Pourquoi vouloir faire du 1er mai la fête du « vrai travail » ?

Huge protest on the streetLancé en 1886 par les mouvements ouvriers américains, le 1er mai est devenu officiellement, en France, le jour de la fête du Travail sous le régime de Vichy. Aujourd’hui, le 1er mai fait à nouveau l’objet d’enjeux politiques. La « valeur travail » vantée sous Pétain revient ainsi en force mais cette fois sous l’appellation obscure de « vrai travail ». Si le but est évidemment électoral, il n’est pas certain que cette notion fasse vraiment le jeu de la droite, analyse le sociologue François Sarfati, spécialiste du travail et de l’emploi des jeunes. L’auteur de l’article consacré au Premier Mai dans le Dictionnaire du travail revient sur la récupération du 1er mai par les hommes politiques et fournit son point de vue sur le sens du « vrai travail ».

Comment expliquer que le président sortant s’empare du 1er mai à des fins électorales ?
Historiquement, le 1er mai est une journée d’action dans le monde des travailleurs pour exprimer des revendications. C’est un jour de lutte. Ce n’est donc pas un moment qui appartient au pouvoir mais au mouvement social. En revanche, le 1er mai a toujours été une journée politique au sens où les travailleurs expriment des revendications qui touchent au travail en premier lieu et plus largement à la répartition des richesses au sein de la société. Les premières revendications ont porté sur la journée de 8 heures de travail. Il s’agissait de reconnaître le droit à tout à chacun à huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures de loisir. Historiquement il y a toujours eu des débats pour savoir si l’amélioration des conditions de travail et de vie passait par la fin du système capitaliste. Il ne s’agissait donc pas de fêter le travail en soi mais d’améliorer le sort fait aux travailleurs. Ce n’est d’ailleurs que sous le régime de Vichy que le 1er mai est devenu officiellement la fête du travail. A ce moment-là on a donc assisté à une récupération du 1er mai par le pouvoir en place. En 2002, les manifestations étaient également particulièrement politisées et loin des revendications liées au travail puisque les gens se sont réunis pour dire non à Jean-Marie Le Pen alors au second tour des présidentielles. Au fil du temps, dans le monde entier, on a vu que le 1er mai était l’occasion de développer d’autres messages que les conditions des travailleurs comme la lutte pour l’emploi, la libération des peuples, la diffusion de messages de paix, etc.

Est-ce que ces nouveaux messages ne sont pas aussi liés aux crises successives que l’on a connues et au chômage de masse ?
C’est vrai que depuis un certain nombre d’années, on met moins en avant le travail que l’emploi. On insiste sur la nécessité que tout le monde accède à l’emploi. Bien souvent au détriment du contenu du travail et des conditions de travail. Aujourd’hui, les discours de tous bords sont clairement orientés vers la crise et le plus important serait alors que les gens travaillent sans même que l’on se préoccupe de la manière dont ils travaillent. Dans ce contexte, le 1er mai reste une journée d’actions qui permet d’exprimer des revendications. Tous les ans, les cortèges sont relativement importants et cette journée permet aussi de voir l’état du rapport de force.

Aujourd’hui, le candidat sortant parle de « vrai travail », c’est assez énigmatique…
Effectivement, on a le sentiment qu’il y a un déficit de pensée derrière cette notion. Malgré tout, c’est une façon d’opposer ceux qui d’un côté travailleraient pour « de vrai », ceux qui se lèvent tôt, et les autres, ceux qui vivraient d’aides sociales en tous genres. Autant en 2007, l’actuel président de la République s’appuyait sur des mesures politiques, comme la défiscalisation des heures supplémentaires pour encourager le « travailler plus pour gagner plus », autant là on a un discours sur la valeur travail qui sonne comme une pure incantation. Sans aucune mesure proposée. Force est de constater que la mesure sur les heures complémentaires a été un échec. Dorénavant, le candidat-Président ne met plus en avant que la valeur travail, sans proposer de réelle mesure.

Pensez-vous qu’il y aura mardi prochain un mouvement défendant le « vrai travail » ?
Ce n’est pas impossible que l’UMP arrive à rassembler un certain nombre de ses militants, comme à la Concorde il y a quelques jours. Mais, d’une part la droite traditionnelle descend rarement dans la rue, d’autre part chaque 1er mai il y a déjà trois cortèges qui battent le pavé. Sera-t-il possible de laisser marcher un quatrième cortège dans les rues de Paris ? Par ailleurs ce rassemblement peut apparaître comme un pari politique risqué. Si le mouvement de la droite rassemble quelques milliers de sympathisants face à des cortèges syndicaux de plusieurs centaines de milliers de personnes et plus, le coup de pub ne sera pas forcément gagnant.

Dictionnaire du travail, publié aux Presses Universitaires de France, 860 p.

Bien s’équiper pour bien recruter