Entreprises : comment accompagner vos collaborateurs partis travailler à l’étranger

Certains salariés ont décidé de mettre les voiles vers un autre pays, tout en continuant de travailler pour le même employeur. Comment les accompagner dans cette nouvelle vie ?

L'équipe parisienne de Digitevent.
L'équipe parisienne de Digitevent. © Digitevent

La crise sanitaire a parfois fait germer ou confirmé des envies d’évasion chez vos collaborateurs. Au point que certains ont décidé de franchir le pas et de partir travailler depuis l’étranger, tout en restant dans la même entreprise. Comment préparer ce départ et accompagner au mieux votre salarié expatrié ?

Co-fondateur de Digitevent, une suite logicielle permettant aux organisateurs d’événements de gérer leur communication (inscriptions, invitations, contrôle d’accès…), Jonathan Astruc a été confronté à ce cas de figure. Quatre de ses 24 collaborateurs travaillent aujourd’hui depuis Sao Paulo, au Brésil.

« De nombreux salariés ont mal vécu le confinement, une certaine morosité s’est installée, notamment chez les jeunes, qui forment le gros de nos équipes. Ils avaient l’impression de ne faire que travailler et ont eu besoin de se lancer dans de nouvelles aventures. Partir à l’étranger fait partie des chemins envisageables, surtout si l’entreprise appuie ce choix », assure le chef d’entreprise.

Après un premier collaborateur parti au Brésil en 2017, trois autres membres des équipes commerciales et techniques lui ont emboîté le pas au cours de la pandémie et l’entreprise a également recruté des Brésiliens sur place. « Le confinement a prouvé aux employeurs que les équipes étaient aussi efficaces en télétravail qu’au bureau. Cette expérience a permis de se projeter sur des postes à distance, y compris à l’étranger », estime Jonathan Astruc.

Quels intérêts de répondre favorablement à une demande de mobilité à l’étranger ?

S’il n’avait pas songé à cette possibilité avant que ses collaborateurs ne lui en fassent la demande, le co-fondateur de Digitevent voit aujourd’hui de nombreux avantages à accepter cette mobilité géographique.

Et d’abord l’accès à de nouveaux marchés : « Je n’envisageais pas de développer mon activité en Amérique latine, mais le premier départ m’a poussé à faire une étude de marché sur le Brésil et, in fine, à mettre en place un nouvel axe de développement. »

Autre intérêt d’accéder à cette demande : fidéliser un talent que l’on a formé et qui est en adéquation avec la vision et la stratégie de l’entreprise : « Quand notre directeur commercial m’a fait part de son souhait de mobilité, en 2017, il générait à lui seul près de 30 % de notre chiffre d’affaires. Il était un élément-clé et nous ne voulions pas qu’il quitte l’entreprise. Il avait envie de rejoindre le Brésil, d’où sa femme est originaire, et de développer notre projet là-bas, nous l’avons donc accompagné et nous avons investi un local là-bas. »

Cette implantation à l’étranger est également gagnante du point de vue de l’optimisation fiscale car elle permet de bénéficier de certains types de contrat, comme des dispositifs de VIE (Volontariat International en Entreprise) défiscalisés, de subventions de la Banque publique d’investissement (BPI) ou d’assurances export.

Comment préparer le départ de son collaborateur pour un autre pays ?

Si l’un de vos collaborateurs s’ouvre à vous de son souhait de travailler à l’international, comment réagir ?

« Mon premier conseil est de se montrer ouvert d’esprit et de tâcher de comprendre les motivations du collaborateur : a-t-il envie de partir pour s’échapper ou pour poursuivre la collaboration avec l’entreprise ? » avance Jonathan Astruc.

