Congés payés : l’Etat français condamné pour non respect des directives européennes
Dans le droit français, les congés maladie sont considérés comme des temps de repos.

C’était un parcours de longue haleine pour les trois syndicats français déboutés depuis 2017. Dans une décision rendue le 18 juillet 2023 par la cour administrative d’appel de Versailles, l’Etat français a été condamné à verser un total de 30 000 euros à la CGT, Force ouvrière (FO) et l’Union syndicale Solidaires – cinq fois moins que la peine initialement réclamée. L’arrêt de la cour, prononcé la veille, devrait faire jurisprudence.
L’enjeu pour les trois organisations : obtenir gain de cause concernant l’application de la directive européenne de 2003 sur le temps de travail en matière de congés payés et « réparation du préjudice subi par les salariés qu’elles représentent ». De quel préjudice s’agit-il ? Pour le comprendre, il faut se plonger à la fois dans le Code du travail français et les lois européennes.
Ce que dit le Code du travail
En France, un salarié a droit à 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif chez le même employeur, soit 30 jours (cinq semaines) pour une année complète de travail. Certaines périodes d’absence sont intégrées dans le calcul de la période de travail effectif pour les congés comme les jours fériés chômés, un congé maternité, un accident du travail ou une maladie professionnelle, par exemple.
Sauf disposition conventionnelle contraire, une absence pour maladie non professionnelle ne permet pas d’acquérir de congés payés. Par ailleurs, c’est le premier motif d’absence qui prévaut. Un salarié victime d’un accident ou qui tombe malade lors de ces congés, ne peut pas bénéficier de leur prolongation ou report. Les congés sont perdus.
Quatre semaines de congés obligatoires
C’est là que le bât blesse ! En effet, ces dispositions sont contraires à la directive européenne de 2003 qui garantit un congé payé annuel de quatre semaines à tous les salariés. Ces dernières désavantagent plus particulièrement les salariés de retour d’une longue maladie.
La CGT, dans un communiqué daté du 25 juillet rappelle d’ailleurs que : « Cette directive, interprétée par la Cour de justice de l’union européenne (CJUE), interdit d’assimiler l’arrêt maladie d’origine non professionnelle à un temps de repos. » La CJUE indique ainsi que les périodes de congés maladie doivent ouvrir droit à congés payés, que les salariés en arrêt maladie pendant leurs congés doivent les voir reportés et que les salariés qui n’ont pas pu prendre leurs congés dans l’année pour cause d’arrêt maladie, doivent voir leurs congés payés reportés l’année suivante.
Des différences entre le privé et le public
Le hic, rappelle Les Echos, est que si l’arrêt du 17 juillet remet en cause des règles applicables aux congés payés, cela ne veut pas dire qu’elles vont pour autant changer automatiquement. En effet, la situation est différente pour les salariés du public et du privé. Le quotidien économique précise que les fonctionnaires bénéficieront d’une application directe de la jurisprudence – et pourront aller devant la justice si leur employeur ne respecte pas la directive de 2003 – là où le salarié du privé risque de devoir attendre la réécriture du Code du travail.
Pourquoi donc s’attaquer à l’Etat ? Car les entreprises n’ont pas à appliquer directement le droit européen. Il est plus simple pour un salarié de saisir la non-conformité de la loi française vis-à-vis du droit européen.
Vers une modification du Code du travail ?
Cette décision est-elle une réelle avancée pour les droits du salariés ? Indirectement oui, d’autant que les condamnations de l’Etat pour non-conformité au droit européen en matière de congés payés se multiplient. Reste à savoir si le gouvernement acceptera de céder. Les syndicats eux, n’ont pas visiblement pas l’intention de lâcher : « La CGT se félicite de cette décision dont l’Etat doit désormais tirer toutes les conséquences : ce dernier doit mettre le droit français en règle avec le droit de l’Union européenne, comme le lui avait d’ailleurs déjà suggéré la Cour de cassation dans son rapport de 2013 en conseillant une modification législative du Code du travail sur ce sujet « afin d’éviter (…) des actions en responsabilité contre l’Etat » ».