Entreprise agile : « L’incertitude est probablement moins anxiogène pour nous que pour une entreprise plus traditionnelle »

Dans son livre « Devenir une entreprise agile », Ludovic Cinquin revient sur les leçons de 20 ans de transformation chez Octo.

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Il y a un trait commun qu’on retrouve à peu près dans toutes les entreprises qui font cette démarche d'agilité, c’est un travail sur le sens, sur l’autonomie, la transparence, le droit à l’erreur et sur le feed-back rapide © Visual Generation - stock.adobe.com

Le concept d’agilité en entreprise semble parfois galvaudé, mal compris ou utilisé à tort pour décrire toute une structure quand ces outils et méthodes ne sont utilisés que de manière très parcellaire. Ludovic Cinquin nous a donné envie de refaire un tour d’horizon du sujet, avec l’éclairage de sa propre expérience au sein d’Octo.

C’est quoi une entreprise agile ?

Une entreprise capable de mobiliser son intelligence collective pour fonctionner avec une économie de moyens, tout en permettant le développement de ses membres. C’est l’extension au contexte de l’entreprise de méthodes qui ont été conçues initialement pour des projets informatiques. Ce que je trouve vraiment fascinant dans la mise en œuvre, c’est ce point en particulier : l’économie de moyens et d’énergie. On ne perd pas son temps à des choses inutiles ou hypothétiques. On ne crée pas pour dans 10 ans, parce qu’on ne sait pas ce qui se passera dans 10 ans. D’où le succès de l’approche agile, notamment dans le contexte actuel. Ma conviction, c’est que le virus nous a rappelé qu’on vit dans un monde hyper incertain. En 2020, à titre professionnel comme privé, on a passé notre temps à mettre nos plans à la poubelle…

Les entreprises françaises sont-elles agiles ?

Il y a un trait commun qu’on retrouve à peu près dans toutes les entreprises qui font cette démarche d’agilité, c’est un travail sur le sens, sur l’autonomie, la transparence, le droit à l’erreur et sur le feed-back rapide. Parmi ces piliers, le plus compliqué pour les entreprises françaises, c’est le droit à l’erreur. Pourtant, si on veut s’adapter rapidement, il faut tester des choses et prendre le risque de se planter, mais dans notre culture héritée de l’école, l’erreur n’est pas valorisée et c’est une différence assez notable avec la culture anglosaxonne. Les entreprises françaises ont un petit enjeu là-dessus !

Comment sortir l’agilité des seules équipes informatiques vers le reste de l’entreprise ?

Chez Octo, c’est ce qu’on a vécu. Au départ, l’agilité était plutôt ancrée dans les équipes de consultants et chefs de projet, mais petit à petit, ça a contaminé le reste de l’entreprise. Aujourd’hui, je trouve ça fantastique de voir nos équipes RH ou finance utiliser des Kanban ou faire des rétrospectives ! De toute façon, on ne nait pas agile : quand on veut aller vers ce type de démarche, il y a forcément un chemin. C’est une évolution normale que les différentes composantes de l’entreprise n’avancent pas à la même vitesse, ce serait presque une erreur de vouloir que tout fonctionne sur un même modèle, au moins dans un premier temps.

Une des choses qu’on a bien réussies chez Octo, c’est de laisser une certaine liberté aux gens sur le rythme d’adoption de ce type de démarche. Je vois beaucoup d’entreprises qui essaient d’avancer à marche forcée… mais la marche forcée, c’est compliqué, c’est difficile de s’engager corps et âme dans une marche forcée !

Comment les entreprises agiles ont-elles pu tirer leur épingle du jeu dans le contexte de crise de ces derniers mois ?

L’agilité a été un outil et un atout déterminant pour Octo. Mais il faut rappeler qu’on a la chance de bosser dans le digital, un domaine relativement peu touché par la crise, et qu’Octo a bénéficié d’une faible exposition aux grands donneurs d’ordre les plus touchés. C’est déjà une chance de ne pas avoir passé les trois premiers mois de la crise à compter le moindre euro pour savoir si on allait survivre ou pas !

L’agilité, globalement, ça nous a permis de basculer dans d’autres façons de travailler du jour au lendemain : tout le monde était déjà équipé d’ordinateurs portables et de téléphones, même dans les fonctions support, le passage au télétravail n’a été un sujet pour personne. On a géré les autres équipements (chaise, souris…) à moyen terme, mais on n’a pas eu de rupture de notre activité liée au Covid. Et ce que j’ai trouvé admirable, c’est que très vite, il y a eu de nombreuses initiatives pour réinventer nos façons de travailler, les salariés ont fait preuve de beaucoup de créativité et de beaucoup d’entraide pour garder le lien à distance et continuer à faire équipe. Un vrai challenge !

L’agilité nous a aussi aidés dans les interactions avec nos clients. On a, par exemple, vendu une mission à un client pour qui la situation était très compliquée avec le Covid : il a voulu travailler avec nous parce qu’on a pu le rassurer sur le fait que nos méthodes de travail étaient résilientes et qu’on avait pu inventer de nouvelles façons de collaborer qui nous permettaient de répondre à son besoin. L’agilité apprend aussi à évoluer dans l’incertitude ! L’incertitude est probablement moins anxiogène pour nous que pour une entreprise plus traditionnelle.

Ceci dit, il ne faut pas négliger la dimension humaine, la crise sanitaire a été extrêmement difficile pour des individus. L’entreprise s’en est bien sortie, mais les individus ont souffert. L’agilité n’est pas la réponse à tous les maux !

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