Ouvrir une chambre d’hôtes, bon plan ou galère ?
Depuis quelques années les chambres d’hôtes fleurissent en France. Ce mode d’hébergement chez l’habitant séduit les touristes et c’est aussi une source d’activité pour des personnes qui ont envie de travailler différemment. Mais avant de se lancer dans ce genre d’aventure, il faut élaborer un projet qui tient la route. Voici quelques conseils et témoignages de propriétaires qui ont décidé d’ouvrir leurs portes pour créer leur activité, à domicile.
Un « syndrome de la chambre d’hôtes » ?
En 20 ans, le nombre de chambres d’hôtes en France est passé de 4700 à plus de 37.000. Et chaque année, 2500 personnes se lancent dans la création ces hébergements limités à 5 chambres. Presque une épidémie, à tel point que certains sociologues n’hésitent pas à parler de « syndrome de la chambre d’hôtes ». Cette envie de réalisation professionnelle séduit beaucoup de citadins, tentés par un « retour à la terre » et à l’authenticité. Un changement de vie, une aspiration qui touche souvent les 30-50 ans, lassés de la vie professionnelle classique et de son rythme épuisant. Pour s’épanouir et partager leur quotidien avec des inconnus, ils sont prêts à « gagner moins pour vivre mieux ».
Deux profils-types aux attentes différentes

Mais il existe aussi une nouvelle génération, plus jeune, qui est également attirée par l’ouverture d’une chambre d’hôtes. « L’autre profil c’est celui des quarantenaires. Des gens qui ont eu une très bonne carrière professionnelle, des cadres supérieurs qui en ont assez du stress et de leur employeur. Ils décident d’un seul coup de revenir à des valeurs plus fondamentales comme la qualité de vie plutôt que la course à tout prix » ajoute Florence Pinsard. « Ils veulent souvent mettre leur passion – comme le jardin ou la cuisine – au premier plan de leur vie, et cherchent avant tout un épanouissement. Ils désirent retrouver un sens à leur vie en ne mettant plus l’argent au premier plan ».
Pour ces cadres, le changement financier est parfois radical avec une perte de revenus de l’ordre de 50%. Car si le bonheur est dans le pré, on ne fait pas fortune en ouvrant une chambre d’hôtes. Mais ce n’est pas le but !
Valoriser son patrimoine en vue de la retraite
Ceux qui sont les mieux armés sont donc peut-être les pré-retraités : plus d’enfants à charge et parfois une grande maison avec des pièces vides qu’ils peuvent transformer en chambre d’hôtes pour accueillir des visiteurs le week-end ou pour des courts séjours. « Quand on a déjà un bien cela peut être un bon complément de revenu, c’est aussi un moyen d’améliorer son patrimoine immobilier, de pouvoir l’entretenir avec moins de frais et lui donner de la valeur en prévision de la retraite » explique Florence Pinsard. Selon elle, même si on perd un peu en termes de revenus, on ne peut pas comparer avec un travail salarié. « Avec mon mari nous avons perdu 50% de revenus par rapport à nos salaires de cadres, mais ce n’est pas le plus important. Il faut voir les choses différemment : une chambre d’hôtes rapporte ce dont vous avez besoin pour vivre dans un environnement exceptionnel » rappelle Florence. « Le principal avantage, c’est la valorisation de votre capital immobilier. C’est une voie de sortie intéressante en prévision de la retraite. Notre activité nous a permis de rénover quatre bâtiments et de multiplier par 5 la valeur de notre bien ».
Selon cette professionnelle du tourisme qui a fait le calcul, au final, avec la réduction de leurs dépenses vestimentaires et alimentaires et les impôts en moins, la différence avec leurs revenus de salariés ne serait que de 10%. Sans compter le bonheur de vivre à la campagne qui lui n’a pas de prix !
« Pour un salaire d’appoint, c’est suffisant »


Au-delà du contact avec la clientèle, Marie apprécie aussi les avantages de ce travail pas comme les autres. « Il y a des impératifs de présence notamment pour le petit-déjeuner mais on peut s’organiser un peu comme on veut » témoigne Marie. « On travaille chez soi, c’est très confortable : pas de problème d’embouteillages le matin ! Etre sur l’eau, habiter dans une péniche, c’est pour moi un vrai cadeau de vie ! »
« Je ne reprendrai pour rien au monde une activité professionnelle traditionnelle… »

