Destruction d’emplois par l’IA : cette étude qui va à contre-courant

Des chercheurs de l’université de Yale ont étudié les impacts du déploiement de l’intelligence artificielle générative sur le marché de l’emploi aux Etats-Unis.

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Aujourd'hui, l'IA n'a pas eu d'impact économique majeur sur l'emploi du travail américain, constatent les chercheurs de l'université de Yale. © gearstd/stock adobe.com

« L’IA menace nos emplois », « L’IA provoque une vague mondiale de suppression d’emplois », « Les 10 métiers qui risquent de disparaître avec l’IA »… L’IA est-elle une arme de destruction massive d’emplois, comme le laissent entendre certains gros titres, ou ne fait-elle que transformer les métiers ? Une étude menée par Martha Gimbel, Molly Kinder, Joshua Kendall et Maddie Lee, chercheurs au Budget Lab de l’université de Yale, et publiée le 1er octobre 2025, fournit une réponse empirique à cette question, à rebours du reste de la littérature.

Les experts de ce centre de recherche en politiques économiques ont examiné l’évolution du marché du travail outre-Atlantique dans les 33 mois qui ont suivi le lancement de ChatGPT, en novembre 2022. Et leurs conclusions sont loin d’être catastrophiques pour les travailleurs.

Une transformation technologique comparable à l’arrivée d’internet

Premier enseignement : le développement de l’IA générative n’a pas conduit à des suppressions massives d’emplois. Malgré certains licenciements massifs justifiés par l’essor de l’IA (Accenture, Microsoft, Meta…), le taux d’emploi est demeuré relativement stable aux Etats-Unis depuis 2022, autour de 60% de la population en âge de travailler.

Les chercheurs rappellent toutefois qu’il est difficile d’évaluer à court terme l’impact qu’aura une technologie sur le monde du travail. « Les ordinateurs ne se sont généralisés dans les bureaux qu’une décennie après avoir été rendus accessibles au grand public et il a fallu attendre encore plus longtemps pour observer les transformations qu’ils ont générées sur les process de travail. » Il y a donc fort à parier qu’il faudra attendre davantage que 33 mois pour mesurer l’étendue des changements induits par l’IA sur le marché du travail.

D’autres phénomènes prouvent qu’on est loin du big bang décrit par certains. La redistribution des emplois sur le marché du travail (reconversions professionnelles, suppressions de postes liées à l’automatisation des tâches, création de nouveaux métiers) suit la même tendance que lors des précédentes transformations technologiques qui ont ébranlé le monde du travail, telles que l’essor des PC (en 1984) ou l’avènement d’internet (en 1996). Ces travaux soulignent même que ces technologies ont eu moins d’impact sur la restructuration du marché de l’emploi que la Seconde guerre mondiale.

« Les récents changements dans la composition des emplois (et notamment la part croissante des emplois du secteur tertiaire) ne sont pas nécessairement liés à l’IA, notent les chercheurs. En réalité, ces changements étaient à l’œuvre dès 2021, avant l’arrivée de l’IA générative, et ne se sont pas accentués, en dépit de l’usage croissant de cette technologie. »

Les métiers les plus exposés à l’IA ne sont pas menacés de disparition

L’étude relève également que les métiers les plus exposés à l’intelligence artificielle (notamment les secteurs de l’IT, des mathématiques, des arts, du design et des médias, de la finance et du commerce) ne sont pas plus concernés par les suppressions d’emplois que les métiers les moins exposés à cette technologie (en particulier ceux de la production, maintenance, transport, santé, construction). De la même manière, elle constate que les personnes sans emploi dont la dernière profession occupée est fortement exposée à l’IA ne restent pas plus longtemps au chômage que la moyenne.

Enfin, l’impact de l’IA sur l’accès à l’emploi des jeunes diplômés, mis en lumière récemment par l’étude du Forum économique mondial, serait à relativiser : si l’on observe de légères différences dans la répartition des professions au sein de la classe d’âge des 20-25 ans et de celle des 25-34 ans, celles-ci ne sont pas significatives et pourraient simplement avoir pour origine le ralentissement général du marché du travail.

« Bien que l’inquiétude concernant les effets de l’IA sur le marché du travail actuel soit largement répandue, nos données suggèrent qu’elle reste très spéculative. Notre tableau de l’impact de l’IA sur le marché du travail qui émerge de leurs résultats reflète une situation stable et ne témoigne d’aucune rupture économique majeure », concluent les chercheurs.

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