Ils ont menti sur leur CV

Quand il s’agit de se faire mousser, certaines personnalités optent pour le bidonnage de leur CV. Particulièrement adepte de la méthode, l’ancien président de la République embellissait déjà son parcours scolaire en 2007. Aujourd’hui, c’est le tout nouveau premier flic de France qui s’invente un cursus dans de prestigieuses écoles. Entre le Grand Rabbin de France, Gilles Berheim, prétendument agrégé de philosophie et l’ancien directeur d’un aéroport, Philippe Gaillard, recruté à partir d’un faux diplôme d’ingénieur, retour sur une pratique bien française…

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Premier flic de France mais super menteur

C’est une information révélée par Atlantico : le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, serait passé par les prestigieuses écoles HEC et l’ESSEC. « Serait » parce qu’en fait titulaire d’un DEA de stratégie et management à Paris-X, il a probablement eu des cours dans ces deux écoles, sans que cela en fasse un ancien étudiant pour autant. C’est vrai qu’HEC c’est plus ronflant que l’université…


Un président peut-il mentir sur son CV ?

Son échec à l’Institut d’études politiques de Paris doit terriblement peser à l’ancien président de la République. Alors qu’il doit donner une conférence à Montréal à la fin du mois, ce dernier fait en effet mention sur son CV de « ses études universitaires en sciences politiques à l’IEP de Paris » qu’il aurait prétendument « terminées avec distinction ». Déjà en 2007, Nicolas Sarkozy n’hésitait pas à indiquer qu’il détenait un DEA de sciences politiques et qu’il avait obtenu un diplôme de Sciences Po Paris. Deux informations erronées… Pas étonnant qu’il ait choisi, à l’époque, Rachida Dati comme Garde des Sceaux, coupable, elle, de mensonge par omission. En déclarant être une ancienne élève d’HEC, elle avait oublié de préciser qu’elle n’avait jamais obtenu ce diplôme. D’autres ministres ont également pêché, révélait en 2007 une enquête de Rue 89.

L’agrégé pompeur

Gilles Berheim est un autre exemple symptomatique du bidonnage de CV. Acculé à la démission de sa fonction de Grand Rabbin de France, ce dernier s’était ni plus ni moins inventé une agrégation de philosophie avant d’être démasqué. Une « mise en congé », selon ses termes, liée également à plusieurs plagiats dans ses ouvrages Quarante médidations juives, Le souci des autres au fondement de la loi juive et dans son essai Mariage homosexuel, homoparentalité, et adoption ce que l’on oublie souvent de dire. Outre quelques « emprunts », Gilles Berheim aurait expliqué son mensonge en raison d’un « événement tragique ».

Yahoo ! : Une démission sur fond de plan social

En publiant dans un document boursier, les diplômes de l’ex-PDG Scott Thompson, Yahoo ! a reconnu avoir commis une bourde. En cause ? La mention de deux licences en comptabilité et en informatique, alors que Scott Thompson n’est diplômé que de la première. En soi, cela ne semble pas si choquant. Mais en proie à des pressions boursières de la part de ces actionnaires et à une réorganisation du groupe qui coûtera leur poste à quelque 2000 employés, l’opportunité de faire le ménage au sein de la société semblait trop belle.

Y-a-t-il un directeur dans l’aéroport ?

Plus proche de nous, l’histoire de Philippe Gaillard est assez cocasse. A 44 ans, il postule au poste de directeur de l’aéroport international de Limoges avec en poche un diplôme d’ingénieur de la navigation aérienne. Recruté en novembre 2011, ce n’est qu’en février 2012 que ses employeurs découvrent que son certificat était un faux. Et pourtant, selon des sources rapportées par le journal Le Populaire Philippe Gaillard a fait « un boulot formidable ». L’homme est un habitué du bidonnage de CV. En 1998 il était condamné pour s’être fait passer trois ans plus tôt pour un policier… Une affaire qui rappelle celle d’un pilote de ligne suédois. Pendant 13 ans celui-ci a travaillé pour de nombreuses compagnies sans qu’aucune ne découvre qu’il n’avait aucun diplôme.

Le directeur de l’Ecole Centrale de Lyon n’était pas « normalien »

En 2005, c’est Jacques Labeyrie qui a été poussé vers la sortie de l’Ecole Centrale de Lyon. Dix mois après son arrivée, il a quitté ses fonctions pour « raisons personnelles ». En fait, il s’avérait que celui qui se prétendait normalien et agrégé de mathématiques avait largement gonflé son CV. Pour expliquer une telle erreur de casting, le recteur de l’académie de Lyon, Alain Morvan, expliquait à l’époque des faits que les recrutements s’effectuaient de « manière déclarative, sans demander de preuve d’obtention des diplômes ».

Une faute morale

Si ces différents cas peuvent prêter à sourire, ils éclairent néanmoins sur les pratiques des candidats et celles des recruteurs. Les premiers avouaient ainsi être 14% à mentir sur leurs CV en 2008 et selon une étude du cabinet Florian Mantione seulement 42% des entreprises vérifient l’exactitude des diplômes des candidats. Pourtant, depuis une loi de 1992, la justice estime que les entreprises ont le devoir de vérifier le contenu des curriculum vitae. A l’inverse, un candidat qui travestit ses données ne risque rien. En tout cas, aucune action juridique. Mais il prend le risque que son mensonge soit découvert durant sa période d’essai et se retrouve ensuite « black listé » par les entreprises.

Suite à l’affaire Yahoo !, Paul Palmer, Doyen Associé à la Cass Business School et spécialiste en éthique estime de son côté que le « fait de gonfler son CV apparait comme un crime sans victime, alors qu’il s’agit en fait de quelque chose d’extrêmement sérieux. Dans une perspective morale, c’est diffamant pour les personnes qui ont travaillé dur et ont réellement les qualifications qu’elles prétendent avoir. Mais cela donne également une perspective sur le caractère de quelqu’un – si les gens manipulent leurs CV pour obtenir un travail, comment peuvent-ils être digne de confiance dans le travail ? »

Bien s’équiper pour bien recruter