« La fin du télétravail reste un fantasme de dirigeants qui pensent le travail comme un rapport à la présence » 

Gaël Chatelain-Berry, expert en management, ne croit pas au recul du télétravail. 

Les managers doivent réfléchir au mode d’évaluation du travail de leurs collaborateurs à distance
Les managers doivent réfléchir au mode d'évaluation du travail de leurs collaborateurs à distance. © Maëliss Hennetier

 

Depuis la semaine dernière, l’entreprise Groupama Immobilier a décidé de mettre fin au télétravail en rappelant ses salariés, cinq jours par semaine, au bureau. Est-ce le signe d’un retour en arrière dans le monde du travail ? Le télétravail est-il en vraiment en perte de vitesse ? On a posé la question à Gaël Chatelain-Berry, conférencier, écrivain et auteur du Manager bienveillant 2.0 aux éditions First.  

« Il faut dépasser le fantasme de la productivité en présentiel »

Alors que le télétravail s’est imposé dans la plupart des entreprises françaises, certains employeurs ne sont toujours pas convaincus de ses vertus, notamment en matière de productivité. Certains managers clament haut et fort qu’ils sont contre, à titre personnel, en interne. Et, pour la première fois, un grand groupe français effectue publiquement, un retour en arrière : le directeur général de Groupama Immobilier réinstaure le présentiel cinq jours par semaine pour les 130 salariés, au nom de l’entraide et de la collaboration entre les équipes pour faire face à la crise immobilière. 

Pourtant, cet argument d’une meilleure productivité en présentiel ne tient pas, selon Gaël Chatelain-Berry : « Il y a un fantasme sur la productivité qui serait plus importante en présentiel. Mettre fin au télétravail est donc un fantasme de dirigeants qui n’arrivent pas à s’adapter à cette nouvelle organisation et qui pensent le travail comme un rapport à la présence et au temps. » 

Pour lui, tout manager devrait être capable de mettre en place du télétravail de façon efficace. « Le vrai problème, c’est le défaut de management par projets. En France, on a un rapport au travail qui est avant tout un rapport au temps. On considère que quelqu’un a fait son travail parce qu’il est là de 9h à 18h et on valorise même les salariés qui restent jusqu’à 20h, alors que peut-être qu’ils regardent des vidéos en ligne sans faire plus avancer leurs sujets ! »  

Pour lui, les managers doivent évoluer dans l’évaluation de la productivité de leurs collaborateurs. « Il y a une vraie question à se poser sur l’évaluation du travail. On pourrait imaginer que si le salarié a respecté ses objectifs quotidiens ou hebdomadaires, il peut partir à 15h ! »  

D’ailleurs, une étude récente de la société Scoop établit un lien entre politique de télétravail et chiffre d’affaires dans 554 entreprises cotées en Bourse. Celles qui ont fait le choix de la flexibilité et du libre choix du lieu de travail par leurs collaborateurs ont vu leur croissance augmenter de 21% entre 2020 et 2022, contre 5% pour celles qui ont imposé un retour au bureau, à temps plein ou quelques jours par semaine. 

« Tant que les entreprises auront besoin de recruter, il n’y aura pas de recul sur le télétravail »  

Aujourd’hui, la réalité du marché de l’emploi oblige les managers les plus réticents à continuer de mettre en avant le télétravail, afin d’attirer les candidats.  

Depuis la fin de la crise sanitaire, le rapport de force entre candidats et recruteurs a évolué. Pour pouvoir recruter sur certains postes très recherchés, les entreprises ont appris à valoriser certains avantages et à élargir leur package, au-delà de la rémunération. Aussi, Gaël Chatelain-Berry est certain qu’il n’y aura pas de retour en arrière, en raison d’un phénomène démographique nouveau : « La pyramide des âges s’inverse, il y a plus de départs à la retraite que de nouvelles embauches. Tant que les entreprises auront besoin de recruter, il n’y aura pas de recul sur le télétravail ».

  « J’attends avec impatience le DRH français qui ferait une déclaration contre le télétravail. En termes d’image employeur, ce serait à contre-courant de tout, notamment de la demande des salariés, car le télétravail reste un facteur d’attractivité majeur pour les candidats. Et j’entends surtout des dirigeants d’entreprise me dire qu’ils peinent à recruter. » 

Pour Gaël Chatelain-Berry, l’avenir sera plutôt de repenser le présentiel. « Certains groupes qui proposent déjà des accords de présentiel en instaurant un nombre de jours où leurs salariés doivent être présents au bureau chaque mois. C’est cohérent avec la demande de flexibilité des plus jeunes. » 

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Bien s’équiper pour bien recruter