Compte épargne-temps universel : qu’en pensent les DRH ?
Au-delà de diviser syndicats et patronat, le CETU, débattu dans le cadre des négociations sur le pacte de la vie au travail, ne fait pas consensus chez les DRH.
L’instauration d’un compte épargne-temps universel est l’une des mesures discutées dans le cadre des négociations en cours entre partenaires sociaux sur le pacte de la vie au travail. Le principe du dispositif ? Permettre à un salarié de conserver, tout au long de sa carrière, le stock de jours de repos non pris afin de le récupérer ensuite sous forme de congés ou de salaire. Ce compte serait géré par un dispositif tiers, tel que la Caisse des dépôts. Il entend résorber les inégalités d’accès au compte épargne-temps (CET) qui ne touche que 10 à 15% des salariés du privé, essentiellement dans les grandes entreprises.
Le patronat fermement opposé à la mesure
En réalité, cette proposition est une revendication ancienne de la CFDT, qui appelle, depuis 2014, à la mise en place d’une « banque du temps » pour permettre aux travailleurs « d’épargner du temps quand les réalités de sa vie le leur permettraient et d’en récupérer quand ils le voudraient ou en auraient besoin à des fins personnelles, familiales ou autres ». Idée récemment remise sur le devant de la scène par le gouvernement.
Pour l’heure, la mesure se heurte à l’opposition du patronat, qui craint notamment que ce dispositif ne désorganise le travail dans l’entreprise, si les collaborateurs décident d’utiliser à leur gré les jours de congés cumulés dans leur CETU, et qu’il ne soit trop coûteux. La proposition a d’ailleurs purement et simplement été évincée de l’avant-projet d’accord national interprofessionnel remis par les organisations patronales le 18 mars.
Une absence contestée par Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT : « Nous avions fait une proposition sur le premier étage du CETU, qui permet aux salariés volontaires de mettre du temps sur un compte externalisé, sans impact de gestion ni de surcoûts ou de lourdeurs administratives pour les entreprises. Les organisations patronales continuent d’objecter que ce sera compliqué à gérer, avec des coûts élevés. »
Le sujet divise les DRH
Comment les DRH se positionnent-ils au sein de ce débat dont l’issue est incertaine ? Les discussions autour de ce sujet lors des Rencontres RH, le 12 mars, témoignent d’un dissensus au sein de la profession, dont Le Monde se fait l’écho : « Selon qu’ils imaginent le compte épargne-temps universel au service des juniors ou de seniors, les DRH en ont deux visions assez opposées. »
Les premiers y voient un levier intéressant d’attractivité pour les jeunes générations, plus fréquemment demandeuses de breaks pour réaliser un projet personnel qui leur tient à cœur. Pour Solène Hebert, DRH d’Harmonie Mutuelle, le dispositif trouverait sa place dans une logique « d’individualisation du package » souhaité par des salariés « considérant que le temps leur appartient ».
De son côté, l’ANDRH s’était dite plutôt favorable à ce dispositif pour peu qu’il « demeure lisible et respectueux de la liberté des salariés et des entreprises », avançait Benoît Serre, fin 2023, dans une interview Info Social RH : « Il pourrait permettre d’aménager les fins de carrière, voire de partir plus tôt à la retraite pour un salarié qui aurait exercé un emploi particulièrement usant. »
A l’inverse, d’autres voix s’élèvent pour alerter sur le risque que fait peser sur la santé la fait de ne pas prendre ses congés pour les stocker sur le long terme. Enfin, certains s’interrogent sur le caractère prioritaire du sujet par rapport à d’autres : « J’interviens dans des entreprises où il n’existe pas de compte épargne-temps par ce que leur sujet, c’est le pouvoir d’achat et l’immédiateté plus que le différé », souligne Christophe Le Bars, DRH à temps partagé en PME et ETI.
Le sujet pourrait donc être sorti de l’accord national interprofessionnel et faire l’objet de discussions ultérieures. En tout cas, il ne figure pas dans la liste des dix propositions formulées, le 19 mars, par l’intersyndicale en réaction à l’avant-projet envoyé par le patronat.