« Génération CV », les tribulations d’un Bac+5 en recherche d’emploi
C’est une histoire vécue par beaucoup de jeunes depuis quelques années. Avec un Bac+5 en poche, on part en quête du saint Graal : le CDI. Mais les choses ne se passent pas du tout comme prévu. Les recherches s’éternisent et les échecs en entretiens se multiplient.
Cette histoire, c’est en partie celle de Jonathan Curiel. Diplômé d’une école de commerce, il part travailler deux ans à l’Onu, à New York, puis revient chercher du boulot en France. Les ennuis commencent. Cette histoire, c’est aussi celle de toute une génération, qu’on dit hyper-connectée, sauf peut-être avec le marché de l’emploi. C’est la « génération CV » prise dans la spirale du chômage.
Le chômage, cette « existence à l’envers »
Une histoire un peu romancée mais largement inspirée du vécu de chercheur d’emploi de l’auteur. Il y décrit ses errements de réseauteur amateur, ses entretiens cauchemardesques, ses espoirs d’embauche déçus… Et le chômage de longue durée, cette « existence à l’envers » qui fait perdre tous les repères jusqu’à préférer rester en peignoir et en charentaises toute la journée. Mais malgré le sujet grave, « Génération CV » est un livre drôle. Avec un humour féroce, Jonathan Curiel dissèque les codes de la recherche d’emploi et montre par le contre-exemple la voie à ne pas emprunter. Entretien avec un auteur au parcours atypique qui travaille désormais chez M6.
Comment est venue l’idée de faire un livre inspiré de votre recherche d’emploi ?
J’ai cherché du boulot pendant quelques mois et je prenais régulièrement des notes à la fin des entretiens d’embauche. Je me suis dit que de faire un livre juxtaposant ces entretiens de manière humoristique pouvait être intéressant et en même temps permettre de faire passer quelques messages…
Le principal message justement c’est de montrer à quel point c’est difficile pour les jeunes de trouver un premier emploi…
Oui, le livre résume un peu les situations-types que peuvent rencontrer les jeunes actifs entre 20 et 30 ans dans leur recherche d’emploi. Ils se heurtent toujours aux mêmes phrases : « vous n’avez pas d’expérience dans le secteur » alors que par définition avoir de l’expérience à 25 ans est très compliqué. Ou encore « il n’y a pas de liens entre vos différents stages », « que voulez-vous faire précisément ? », etc. On nous renvoie souvent à la figure le manque de cohérence dans notre projet professionnel alors qu’on aimerait tout simplement que le recrutement soit plus ouvert et moins cloisonné.
Le personnage de votre livre est victime de son parcours atypique, malgré ses diplômes et de bonnes références, le manque de logique dans son parcours complique sa recherche d’emploi… C’est le meilleur conseil qu’on pourrait donner à un jeune en quête d’un travail : essayer de se construire un projet et un parcours cohérent ?
Absolument même si les diplômes ont encore beaucoup de valeur, ce n’est pas une condition suffisante. Il faut également faire un lien entre ces expériences et ne pas forcément choisir ses études par envie ou plaisir. Le risque, quand on a des expériences très différentes, c’est de finir par payer l’addition à un moment et d’avoir de grandes difficultés à s’insérer durablement sur le marché du travail.
La toile de fond de votre livre c’est aussi la crise qui complique encore plus les choses pour les jeunes…
Aujourd’hui, un jeune de 35 ans a passé presque la moitié de son existence dans une période de crise. On entend parler sans arrêt de dette, de déficit, de coût du travail. A terme ça laisse des cicatrices. Et puis l’emploi des jeunes est plus sensible aux fluctuations économiques. Les derniers arrivés sont les premiers sortis.
Dans le livre vous décrivez la spirale du chômage avec comme dommage collatéral une vision dégradée du monde de l’entreprise et même de la société en général…
Oui car on arrive au début avec une démarche assez conquérante. Avec votre petit costume en entretien, vous pensez que ça va aller et qu’au bout d’un mois ou deux vous allez trouver un emploi. Ensuite, la situation s’enlise un peu, on a de moins en moins envie de faire des choses à force de recevoir des réponses négatives automatiques des services RH. On dépense aussi de l’énergie en multipliant sans fin les contacts qui pourraient nous aider. Et surtout, votre perception du temps et des autres change totalement. On finit par avoir tendance à rejeter le monde de l’entreprise qui ne veut pas nous accueillir… Au final ça génère du cynisme sur tout ce qui nous entoure, y compris nos proches et nos parents. Ce sont des situations difficiles.
La succession des étapes que vous décrivez dans le livre n’incite pas à l’optimisme. Pour les jeunes la seule solution c’est de poursuivre leurs études ou de partir à l’étranger ?
Les solutions existent pour se sortir du chômage. Il faut être patient, combatif, ne pas laisser tomber, essayez de donner envie en entretien pour séduire un recruteur. Il faut aussi être prêt à prendre un job qui nous intéresse moins pour ensuite faire ses preuves et évoluer professionnellement par d’autres biais. Ce qui compte surtout, c’est de ne pas être dans l’amateurisme dans la recherche d’emploi. C’est l’objet de ce livre qui se veut un peu un » anti-guide « , un listing des choses à ne pas faire.
« Génération CV » de Jonathan Curiel, Editions Fayard, 310 pages, 19 euros.