Etats-Unis : après les congés illimités, les vacances obligatoires
Certaines entreprises américaines reviennent sur le dispositif des congés illimités pour passer aux vacances obligatoires. L’objectif reste le même.
Aux Etats-Unis, 28 millions de salariés n’ont pas de congés payés, le pays étant le seul parmi les plus riches à ne pas les garantir aux travailleurs. Pour autant, le sujet ne laisse pas de marbre les candidats, qui sont 63% à dire qu’ils refuseraient une proposition de job sans congés payés, selon une étude reprise par la BBC.
On pourrait donc penser que ces précieux congés payés sont bel et bien utilisés par les salariés américains, mais ce n’est pas le cas : 50% des travailleurs américains ne les utilisent pas en totalité. D’où l’idée de certaines entreprises de prévoir des congés obligatoires.
Chez Goldman Sachs : congés illimités pour les uns, congés obligatoires pour les autres
C’est notamment le cas de Goldman Sachs, qui joue sur deux tableaux : d’un côté, le groupe propose à ses cadres dirigeants des vacances flexibles, à poser selon le besoin, sans limite de temps. De l’autre, les employés vont devoir prendre deux semaines de congés par an à partir de 2023, dont sept jours consécutifs minimum. Les salariés juniors bénéficieront en complément de deux autres jours de congés obligatoires. Le but ? Eviter les burn-out, fidéliser les collaborateurs et faire évoluer la culture d’entreprise pour séduire de nouveaux candidats.
Lutter contre le présentéisme et une certaine culture des journées longues
En imposant des congés, les entreprises concernées souhaitent faire évoluer concrètement leur culture : puisque ces congés sont obligatoires, les salariés ne devraient plus craindre d’avoir l’air désengagés en en faisant la demande. Les managers, quant à eux, seraient censés être moins tentés de dissuader leurs collaborateurs de les prendre.
Dans son interview à la BBC, l’entreprise We Are Rosie, spécialisée dans le marketing, raconte qu’elle est passée des congés illimités aux congés obligatoires pendant la crise sanitaire. L’explication de ce changement de cap ? Elle s’est rendue compte que ses collaborateurs culpabilisaient à l’idée de laisser tomber leur équipe sous-staffée pour cause de Covid. Aujourd’hui, les salariés de We Are Rosie sont tenus de poser cinq jours de congés par trimestre, c’est même un des points de leurs objectifs annuels, avec une incidence sur leur prime annuelle.
Même chose chez Balsamiq, une société de logiciels basée en France, en Allemagne et aux Etats-Unis : les équipes ont constaté que certains salariés américains ne trouvaient jamais le bon moment pour partir en congés. Et c’est justement cette culture que les entreprises cherchent à faire évoluer. Chez Balsamiq, pas de carotte ou de punition : les salariés sont invités à poser au moins 20 jours par an, avec un suivi des congés posés destiné à inciter les salariés les plus frileux à suivre le mouvement.
Congés illimités ou congés obligatoires, même combat
Réussir à faire prendre des congés aux salariés qui culpabilisent à cette idée restera un vœu pieu pour les entreprises si elles n’ont pas l’ambition de faire évoluer leur culture sur le sujet. Anat Letcher, professeure de management des organisations à la NYU Stern School of Business interrogée par la BBC, suggère de récompenser les salariés qui prennent leurs congés et de pénaliser leur manager quand ce n’est pas le cas.
Les entreprises ont également tout intérêt à repenser leur organisation du travail : un salarié qui prend ses congés doit pouvoir compter sur le fait que le travail va continuer à bien se faire sans lui et qu’à son retour, il aura accès au suivi des actions menées pendant son absence. C’est aussi une des clés pour permettre des congés… déconnectés, qui perdraient tout leur intérêt pour la santé mentale des salariés si ces derniers se voyaient obligés de consulter leur boîte mail ou de se rendre disponibles pendant leur temps off.