Handicap invisible : votre processus de recrutement est-il vraiment inclusif ?

Anaëlle Marzelière, cofondatrice de Petite Mu, média et agence de sensibilisation au handicap invisible, vous donne les clés pour auditer vos process.

"La clé est de montrer au candidat qu’il est dans un environnement bienveillant."
"La clé est de montrer au candidat qu’il est dans un environnement bienveillant." © nanzeeba/stock adobe.com

La France compte environ 9 millions de personnes en situation de handicap invisible. Des pathologies qu’elles choisissent souvent de taire dans le cadre professionnel, par peur du regard des autres ou d’être discriminées. Quel rôle les entreprises peuvent jouer pour inclure davantage ces candidats et ces collaborateurs ? Les réponses d’Anaëlle Marzelière, cofondatrice, avec Alice Devès, du média et de l’agence Petite Mu, qui mettent en lumière des parcours de personnes porteuses d’un handicap invisible.

Quelles sont les principales difficultés que doit surmonter un candidat porteur d’un handicap invisible dans le cadre de sa recherche d’emploi ?

Anaëlle Marzelière : D’abord le mot « handicap » en lui-même. Il fait parfois peur à ceux qui ne veulent pas de cette étiquette. Or, le handicap invisible désigne des pathologies aussi diverses que l’asthme, l’endométriose ou la dyslexie, qui ouvrent toutes le droit à une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapé). Certains appréhendent que leur employeur et leurs collègues ne les voient qu’à travers ce prisme, donc ils préfèrent le taire.

Derrière ce silence se cache aussi une peur de ne pas être embauché, et c’est une crainte légitime, car le handicap est l’une des premières causes de discrimination à l’embauche en France. Aujourd’hui, le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteint 19%, quand il est de 7,5% pour l’ensemble de la population.

La gêne persiste aussi une fois en poste. Comme leur handicap n’est pas visible, les personnes concernées redoutent le regard de leurs collègues : si je demande à partir plus tôt parce qu’un taxi ou un transport en commun doit venir me chercher au travail, est-ce que ça ne sera pas perçu comme un traitement de faveur ?

Pourtant, quels sont les intérêts, côté recruteur, comme côté candidat, d’évoquer le sujet du handicap invisible dès le processus de recrutement ?

A.M. : Pour le candidat, ne pas faire part de son handicap peut entraîner des situations très inconfortables : il sera sûrement obligé de le surcompenser au travail, ce qui fait peser des risques sur sa santé.

A l’inverse, j’ai rencontré un candidat qui avait fait le choix d’indiquer sur son CV toutes les compétences qu’il avait acquises grâce à son handicap, en termes d’adaptation et d’anticipation. La démarche avait été bien perçue par le recruteur et s’est soldée par une embauche.

Côté recruteur, connaître les besoins d’un futur collaborateur permet d’anticiper pour organiser sa prise de poste dans les meilleurs conditions possibles et évite des sources de malentendus : certains candidats m’ont confié avoir refusé une promotion parce qu’ils ne s’étaient pas ouverts de leur handicap auprès de leur employeur et ne se voyaient pas assumer d’autres responsabilités sans aménagements.

Quels sont vos conseils pour rédiger une offre d’emploi inclusive ?

A.M. : En France, on ne peut pas faire de discrimination positive. Mais, sur une offre d’emploi, on peut parler des possibilités d’adaptation de poste, de flexibilité horaire, de politique de télétravail pour montrer que l’entreprise peut répondre aux différents besoins exprimés par ses collaborateurs.

On peut aussi y valoriser les engagements de l’entreprise au sens large sur des sujets de bien-être au travail, de RSE ou d’inclusion et de diversité.

Peut-on évoquer le sujet du handicap invisible en entretien quand on est recruteur ?

A.M : La difficulté, c’est qu’en tant que recruteur vous n’avez pas le droit de demander aux candidats s’ils sont en situation de handicap. Et rares sont ceux qui vont spontanément vous parler de leur handicap en entretien. Mais vous pouvez leur poser la question suivante : « Avez-vous besoin d’un aménagement particulier (de poste, horaire…) ? » Le candidat en situation de handicap comprendra le sens de la question, verra que vous êtes sensibilisé sur le sujet et sera plus à l’aise pour vous faire part de ses besoins. La clé est de montrer au candidat qu’il est dans un environnement bienveillant.

Comment on installe ce climat bienveillant ?

A.M : En mettant en avant que le bien-être au travail est un sujet important et que l’entreprise mène des actions concrètes, au-delà du handicap, sur les sujets RSE, d’inclusion et de diversité et de QVCT. On peut le mentionner sur les offres d’emploi et pendant les entretiens.

Cela se traduit aussi par des actes : une entreprise doit garantir l’accessibilité physique, bien sûr, mais aussi numérique à tous à ses espaces de travail. On envoie de plus en plus de vocaux, on fait des réunions en visio, autant d’interactions qui sont compliquées pour les personnes malentendantes, par exemple. On travaille aussi de plus en plus en open space, ce qui peut poser des problèmes de concentration accrus quand on souffre de certaines pathologies. Le flex office peut également poser problème à des personnes autistes, qui aiment avoir des repères. La question globale que l’employeur doit d’abord se poser est : quelle est la meilleure manière de travailler pour tous ? Puis, dans un deuxième temps, il verra avec telle ou telle personne si elle a besoin d’adaptations complémentaires.

Comment communiquer sur ce sujet en interne et en externe ?

A.M : Au-delà du processus de recrutement, il faut être inclusif sur tous les aspects de la vie de l’entreprise. Et communiquer sur ce que l’on a mis en place pour inclure tous les collaborateurs, pas seulement pendant la SEEPH (semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées) ! Avant de former, il faut sensibiliser tous les collaborateurs, les managers, les directeurs à la notion de handicap, au handicap invisible, à leurs conséquences dans la sphère professionnelle, aux droits dont disposent les personnes en situation de handicap.

Plein de supports existent : ateliers, groupes de parole, supports de communication, jeux, sport. Cela pourra éviter certaines maladresses commises par méconnaissance du sujet, comme la petite remarque sur le fait qu’une collaboratrice prenne l’ascenseur pour gravir un étage ou le fait de ne pas regarder dans les yeux un collègue malentendant mais de regarder son interprète.

Enfin, il faut former sur les bons gestes à avoir quand une personne en situation de handicap arrive dans une équipe, expliquer comment ne pas faire son « coming out » à sa place. Et proposer des formations certifiées, comme celle sur les premiers secours en santé mentale.

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Bien s’équiper pour bien recruter