10 mois à San Francisco : retour d’expérience
Suite et fin des aventures de Clémence, notre jobtrotteuse installée à San Francisco. Cette jeune étudiante de Sciences Po Rennes revient sur son expérience en Californie. Comme elle l’explique, « voyager, c’est changer, conquérir un autre monde et se créer un nouveau soi-même »
C’est la vie que j’ai rencontrée
Conclusion d’une année aussi haute en couleur que le drapeau gay qui décorait les rues de mon quartier. Faire ses valises pour un an, en sachant qu’on laisse derrière soi à peu près « tout ce que l’on a construit en une vie », je vais être honnête, fait peur. On essaie de se dire que c’est pour le meilleur mais lorsque l’on déboule dans une nouvelle vi(ll)e où tout reste à faire, le bercail, sa douceur de vivre et ses facilités, viennent à manquer.
J’ai adoré travailler au fin fond du plus grand parc de la ville et croiser des colibris sur le chemin du boulot, vivre un printemps perpétuelle s’étalant sur neuf mois, manger des noix de cajous et des cranberries au gouter, des tacos au diner. Le goût du vin californien, du soleil et de l’attente en terrasse, des oeufs pochées qui suivent peu après, des palmiers au coin de la rue, d’une sieste dans l’herbe au beau milieu d’une horde de hippies-danseurs-de-hoolahoop, le goût d’une vie sans attaches et donc sans craintes. Néanmoins et plus que tout, c’est « la vie » que j’ai rencontrée à San Francisco que je retiens aujourd’hui, celle qui irradiait des gens, celle qui englobait cette ville magique, celle qui transformait et continue de transformer les étrangers qui y posent un pied, voire deux. Cela n’a pas été mon cas, je savais par avance qu’une part de moi seulement s’installerait à SF et c’était bien comme cela, car c’est aussi la perspective de repartir qui donne à toute exil provisoire la saveur de la liberté et confère à ce genre d’expérience des perspectives paradoxalement illimitées.
Road-trip, gangs et couchers de soleil
Bien sûr, je me sens changée : j’ai écumé les galères de logement, me suis faite arnaquée par un propriétaire malhonnête, ai essuyé les plâtres en terme de mauvaises surprises, travaillé des jours et jours sans être jamais rémunérée, me suis faite attaquée par un sans-abris et volée par une junky. Mais c’est aussi moi qui ai parlé avec ces mêmes sans-abris et appris qu’à San Francisco, ils étaient mieux qu’ailleurs, qui ai compris qu’ici les gens sont assez ouverts d’esprit pour cohabiter avec chacun, quel que soit son toit, sa couleur de peau, son sexe, son genre ou son (étrange) accoutrement. C’est encore moi qui me suis déguisée à n’importe quel occasion pour me mêler à cette foule incroyablement colorée, qui ai vécu avec une américaine pur jus de 60 ans et est devenue son amie, qui ai dansé au milieu d’une piste de danse sur du Beyoncé dans le club gay, là, au coin de la rue.
J’aimerais me souvenir avant tout de l’énergie et de l’optimisme que ces presque 300 jours ont ancrés en moi. Parce que je me suis sentie déracinée, je me sens maintenant heureuse. Pour cela, cette expérience, ce stage, ce départ et aussi ce retour ont été jusque-là les meilleures choses qui pouvaient m’arriver, et pour absolument rien au monde, je ne troquerai les larmes et les éclats de rire qui ont ponctués cette incroyable année américaine, cette année montagnes-russes, aux creux et aux sommets des 42 collines de San Francisco.