Contacter le médecin traitant d’un salarié en arrêt, c’est illégal

La Cour de cassation rappelle qu’un employeur ne peut contacter le médecin traitant d’un salarié, sous peine de violation sa vie privée et du secret médical, et d’entraîner la nullité du licenciement.

Licencier un salarié après avoir contacté son médecin est illégal
Un employeur ne peut, en aucun cas, contacter le médecin traitant d'un salarié pour obtenir des informations. © Krakenimages.com / stock.adobe.com

Jusqu’où un employeur peut-il aller pour justifier un licenciement ? Une chose est certaine, il n’est pas autorisé à solliciter le médecin traitant de ses salariés, tranche la Cour de cassation. Dans une décision du 10 décembre 2025, la haute juridiction rappelle fermement les limites à ne pas franchir : le respect de la vie privée et du secret médical prime.

Un comportement de l’employeur jugé attentatoire à la vie privée

L’affaire sur laquelle s’est prononcée la Cour de cassation trouve son origine dans un licenciement prononcé en 2018. Elle opposait la société Pronovias France, spécialisée dans les tenues de mariage, à une salariée qui exerçait les fonctions de vendeuse et couturière depuis plusieurs années.

L’employeur avait pris l’initiative de contacter directement le médecin traitant de cette dernière, alors en arrêt de travail. Il souhaitait, selon ses dires, s’assurer de la régularité de l’arrêt et obtenir des précisions sur l’état de santé de la salariée.

Dans la lettre de licenciement, l’employeur a ensuite utilisé des informations obtenues auprès du médecin traitant, notamment des éléments relatifs à la pathologie et aux propos tenus en consultation, pour reprocher à la salariée d’avoir transmis un arrêt de travail antidaté au 20 juillet 2018.

La salariée a contesté son licenciement devant les juridictions prud’homales, qui ont jugé la rupture nulle pour violation du respect de la vie privée. La Cour d’appel de Paris a confirmé cette nullité, décision que la Cour de cassation vient à son tour de valider.

Une motivation du licenciement jugée illicite et nulle

Dans cette affaire, la lettre de licenciement faisait expressément référence à des éléments obtenus auprès du médecin traitant. La Cour a donc considéré que ces informations, recueillies de manière illicite, avaient servi à reprocher à la salariée la transmission d’un arrêt jugé irrégulier.

La haute juridiction a ainsi rappelé une logique juridique claire : un licenciement fondé, même partiellement, sur des informations couvertes par le secret médical et recueillies par l’employeur auprès du médecin traitant constitue une atteinte au respect de la vie privée du salarié. Cette seule violation suffit à entraîner la nullité du licenciement.

Secret médical et droit à la vie privée : une position sans ambiguïté

Dans son arrêt du 10 décembre 2025, la Cour de cassation confirme la décision d’appel et pose plusieurs principes de droit essentiels :

  • Le secret médical couvre l’ensemble des informations venant à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession ; il s’agit non seulement de ce qui lui a été confié, mais également de ce qu’il a vu, entendu ou compris au cours de la consultation ;
  • Tout salarié a droit au respect de sa vie privée, y compris en matière d’état de santé et de relations avec son médecin traitant, même sur le temps et le lieu de travail. Cette protection découle de dispositions internationales (article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) et nationales (article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, article 9 du Code civil et article L. 1121-1 du Code du travail) ;
  • Le fait, pour un employeur, d’obtenir ou de tenter d’obtenir des informations en violation du secret médical est pénalement sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, conformément au Code de la santé publique.

Sur la base de ces principes, la Cour censure l’attitude de l’employeur, quelle que soit la finalité invoquée pour contacter le médecin traitant, y compris à des fins administratives ou de contrôle des dates de l’arrêt de travail.

Ce que cette décision signifie pour les employeurs

Cette décision illustre les limites très strictes imposées aux employeurs en matière de santé des salariés :

  • Il leur est strictement interdit de contacter le médecin traitant afin d’obtenir toute information relative à l’état de santé ou à un arrêt de travail ;
  • En cas de doute sur la régularité d’un arrêt, l’employeur doit s’adresser à l’assurance maladie pour solliciter un contrôle, ou au médecin du travail, seul professionnel habilité à émettre des avis d’aptitude ou des recommandations sanitaires dans un cadre professionnel ;
  • Le recours à des informations obtenues illicitement peut suffire à faire annuler un licenciement, même si d’autres motifs de rupture existent.

Une jurisprudence protectrice de la vie privée

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui cherche à concilier le pouvoir de direction de l’employeur et la protection des libertés fondamentales des salariés. En matière de preuve, la frontière est claire. Le droit à l’information de l’employeur ne peut se substituer aux droits fondamentaux du salarié.

 

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