« La culture d’un pays est très difficile à appréhender quand on n’est pas sur place. On a donc mis en place une phase d’acclimatation de trois ou quatre mois pour que notre collaborateur s’imprègne au maximum de la culture locale. »

Dans un second temps, l’employeur doit vérifier la faisabilité du projet : « Est-ce que toutes les missions de ce salarié peuvent être effectuées à distance ? Est-ce que la personne est formée pour mener à bien ces tâches ? Est-ce qu’elle est suffisamment imprégnée par notre culture d’entreprise ? Est-ce que le collaborateur maîtrise suffisamment la langue du pays d’accueil ? Est-ce que le décalage horaire aura une influence néfaste sur les interactions entre collaborateurs ou entre un salarié et un client ou un fournisseur ? Est-ce que le salarié disposera sur place de tout l’équipement nécessaire (matériel, connexion internet, réseau téléphonique…) ? »

Pour obtenir des renseignements sur le marché local, sur les démarches d’obtention de visa, sur le niveau de vie du pays, en amont du déménagement du collaborateur, Jonathan Astruc conseille également de faire appel à des sociétés spécialisées dans l’internationalisation d’entreprises françaises, qui sont d’une précieuse aide.

« La culture d’un pays est très difficile à appréhender quand on n’est pas sur place. On a donc mis en place une phase d’acclimatation de trois ou quatre mois pour que notre collaborateur s’imprègne au maximum de la culture locale, en participant à des événements, à des afterworks, en rencontrant des Français expatriés… L’idée étant qu’il nous fasse remonter les différences culturelles, ce qui nous a permis d’adapter notre façon de travailler, notre offre et la manière dont on se présentait aux clients. Par exemple, au Brésil, les rendez-vous physiques ont plus d’importance qu’en France, donc on a dû intégrer le fait que nos commerciaux devraient prendre des Uber tous les jours pour aller rencontrer nos clients. »

Enfin, le chef d’entreprise préconise d’anticiper au maximum les prises de contact afin que le collaborateur expatrié ait des points de repères humains dès son arrivée. « On a recruté un Brésilien trois mois avant le départ de notre premier collaborateur. Son objectif était de nous faire entrer dans ses réseaux pour que, lorsque notre directeur commercial arrive sur place, il puisse aller dîner chez des gens, participer à des événements… »

L'équipe organise régulièrement des réunions en visioconférence avec ses collaborateurs installés au Brésil.
© Digitevent

Comment travailler au quotidien avec ses collaborateurs partis à l’étranger ?

D’un point de vue managérial, animer au quotidien une équipe dont les membres se situent à des milliers de kilomètres les uns des autres est une gageure. « Ce qui nous aide le plus, c’est d’organiser des points réguliers à distance entre les différents départements pour entretenir un lien entre des personnes qui ne sont pas habituellement en contact. Cela permet aussi aux collaborateurs brésiliens d’avoir un impact sur ce qui se passe en France, de donner leur avis, avec un regard extérieur. Aujourd’hui, certains collaborateurs assistent au Brésil à des conférences et nous en font des comptes-rendus synthétiques qui nous permettent de faire évoluer nos méthodes, en France. »

Tout comme pour les salariés un télétravail, l’entreprise a mis en place des rendez-vous récurrents avec le manager des collaborateurs expatriés pour réagir au plus vite en cas de blocages. « Le pilotage de la performance à distance était une vraie difficulté, c’est pourquoi nous avons mis en place une méthode permettant au collaborateur de s’auto-contrôler. On a mis à sa disposition des tableaux de bord permettant de voir l’évolution d’indicateurs-clés (KPI) dans le temps : nombre de tâches à effectuer, nombre de contacts avec de nouveaux clients pour les commerciaux, nombre de fonctionnalités développées pour les développeurs… Cela les responsabilise et rassure les chefs d’équipe. »

L’entreprise a également fait appel à des prestataires pour organiser des sessions de team building à distance. « Mais l’idéal serait de réunir une fois par an tous nos collaborateurs autour d’un événement ludique et professionnel qui marque les esprits. Il y a quatre ans, nous avions organisé un séminaire au ski et on m’en parle encore ! »

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Bien s’équiper pour bien recruter