« Dès le départ j’ai attaché beaucoup d’importance à mon site internet, ça m’a permis d’attirer les médias sur le concept du Boudoir » explique Marie. Et l’autre avantage d’avoir un concept fort c’est que cela attire une clientèle toujours très agréable. « Quand on mise sur un lieu un peu insolite, les hôtes viennent avec le sourire, ils savent qu’ils vont passer un bon moment dans un lieu différent, ils ne viennent pas sur une péniche par hasard ».
En vivre à deux est « illusoire »
Et ses 3 chambres affichent souvent complets. « Nous avons surtout une clientèle parisienne qui nous permet d’avoir une activité régulière sur toute l’année contrairement à d’autres chambres d’hôtes dans des zones touristiques qui fonctionnent plutôt d’avril à octobre » reconnaît Marie.
Pour l’instant elle arrive à en vivre en s’occupant seule de la péniche mais elle ne pourrait pas se verser de salaire si elle devait faire appel à du personnel. D’autant que l’investissement de départ est souvent long à rentabiliser. « C’est peut-être plus intéressant de faire une chambre d’hôtes quand on hérite d’une maison de famille » ajoute Marie. « Acheter un lieu pour faire une chambre d’hôtes et en vivre à deux est à mon avis illusoire ».
Souvent une aventure de couple
Pourtant l’ouverture d’une chambre d’hôtes est souvent une aventure de couple ou de famille. Selon Florence Pinsard de www.mamaisondhotes.com c’est d’ailleurs un élément très important dans la réussite du projet. « Il ne faut surtout pas se lancer si un des deux conjoints est réticent. C’est le divorce assuré au bout de 5 ans ! C’est la même chose si vous avez des ados que vous déracinez. Ne pas écouter la famille, c’est la première erreur à éviter quand on envisage ce genre de projet » conseille Florence. « Quand on ouvre une chambre d’hôtes tout le monde est en effet impliqué. Dans 80% des cas c’est un projet féminin mais il faut absolument que le mari et les enfants adhèrent à l’idée ».
Un budget de départ conséquent

Mais la région où le lieu en lui-même ne font pas tout, la maison c’est juste un « outil de travail ». Pour se différencier il faut aussi proposer des thématiques et des services complémentaires : par exemple un lieu insolite, des cours de cuisine, de jardinage, du bien-être, un spa, ou même des ateliers artistiques. « Toutes ces petites choses que les clients aiment bien aujourd’hui pour rendre leurs vacances intelligentes » préconise Florence.
D’autant que la clientèle est de plus en plus exigeante et on assiste à une montée en gamme des chambres d’hôtes qui rivalisent parfois avec l’hôtellerie de luxe. On est loin du modèle anglo-saxon de B&B (Bed and breakfast) à l’origine de la mode des chambres d’hôtes en France.

« La maison et les travaux, on sait très bien que ce ne sera jamais rentabilisé par l’activité »

« Travailler pour soi n’a pas de prix »
Depuis l’ouverture l’an dernier, la chambre d’hôtes tourne bien. Le Clos de Grâce accueille des clients toute l’année grâce à des services en plus comme des séminaires professionnels, un espace bien-être avec hammam et spa.
« Nous ne sommes pas les seuls à faire du haut-de-gamme » explique Olivier, « c’est un plus attendu par les clients ». Au bout d’un an d’activité le Clos de Grâce est désormais une SARL qui affiche 145.000 euros de chiffres d’affaires. « Cela nous permet d’entretenir la propriété et d’avoir deux salariés à plein temps pour le jardin et l’entretien des chambres et une saisonnière en plus l’été » explique Olivier. Mais pas de quoi en tirer un salaire pour les propriétaires qui réinvestissent tout dans leur petite entreprise. « Trop de personnes pensent pouvoir en vivre à deux, ce n’est pas possible compte-tenu de la limite à 5 chambres » rappelle Olivier. Pour ce couple, l’objectif était surtout de vivre autrement. Une reconversion que ne regrette absolument pas Olivier : « travailler pour soi, c’est une autre aventure. Etre son propre patron n’a pas de prix ».
2 guides à lire avant de se lancer :
- « Gites et chambres d’hôtes, les clés d’une installation réussie » de Isabelle Barèges, 192 pages, Editions Vuibert, 16 euros.
- « Ouvrir un gîte ou une chambre d’hôtes » de Christelle Capo-Chichi, 208 pages, Editions Studyrama, 19,90 euros.