Contacter un salarié pendant ses congés : que dit le droit ?

Un employeur a-t-il le droit de joindre un collaborateur pendant ses vacances ? La réponse de l’avocate.

contacter un salarié pendant ses vacances
Pendant les congés payés du salarié, son contrat de travail est suspendu. © Hellowork

L’un de vos salariés est parti en vacances et son manager a besoin de le contacter car il ne lui a pas transmis une information : en a-t-il le droit ? « En principe, non, affirme Déborah Fallik, avocate associée chez Redlink Avocats. Car pendant les congés payés, le contrat de travail du salarié est suspendu, ce qui signifie qu’il n’est pas censé être disponible pour travailler et n’a pas à se tenir à la disposition de son employeur. »

Un temps où le salarié n’est pas à la disposition de l’employeur

Par définition, les congés ne sont donc pas du temps de travail effectif, au sens de l’article L3121-1 du Code du travail : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. » Conséquence : « Si un employeur tente de joindre un collaborateur durant cette période et qu’il ne lui répond pas, ce dernier ne s’expose pas à des sanctions disciplinaires », précise l’avocate.

Les mêmes règles s’appliquent lorsque le salarié est en arrêt de travail, en week-end, en congé paternité, maternité ou parental. Comme vient nous le rappeler un récent arrêt de la Cour de cassation : une société de transport avait pour habitude de communiquer le planning de la semaine suivante pendant le week-end à ses salariés. Or, un chauffeur n’avait pas répondu au SMS, alors qu’il se trouvait en jour de repos, et avait été licencié pour cette raison. Ce licenciement a été jugé injustifié.

Situations d’urgence et astreintes

Il existe cependant certaines circonstances pouvant justifier de contacter un salarié pendant ses congés, notamment en cas d’urgence : « L’urgence doit être entendue comme quelque chose de vital pour le bon fonctionnement de l’entreprise, explicite l’avocate. Par exemple, dans le cadre d’un appel d’offres, si l’employeur se trouve à la veille de la date butoir pour rendre le dossier et qu’il lui manque un document important que seul l’un de ses salariés en congés détient, cela peut justifier de le contacter. Cependant, même dans ce cas de figure, si celui-ci ne répond pas, il ne pourra pas être sanctionné du fait de son silence. Se posera alors la question de la responsabilité du salarié dans la situation de l’entreprise ne disposant pas des informations nécessaires pour son activité. » Attention toutefois à bien apprécier le degré d’urgence avant de déranger le collaborateur : « L’employeur prend un risque : si le degré d’urgence n’est pas si élevé, il y aura une violation manifeste du droit à la déconnexion. »

Autre cas particulier : l’astreinte, définie à l’article L. 3121-9 Code du travail comme « une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ». Cette période doit faire l’objet d’une contrepartie, sous forme financière ou de repos. Seule la durée d’intervention est assimilée à du temps de travail effectif.

L’employeur, garant du droit à la déconnexion

En tout état de cause, l’employeur est garant du droit à la déconnexion de ses salariés : depuis 2017, toute entreprise employant des personnes au forfait-jours ou comptant plus de 50 salariés doit négocier, chaque année, un accord sur l’égalité professionnelle femmes/hommes et la qualité de vie et des conditions de travail, qui fixe, entre autres, les modalités de ce droit à la déconnexion.

À défaut, elle doivent mettre en place une charte de déconnexion après consultation du CSE : « Ce document comprend les mesures mises en place par l’entreprise pour garantir ce droit, par exemple l’envoi de mails automatiques d’absence pendant les congés du collaborateur, l’ajout d’un message dans les mails précisant qu’il n’est pas recommandé d’envoyer des mails avant ou après une certaine heure ou encore des actions de formation et de sensibilisation des salariés, et notamment des managers, aux bonnes pratiques d’utilisation des outils numériques », illustre Me Fallik. « Au-delà de cette charte, si l’employeur s’aperçoit que le salarié travaille pendant ses congés ou en-dehors de ses horaires de travail, que ce soit à distance ou sur site, son rôle est de le dissuader de le faire. »

Si un employeur contacte un salarié pendant ses congés de manière abusive ou répétée, ce comportement peut être assimilé à une violation du droit au repos, à une intrusion dans la vie privée, voire à du harcèlement, et peut être sanctionné.

 

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