Pacte de la vie au travail : quelles étaient les pistes les plus sérieuses pour l’emploi des seniors ?
Alors qu’il est désormais peu probable que le texte soit validé, on fait le point sur les principales pistes qui se dessinaient pour l’emploi des seniors.
Deux tiers de la population des 60-64 ans en emploi d’ici 2030. Voilà l’horizon fixé par le gouvernement aux partenaires sociaux, qui arrivent au terme de leurs discussions sur le pacte de la vie au travail. Un objectif ambitieux (alors qu’aujourd’hui un tiers de cette catégorie d’âge est en emploi), mais « atteignable et indispensable », estime Nathalie Poll-Gouater, Head of Diversity, Inclusion & CSR chez PageGroup.
« Le taux d’emploi des seniors a légèrement augmenté en 2023 en France, mais reste à la traîne dans l’UE, alors que la durée de la vie professionnelle s’allonge, constate-t-elle. On n’a pas d’autre choix que d’atteindre cet objectif. Le pacte sur la vie au travail est là pour rappeler aux entreprises leur responsabilité en matière de recrutement et de maintien dans l’emploi des seniors. »
Un changement culturel à opérer dans les entreprises
Selon elle, la première cause d’un taux d’emploi des 50 ans et plus relativement bas dans l’Hexagone est l’incapacité des employeurs à se saisir correctement de la question. Notamment du fait de stéréotypes encore très ancrés : « Les mythes liés au coût des seniors, à leur manque d’agilité et d’adaptabilité, à leur mauvaise maîtrise des technologies et à leurs difficultés d’intégration au sein d’équipes multigénérationnelles ont la vie dure. »
« Or nos études montrent que ces professionnels sont, en réalité, très demandeurs de travailler avec de jeunes générations, sont précieux en termes de loyauté, d’expertise et de transmission des savoirs et de la culture d’entreprise auprès de leurs collègues. C’est donc un changement culturel qui doit avoir lieu, à la fois du côté des RH et des managers opérationnels », souligne Nathalie Poll-Gouater.
Mieux accompagner les reconversions professionnelles des seniors
Comment s’emparer du sujet ? L’une des réponses passe par les reconversions professionnelles de fin de carrière, sujet épineux des négociations entre partenaires sociaux. Le patronat plaide pour la création d’un parcours d’évolution professionnelle (PEP), à l’initiative du salarié, qui se substituerait aux projets de transition professionnelle, à Transco et à pro-A. Une mesure décriée par les syndicats, car elle entraînerait une rupture du contrat de travail qui ne donnerait pas lieu au versement d’indemnités.
Si la question du comment reste, pour l’heure, en suspens, Nathalie Poll-Gouater est persuadée que l’entreprise doit accompagner ces reconversions professionnelles de leurs salariés en fin de carrière : « Pour notre population de cadres, l’option du management de transition est satisfaisante, car elle valorise leur savoir-faire et leurs connaissances. En allant à l’encontre du préjugé sur leur manque d’agilité et d’adaptation. »
Le CDI senior en débat
Autre point d’achoppement ente syndicats et organisations patronales : le CDI senior. Le Medef et la CPME veulent créer un nouveau type de contrat, également dénommé « contrat de valorisation de l’expérience », réservé aux personnes de plus de 60 ans. Le principe : au moment de la signature du contrat, le senior devrait indiquer à son employeur le nombre de trimestres qu’il lui reste à cotiser avant sa retraite et, une fois ce temps écoulé, l’entreprise pourrait décider unilatéralement de se séparer du salarié. Une ligne rouge pour les syndicats, qui considèrent que les salariés doivent avoir la possibilité de continuer à travailler pour améliorer le montant de leur pension de retraite s’ils le souhaitent. Du point de vue de Nathalie Poll-Gouater, « il existe déjà une multitude de contrats de travail en France et, sans vouloir préjuger de l’efficacité de ce nouveau type de contrat, désormais renommé, je pense que la prévention de l’usure et de la désinsertion professionnelle des seniors sont des problématiques complexes qui nécessitent une approche combinant des meures individuelles, organisationnelles et politiques ».
Des négociations de branche tous les 4 ans
En revanche, les partenaires sociaux se rejoignent sur la nécessité d’intégrer la négociation sur l’emploi des seniors aux discussions de branche, tous les quatre ans. « C’est une bonne chose, mais la question est de savoir quels seuils seront définis. Ces discussions concerneront-elles tous les secteurs ? Toutes les tailles d’entreprises ? À mon sens, c’est une question de société, qui doit être débattue dans toutes les organisations, comme l’est le sujet de l’emploi des personnes en situation de handicap, par exemple. On peut aussi discuter d’éventuels objectifs d’emploi des seniors et de mesures incitatives. »
Une réforme des entretiens professionnels
Une réforme des entretiens professionnels devrait également figurer dans l’accord final. À mi-carrière, ceux-ci pourraient mieux prendre en compte les besoins d’adaptation du poste, de développement des compétences du collaborateur et être couplés avec une visite médicale, comme c’est le cas pour les salariés de plus de 50 ans chez PageGroup : « Ils bénéficient d’une journée de visite médicale avec à la clé un bilan complet. Un dispositif qui permet de détecter précocement d’éventuels problèmes de santé liées à l’âge et de prendre des mesures préventives pour maintenir une bonne qualité de vie personnelle et professionnelle. »
Les aidants, grands absents
Enfin, Nathalie Poll-Gouater regrette que la question des salariés aidants ne soit pas un sujet prioritaire dans le cadre de ces discussions : « On a des enfants de plus en plus tard et notre population vieillit. Il n’est donc par rare que les salariés de 50 ans doivent s’occuper de leurs enfants, de leurs parents vieillissant tout en travaillant. Pour les entreprises, cela représente un challenge organisationnel qu’il faut anticiper en offrant plus de souplesse et d’accompagnement à ces collaborateurs. »
En résumé, « quand le marché du travail est favorable aux candidats, comme ça a été le cas juste après la crise sanitaire, le taux de chômage des seniors diminue, mais il faut avoir en tête que le contexte peut changer. D’où l’importance pour les entreprises d’être proactives pour favoriser l’insertion et la réinsertion dans l’emploi des seniors. »