Le « conscious unbossing » ou le refus de devenir manager
Le mot RH de la semaine. Valérie Pinardon, Senior Manager au sein du cabinet Robert Walters, explique ce désintérêt des jeunes générations pour la fonction managériale.

« Le « conscious unbossing » consiste à délaisser volontairement le poste de manager. C’est un phénomène que l’on retrouve principalement chez les nouvelles générations. 52% de la génération Z ne veut pas être manager, selon notre étude Robert Walters*. Cette statistique reflète une autre conception des jeunes de la réussite professionnelle : le poste de manager est davantage perçu comme source de contraintes que comme une fonction valorisante. »
« Le management n’attire plus autant qu’auparavant, notamment parce que les collaborateurs estiment qu’on en attend beaucoup des managers et qu’on leur donne peu de reconnaissance en retour. Les jeunes générations associent également à ce poste à responsabilité une charge de travail et un niveau de stress importants. La période covid a changé la donne : la carrière professionnelle reste importante, mais doit s’inscrire dans un équilibre global de vie. Et le management n’est plus l’ultime issue lorsqu’on désire évoluer. »
« Tout le monde n’est pas fait pour être manager »
« Tout le monde n’est pas fait pour être manager. Un manager doit pouvoir identifier assez vite les personnes qu’on va pouvoir faire évoluer sur ces postes-là et proposer des alternatives à ceux auxquels on ne proposera pas de poste de manager. Comment ? En organisant des points réguliers avec ses collaborateurs pour connaître leurs attentes. Chez Robert Walters, chaque manager rencontre chaque membre de son équipe une fois par trimestre pour faire le point sur ses projets. Est-ce qu’il a envie d’évoluer, est-il bien là où il est ou éprouve-t-il des difficultés à se projeter dans l’entreprise à six mois ou un an ? Est-ce quelqu’un qui souhaite créer son entreprise, partir à l’étranger ? »
« J’ai à l’esprit l’exemple d’une commerciale qui briguait un poste de manager parce que c’était le schéma d’évolution classique chez Robert Walters. Or, on s’est aperçu en discutant avec elle qu’elle voulait garder cette forte dimension commerciale parce que c’était le terrain sur lequel elle était la plus à l’aise. On a donc plutôt fait évoluer son périmètre et son portefeuille, on lui a ajouté une personne pour l’épauler et lui permettre de développer son business. Elle a évolué en termes de compétences et travaille aujourd’hui en autonomie sans pour autant occuper une fonction d’encadrement. »
« On peut aussi orienter la personne vers d’autres services ou entités de l’entreprise. Dans ce cas, on lui conseille d’échanger avec des collègues d’autres services qui peuvent lui expliquer ce qu’ils font au quotidien. »
« On ne doit plus aller vers le management pour de mauvaises raisons : salaire, prestige social, récompense pour un travail bien fait… Car les risques de promouvoir une personne qui n’est pas faite pour encadrer une équipe sont :
- D’engendrer de mauvais résultats ;
- De générer une perte de motivation chez ce collaborateur ou cette collaboratrice ;
- De précipiter son départ de l’entreprise ;
- D’entraîner des départs au sein de son équipe si c’est un mauvais manager. »
Vers une personnalisation des parcours professionnels
« Pour répondre à ces nouvelles attentes, il faut redéfinir le rôle du manager, qui doit devenir un facilitateur, un coach. L’heure est à la personnalisation des parcours. L’entreprise doit mieux accompagner la transition vers le poste de manager en y allant étape par étape : confier des tâches supplémentaires au fur et à mesure, identifier des axes d’amélioration, éventuellement proposer des formations. Les managers ont aussi une part de responsabilité, ils doivent être exemplaires. Car si un collaborateur est déçu du comportement de son manager, je comprends qu’il n’ait pas envie de devenir manager à son tour ! C’est à nous de donner envie aux autres de prendre la relève. »
« Si on décèle des compétences managériales chez un collaborateur qui n’a pas confiance en lui, il faut y aller étape par étape. Dans un premier temps, on peut lui confier une personne à manager, puis deux. Lui confier de nouvelles tâches chaque trimestre, souligner les points positifs et pointer les axes d’amélioration, avant de lui proposer de prendre effectivement le poste. La pire erreur est de brusquer le collaborateur ; il doit se sentir prêt à y aller. Certains collègues de 28 ans n’ont pas envie d’accepter un poste de manager mais cela peut évoluer d’ici 5 ans ! »
*Etude parue en septembre 2024 et réalisée auprès de 3 600 jeunes actifs de moins de 30 ans.