Directive européenne sur la transparence salariale : ce que les entreprises françaises doivent savoir

Pour HelloWorkplace, Géric Clomes, avocat au sein du département Droit social de Linklaters, décrypte cette directive adoptée par le Parlement européen le 30 mars. Il livre ses conseils aux entreprises pour se mettre en conformité.

directive européenne salaires
En France, contrairement aux pays anglosaxons, nous cultivons un certain secret autour de la rémunération © Grecaus Paul - stock.adobe.com

Selon l’OCDE, les femmes européennes gagnent 13% de moins que leurs homologues masculins. Pour lutter contre cet écart, le Parlement européen a adopté, ce jeudi 30 mars, des mesures de transparence salariale qui permettraient de mieux faire respecter le droit à l’égalité salariale, inscrit dans les traités de l’Union Européenne. « Cette directive doit encore être adoptée par le Conseil puis être publiée au Journal officiel. Les Etats membres auront trois ans pour transposer la directive dans le droit national, ce qui nous amène à l’aube de 2027. Cela peut paraître lointain mais la réduction des écarts de rémunération prend du temps », prévient Maître Clomes. Pour s’y préparer, voici ce qu’il faut savoir.

« Un changement de culture »

À ce jour, le cadre législatif sur la transparence est quasi inexistant. Les seules informations transmises pour évaluer les écarts de rémunération sont celles de la Base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) pour les entreprises de plus de 50 salariés. Mais elles sont uniquement à destination des élus du personnel et la réglementation n’autorise pas ces derniers à partager ces informations. De même pour l’Index sur l’égalité hommes-femmes qui ne s’accompagne pas de la publication de données précises sur les rémunérations.

Selon Géric Clomes, cette directive est « un changement de culture. En France, contrairement aux pays anglosaxons, nous cultivons un certain secret autour de la rémunération. La jurisprudence considère même que les salariés ont une obligation de réserve vis-à-vis des informations dont ils disposent dans le cadre de leur travail, notamment sur leur salaire et il n’est pas rare qu’une clause de confidentialité empêche toute communication en matière d’avantages salariaux »

Donner une fourchette salariale aux candidats

Ce sera désormais une obligation : chaque demandeur d’emploi européen devra avoir des informations sur la fourchette salariale du poste auquel il postule. Deux cas de figure :

  • la fourchette sera indiquée sur la fiche de poste
  • elle sera communiquée au candidat avant son premier entretien

« En parallèle, les employeurs n’auront plus le droit d’interroger les candidats sur leur niveau de rémunération antérieur, ce afin de ne pas influencer les propositions salariales et de perpétuer une inégalité », ajoute Géric Clomes.

Établir et donner les critères d’augmentation aux salariés

Chaque entreprise devra détailler à ses collaborateurs la façon dont elle définit les salaires et les augmentations (performance individuelle, ancienneté, etc.), le tout sans aucun critère de genre.

Les salariés pourront obtenir des informations sur les rémunérations

« Les employées et leurs représentants auront le droit de demander à l’employeur des informations claires et complètes sur les niveaux de rémunération individuels et moyens, ventilés par genres. Les entreprises auront l’obligation de rappeler chaque année aux salariés qu’ils ont le droit de faire cette demande », détaille Géric Clomes. Toutes les entreprises, peu importe leur taille, seront concernées.

Communiquer publiquement sur l’écart de rémunération entre les sexes

Les entreprises de plus de 250 salariés devront déclarer chaque année l’écart de rémunération entre les genres. Cette déclaration obligatoire ne se fera que tous les trois ans pour les entreprises de 150 à 249 salariés. Les entreprises de 100 salariés minimum devraient, d’ici cinq ans, également être concernées par cette déclaration tous les trois ans. Chaque déclaration se fera sur le site internet de l’entreprise ou auprès des autorités. « C’est la loi de transposition qui tranchera, commente Géric Clomes. Reste à savoir comment le droit français articulera cela avec l’Index dont la préparation est déjà chronophage pour les entreprises. Car, dans la directive, l’enjeu est différent : on ne calcule pas un score sur 100 points mais un écart en pourcentage, ce qui est beaucoup plus concret. »

Corrections et sanctions en cas d’écarts

Si l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes constaté dépasse les 5% sans justification, une communication sur le sujet et des solutions pour la correction des inégalités salariales devront être négociées avec les représentants du personnel.

Vers plus de contentieux ?

Selon Géric Clomes, « la directive risque d’augmenter les contentieux en discrimination salariale ou liés au sexe si les entreprises ne se mettent pas en conformité. Car le droit des salariés est accru avec notamment un renversement de la charge de preuve : quand un salarié s’estimera victime d’une discrimination salariale, ce sera à l’employeur de prouver qu’il n’y a pas de discrimination. Il y aura également plus de possibilités d’action judiciaire, avec, par exemple, la possibilité pour les syndicats d’agir collectivement au nom de salariés discriminés ou encore le fait que les frais de justice de salariés qui perdraient leur action en discrimination ne resteront pas à leur charge sauf si la réclamation a été introduite de mauvaise foi ou est fantaisiste. Autant d’éléments qui profitent aux salariés pour faire valoir leurs droits, y compris par voie contentieuse. En plus de cela, la discrimination intersectionnelle et les droits des personnes non binaires ont été inclus dans le champ d’application des nouvelles règles »

La discrimination positive, un outil pour accélérer la mise en conformité

Combler l’écart entre les rémunérations ne se fait pas en un claquement de doigt. Pour accélérer la mise en conformité de l’entreprise avec la future directive, Maître Clomes cite la discrimination positive : « La mise en place de certaines mesures de discrimination positive visant à établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes est possible en France sous certaines conditions, notamment dans le cadre du plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à condition que ces mesures soient mis en place de manière temporaire. Les entreprises désireuses de rattraper leur retard en matière d’égalité peuvent ainsi favoriser l’évolution de carrière des femmes de façon disproportionnée et de manière temporaire pour permettre un rééquilibrage entre les sexes en entreprise, non sans risques que certains salariés de sexe masculin crient à l’exclusion. » 

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