Chômage longue durée #2 : la perte de confiance, passage obligé ?

« Très peu de recruteurs comprennent que l’on puisse mettre autant de temps à retrouver un emploi » explique un demandeur d’emploi. Pourtant chercher un poste demande un investissement important, qui n’apporte ni rémunération ni reconnaissance… Lorsque le temps passe et que les échecs se succèdent, il devient difficile pour les demandeurs d’emploi de rester motivés. Au-delà d’une baisse de confiance en eux, ils doivent également affronter le regard des autres.
A travers 4 billets diffusés cet été sur Mode(s) d’Emploi, plusieurs chercheurs d’emploi nous font part de leur(s) expérience(s), présente(s) ou passée(s) et nous livrent leur ressenti et leurs conseils…

« Chacun réagit à sa manière » explique Sylvaine Pascual, Coach en relations humaines et reconversion professionnelle. « En revanche il y a tout de même des tendances qui s’amplifient à mesure que la durée du chômage s’allonge, comme le découragement ou la dévalorisation. » Effectivement, passée l’étape des recherches dans leur secteur d’activité, le besoin de retravailler se fait pressant. Aussi, beaucoup de demandeurs se rabattent sur d’autres offres d’emploi qui n’ont parfois rien à voir avec ce qu’ils souhaitaient faire.

Quand la perte de confiance s’installe

S’ils permettent de souffler financièrement, les petits boulots ne sont pas forcément faciles à vivre. Sylvain, 33 ans, ancien responsable marketing, a été au chômage pendant 2 ans entre août 2006 et septembre 2008 avant de se reconvertir comme jardinier paysagiste. « J’allais de désillusions en désillusions, tout en vivotant grâce à l’intérim » explique-t-il. « J’ai bossé à la chaîne dans des abattoirs, mis des huîtres en bourriches, fait des inventaires… »
Le parcours vers le découragement est insidieux comme en témoigne Chloé, 29 ans, graphiste de formation aujourd’hui retoucheuse photo, qui a expérimenté le chômage pendant un an et demi. « Au début cela allait, puis assez vite je suis tombée dans une phase de déprime, car je ne trouvais rien. Peu à peu, j’ai perdu confiance en moi car je n’avais aucun retour sur les multiples CV envoyés malgré les relances et les rendez-vous. Il y a aussi le regard des gens : je ne pensais pas que c’était aussi mal vu de ne pas avoir de travail. »
C’est un cercle vicieux : « à répondre à tout et n’importe quoi dans l’urgence et le besoin, on devient une machine à perdre » analyse Sylvain avec le recul. « On finit par se dévaloriser, se demander si on faisait bien son travail, se sentir inutile… » ajoute Julie, 30 ans, chargée de recrutement en recherche d’emploi depuis septembre 2011.

Gérer la réaction de l’entourage

Pourtant bienveillants, famille, amis et connaissances ne peuvent pas toujours comprendre la situation. « On sous-estime énormément la solitude du chercheur d’emploi vis-à-vis de son entourage qui ne mesure pas toujours ce que la personne traverse émotionnellement, surtout s’il n’a jamais été lui-même en situation de chômage » explique Sylvaine Pascual.
Médiatisé grâce à son CV qu’il avait affiché en 4×3 dans une rue de Nantes, Bernard Mauriange, 56 ans, est aujourd’hui Directeur Commercial. Un poste qu’il a trouvé après dix mois de chômage de 2009 à 2010. « Comme beaucoup dans ce cas, j’ai eu des moments de solitude, d’espoir et de désespoir » explique-t-il. « Mais le plus dur pour moi fut le regard des autres et le fait de ne plus rien représenter professionnellement. » Sylvain, lui, va même jusqu’à évoquer un « sentiment de culpabilité et d’impuissance » vis-à-vis de sa famille…

Face aux questions, on peut même parfois réagir avec agressivité. « Même en temps de crise, très peu comprennent que l’on puisse mettre autant de temps à retrouver un emploi » explique Pierre, 31 ans, Chargé de recrutement & de mission RH, en recherche d’emploi depuis un an. Pour éviter de se renfermer et apprendre à gérer la situation sans perdre son calme à chaque réflexion, il existe des techniques rappelle la coach Sylvaine Pascual : « il faut fixer des limites, exprimer d’emblée ce dont on a envie de parler et ce dont on n’a pas envie de parler ».

Quelle place dans la société ?

« Coté personnel s’installe peu à peu le sentiment d’être en marge de la société, de ne pas être « utile » » ajoute Pierre. « C’est d’autant plus frustrant lorsque l’on voit les gens de son entourage avancer » selon lui.
Selon Sylvaine Pascual, au-delà du regard des proches parfois difficile à supporter, il y a également une certaine amertume face à l’image que la société renvoie des chômeurs, du fait de la déconsidération générale dont ils font l’objet et des propos de l’ancien gouvernement tenus à ce sujet. Au lendemain du 1er tour des Présidentielles, l’ancien Président de la République annonçait vouloir faire du 1er mai la fête du « vrai travail », pour « ceux qui travaillent dur, qui sont exposés et qui ne veulent plus que, quand on ne travaille pas, on puisse gagner plus ».
Une stigmatisation indirecte des chômeurs déjà apparentés à des assistés dans l’une de ses déclarations en février 2012. Tous ces propos ont marqué plus d’un demandeur d’emploi comme Julie : « C’est comme si nous étions des pestiférés, comme si tous les chômeurs abusaient du système ! Mais le système ne peut rien pour nous et ne fait rien pour nous ! ».

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(Photo : istockphotos by Getty / mavoimages)

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