écoute et d’assistance, certains salariés peuvent ne pas supporter une station assise toute la journée. Tunstall met donc en place des horaires hachés permettant de faire des pauses plus fréquentes pour marcher. Cette souplesse organisationnelle permet de trouver des solutions avant d’en arriver à des inaptitudes professionnelles. »
De son côté, Cyril Noury a opté pour la semaine de quatre jours, avec un jour de repos au milieu de la semaine, pour permettre à ses équipes de récupérer. L’entreprise recommande également à ses franchisés de travailler 36h, payées 39h. Les trois heures en supplément leur sont offertes à la condition qu’ils prennent un engagement caritatif de leur choix, comme une aide à la distribution de denrées alimentaires dans une épicerie solidaire.
Télétravail
Autre organisation du travail plébiscitée par les collaborateurs en situation de handicap : le full remote, à condition que le domicile soit correctement équipé. C’est le choix de Platform.sh qui fonctionne selon des horaires flexibles permettant à ses salariés de fixer librement leurs rendez-vous médicaux, sans impact sur leur production : « Du moment que ce rendez-vous est indiqué dans l’agenda, chacun organise son travail comme il veut. Aujourd’hui les personnes respectent le volume horaire. On accorde notre confiance et nos collaborateurs nous remercient en n’en abusant jamais », se réjouit Pierre-Arnaud Bouyer.
Nestlé a, de son côté, mis en place deux demi-journées d’absence chaque année pour permettre à ses collaborateurs en situation de handicap de se rendre à leurs rendez-vous médicaux. Ces salariés ont également droit à l’aménagement d’un troisième jour de télétravail sur prescription du médecin du travail.
Matériel et équipement adapté
En concertation avec la médecine du travail, les ergonomes et les ergothérapeutes, les employeurs travaillent à créer l’espace de travail le plus confortable pour leurs collaborateurs. Des aménagements souvent faciles à mettre en œuvre, comme des zones plus calmes et des casques adaptés aux appareils auditifs pour les personnes atteintes de troubles de l’audition, des bureaux réglables en hauteur pour permettre de travailler de temps en temps debout ou bien des voitures de service plus hautes et équipées de boîtes automatiques.
Accompagnement et écoute
Selon Pierre-Arnaud Bouyer, « cette démarche d’ouverture et d’inclusion n’a de sens que si elle est prônée au plus haut niveau de l’entreprise. Elle doit faire partie de la culture d’entreprise ». Pour cela, les employeurs doivent mettre en place des actions de sensibilisation et d’éducation, en interne et en externe, pour casser les stéréotypes liés au handicap.
« La clé est d’écouter et d’être transparent sur les budgets alloués aux aménagements de poste et sur leur faisabilité. »
« Il faut donner aux gens la possibilité de se confier. Cela passe par la communication : montrer qu’on a mis des initiatives en place pour faciliter leur quotidien. En tant que manager DEI, je suis identifié, les personnes viennent donc me parler en toute confiance car elles sentent qu’elles sont dans un environnement safe. La clé est d’écouter et d’être transparent sur les budgets alloués aux aménagements de poste et sur leur faisabilité », poursuit Pierre-Arnaud Bouyer.
Margaux Court insiste également sur la possibilité d’avoir un interlocuteur tiers, hors de l’entreprise : « Nos collaborateurs peuvent contacter une assistante sociale via une ligne d’écoute s’ils se sentent plus à l’aise pour lui faire remonter des difficultés liées à leur handicap au travail. »
Les entreprises peuvent profiter de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées pour sensibiliser leurs collaborateurs. A cette occasion, Nestlé publie, chaque année, des témoignages de collaborateurs en situation de handicap, qui peuvent prendre la forme d’expositions photo ou de BD, mises en ligne et laissées à disposition dans les bureaux.
« Fondamentalement, ces actions sont simples à mettre en œuvre et pas très onéreuses, conclut Camille Siraud. Elles contribuent à l’insertion et au maintien dans l’emploi de ces collaborateurs et c’est aussi une façon de lutter contre leur absentéisme. En définitive, les personnes en situation de handicap attendent simplement qu’on les traite comme tous les collaborateurs, qu’on les écoute et qu’on les respecte. »