Du cadre à l’ouvrier, tout le monde glande au boulot
La rationalisation des tâches et les contrôles accrus des salariés n’y font rien : certains employés « volent » quotidiennement plusieurs heures de travail à leur patron. L’universitaire Roland Paulsen a étudié ce phénomène aux causes multiples qui touche tous les étages de l’entreprise, révèle un article de l’Express.
S’il est bien connu que les pauses ont parfois tendance à s’étirer au travail, Paulsen s’est intéressé à ceux qui ne font rien plusieurs heures par jour, voire presque toute la journée. Dans son ouvrage consacré au « travail inoccupé » (empty work), l’auteur se demande comment cette forme de paresse est possible malgré « la précarisation du marché du travail, la faiblesse du syndicalisme et le développement continu de nouvelles techniques de management (qui) placent le travailleur dans une position très vulnérable, dans laquelle la soumission complète semble être la réaction logique ».
Qui glande au boulot ?
Tout le monde connaît un collègue qui ne fait rien au travail. Mais comme nous vous le révélions déjà, le planqué n’est pas toujours celui qu’on croit. Selon Roland Paulsen, l’inactivité est en effet la chose la mieux partagée dans l’entreprise et ce quel que soit son secteur d’activité : finance, vente, social, etc. « Une grande partie des personnes que j’ai interrogées peuvent être considérées comme privilégiées en termes de position hiérarchique et de niveau de diplôme », explique le chercheur à L’Express. « Mais j’ai aussi rencontré une fleuriste qui passait la plupart de son temps au café d’en face et un agent d’entretien qui s’accordait de très longues pauses ».
Les cols blancs ne sont donc pas les seuls à ne rien faire mais leur position les rend plus libres d’agir ainsi. « C’est assez facile de dire : ‘non, nous n’avons pas le temps pour votre projet car nous sommes occupés avec d’autres' », raconte un ingénieur en logiciels interrogé par le chercheur. « Ils ne savent rien du temps que prennent les choses. Donc vous pouvez très bien dire que vous travaillez toujours sur quelque chose que vous avez fini (…) et en plus, ils n’ont pas le temps de vous surveiller », relate l’Express. Ajoutez à cela que dans les entreprises du tertiaire, la position assise derrière un ordinateur facilite l’inactivité sans être jamais vraiment grillé.
Pourquoi ne fait-on rien au travail ?
Sabotage, résistance des individus face à l’organisation du travail ? Que révèle l’inactivité au travail ? Lorsqu’il a commencé ses recherches, le chercheur pense que ce comportement des salariés est une forme de lutte. Pour certains c’est le cas. Pour les autres, les cas sont multiples : le vrai glandeur, les revanchards fâchés avec leur hiérarchie, jusqu’à la « culture du fun » encouragée par les entreprises high-tech.
Pour de nombreux autres employés, c’est au contraire l’entreprise qui est incapable de leur fournir une charge de travail suffisante. « Certaines personnes sont profondément dépitées de se sentir sous-utilisées. Elles risquent le ‘boreout’, un épuisement par l’ennui, l’opposé du ‘burn-out’« , observe le sociologue. Selon les auteurs de Diagnose Boreout, ce mal touche au bas mot 15% des employés de bureau. Le plus souvent, les entreprises qui souhaitent lutter contre ce phénomène apportent des réponses contre-productives. Le flicage, la surveillance quotidienne en coupant par exemple l’accès à Internet n’aboutit à rien, confirme l’universitaire Nicolas Gillet dans ses études sur les pratiques managériales. Et à quoi bon vouloir toujours plus surveiller les salariés s’interroge également Roland Paulsen, puisque à la fin le travail est fait ?